Docteur Jean-Marie Bourre
Directeur de recherches INSERM, Membre de l'académie de médecine
Pourquoi un index glycémique ?
Tous les aliments contenant des glucides n'induisent pas la même réponse glycémique (concentration de glucose dans le sang, c'est-à-dire de « sucre
») au sein de l'organisme : le glucose passe plus ou moins rapidement et massivement dans le sang selon son origine. D'où la notion d'index glycémique des aliments. II a été défini pour classer
les glucides selon l'importance et la durée de l'élévation de la glycémie qu'ils induisent lorsqu'ils sont ingérés par des personnes.
En fait, la notion d'index glycémique recouvre celle de « sucre rapide » et de « sucre lent », mais sans être similaire, ni équivalente. Sucres
"rapides", signifie rapidement absorbés par la physiologie et le métabolisme. Un exemple simple permet de justifier ce qualificatif. Ainsi, les vingt grammes des quatre morceaux de sucre absorbés
en milieu de journée (dans une boisson sucrée, par exemple) arrivent dans l'estomac pour en sortir immédiatement, avant d'être très rapidement digérés par les intestins ; ils affluent alors dans
le sang, qui ne trouve pas d'organe à qui les fournir, à moins qu'un effort musculaire ne soit en cours. L'organisme stocke alors cette énergie sous la forme prévue par la nature, c'est-à-dire de
graisses. Ce sucre est par conséquent dit « rapide ».
Par contre, une multitude de molécules de glucose assemblées les unes aux autres forment des assemblages, dont le plus connu s'appelle amidon. Vingt
grammes de celui-ci, trouvés dans environ trente à quarante grammes de pain (qui sont des glucides, pour 70 % de leur poids), sont lentement travaillés par l'estomac, digérés tout aussi lentement
par les intestins ; le sang reçoit ces bons sucres « lents » en petites doses, et pendant une longue durée. Ils vont donc approvisionner utilement en énergie l'organisme ; suppléant régulièrement
à ses besoins pendant plusieurs heures. Ce sont les sucres "lents", ainsi dénommés car ils se distribuent lentement dans le corps. Grâce à eux, la glycémie est maintenue constante, pour le plus
grand bénéfice des neurones, notamment. Leur index glycémique est bas.
Quelle est la définition de l'index glycémique ?
II se caractérise, à quantité égale de glucides, comme l'effet hyperglycémiant (augmentation de la teneur de
glucose dans le sang) d'un aliment comparé à un liquide glucosé.
II est très exactement calculé par un chiffre déterminé par une fraction. Au numérateur de celle-ci figure la
surface mesurée sous la courbe glycémique durant trois heures, après ingestion de cinquante grammes de glucides contenus dans l'aliment testé ; au dénominateur est comptabilisée la surface
glycémique pendant trois heures après l'ingestion d'une solution standard de cinquante grammes de glucose. En pratique, chez une même personne, le numérateur est déterminé le premier jour, le
dénominateur le deuxième matin. Véritable novation, cet indice est d'autant meilleur qu'il est plus faible.
En fait, les mécanismes physiologiques ne sont pas très complexes: pour approvisionner régulièrement le corps, il
faut que le sucre alimentaire arrive lentement, mais régulièrement, dans le sang, ce qui est notamment le résultat d'un Temps de vidange gastrique (un TVG lent) et d'une digestion intestinale
aussi lents que possible. Le tout génère un index glycémique bas (et une faible sécrétion d'insuline).
La vitesse avec laquelle s'effectue l'évacuation de l'estomac, la vidange gastrique, représente probablement l'un
des facteurs les plus importants du contrôle de la vitesse de l'absorption intestinale. En réalité, selon que l'aliment est consommé seul ou non, les différences de TVG sont notables. Ce temps
conditionne la vitesse de distribution dans l'intestin grêle du glucose produit préalablement dans l'estomac, ainsi que des amidons restants ; il induit, par conséquent, les réponses glycémiques
qui suivent l'absorption d'aliments. Le TVG dirige et organise, il délivre petit à petit les nutriments, évite les à-coups, assure l'étalement de l'apport en glucose à l'organisme sur plusieurs
heures. Globalement, selon qu'un aliment glucidique donne lieu à un TVG rapide ou lent, le pic de concentration de sucre dans le sang est plus ou moins accentué ; il est suivi d'ailleurs, dans un
second temps, d'un pic hyperinsulinémique. II convient que ces deux pics soient aussi peu marqués que possible.
En quoi l'index glycémique est-il une avancée considérable en nutrition ?
La mesure de l'index glycémique constitue un progrès considérable, car il s'agit d'un paramètre physiologique qui
définit objectivement la qualité d'un aliment ; alors que, pour les autres nutriments, on en reste aux quantités telles que définies dans les ANC (apports nutritionnels conseillés, définis par
les experts) ou encore les AJR (apports journaliers recommandés, exigés par le législateur). Au contenu chimique de l'aliment est substitué une réponse biologique.
Cet index est actuellement l'instrument de mesure le plus fiable, compte tenu des connaissances scientifiques et
médicales. L'index insulinémique (qui fournit la rapidité de réponse hormonale à l'arrivée de glucose, sous forme de sécrétion d'insuline) est certes plus pertinent, mais il est plus complexe et
plus coûteux à doser.
Relation entre faim, satiété et index glycémique ?
La satiété est inversement proportionnelle à l'index glycémique d'un aliment. C'est-à-dire que plus un sucre est «
lent », mieux il coupe la faim. Incidemment, chez l'adolescent obèse, la prise volontaire libre d'aliments après un repas à index glycémique fort est de 80 supérieure à ce qu'elle est après un
repas similaire, mais d'index glycémique faible.
Quelles relations entre l'index glycémique et la nature chimique des glucides ?
En fait, la nature du sucre - simple ou complexe - ne permet pas d'inférer systématiquement l'ordre de brandeur de
l'index glycémiquet Ainsi, le glucose donne un index de 100, par définition ; alors que le fructose (autre sucre simple) présente un index de 23, ce qui explique que les fruits aient des index
bas.
Les disaccharides (constitués par définition de deux sucres simples) ont des index moyennement élevés, allant de
73 pour le miel (car il est en partie « inversé », c'est-à-dire qu'il contient en fait une bonne quantité de glucose), à 65 pour le saccharose (celui du sucre en morceaux ou des boissons sucrées,
formé de deux molécules arrimées l'une à l'autre : le glucose et le fructose) pour descendre à 45 avec le lactose (celui du lait, composé de glucose attaché au galactose).
Un exemple de la complexité des phénomènes : une banane peu mûre contient surtout de l'amidon (donc un bon sucre
"lent"), mais quand elle est à maturité et sucrée, il y a surtout du sucre (donc du sucre « rapide »). En réalité, la composition de chaque aliment intervient sur les caractéristiques - lentes ou
rapides - de ses propres sucres.
La présence de graisses modifie-t-elles l'index glycémique ?
La présence de graisses (consommées en même temps que les glucides) diminue l'index glycémique. A titre d'exemple,
alors qu'il est de 65 pour le saccharose, il passe à 49 dans le chocolat (constitué de graisses et de sucres) !
La combinaison de graisses et de protéines diminue encore l'index: de 45 pour les pâtes, il passe à 39 avec les
raviolis (grâce à la présence de protéines) pour se retrouver à 32 pour les pâtes aux neufs (protéines + graisses). Dans le même esprit, l'index glycémique du lait écrémé (32) est inférieur à
celui du lactose (46) conséquence de la présence des protéines, celui du lait entier est encore plus petit (27) grâce à la présence simultanée des protéines et des graisses.
L'index glycémique du pain est fortement amélioré du fait de son accompagnement
En pratique alimentaire, le pain n'est presque jamais consommé seul : au cours du repas, il est au minimum
accompagné d'un peu de beurre, de fromage, d'une tranche de jambon ou de quelques rondelles d'œuf. Ces assortiments diminuent de manière importante son index glycémique. Donc, en fait, quel que
soit le pain, l'index est très probablement favorable dés l'instant qu'il fait partie d'un repas ; ainsi, le sandwich s'avère intéressant. Mais ceci demandait à être vérifié en France, sur des
produits français.
Dans le pain complet, la présence du germe, constitué de graisses et de protéines, réduit l'index ; outre le fait
que ce germe bénéficie de la propriété exceptionnelle de contenir de fortes quantités de vitamines, de minéraux et d'acides gras indispensables.
Nature des aliments, TVG, index glycémique
Différents facteurs peuvent influencer le temps de vidange gastrique. D'abord la teneur en lipides : plus le repas
en est riche et plus le temps de vidange est long. Ensuite les quantités de glucides complexes eux-mêmes : ils augmentent le temps de vidange. C'est ainsi qu'une fine purée de pommes de terre
bien cuite, sans graisse, est absorbée par l'intestin presque aussi vite que de l'eau contenant une quantité équivalente de glucose : c'est alors un véritable sucre "rapide". D'où l'intérêt, de
"ralentir" les sucres, avec du beurre, ou mieux, du fromage râpé, de quelques gouttes d'une huile végétale poly-insaturée, telle celle de noix qui donne un goût sublime ! Un dessert bien sucré
pris en fin de repas, après une salade copieusement agrémentée de vinaigrette à l'huile, peut ainsi devenir un sucre "lent", et n'être pas interdit à un diabétique. Le chocolat est un exemple de
cette association glucides et lipides.
Index glycémique, activité physique, diabète et obésité
Sur un plan méthodologique, l'index glycémique d'un aliment est mesuré chez un volontaire au repos. Toutefois, la
vitesse d'accumulation du sucre dans le sang, qui est objectivée par l'aspect de la courbe glycémique, est déterminée par l'équilibre entre le flux de glucose entrant dans le sang, et la vitesse
avec laquelle il le quitte pour être assimilé par les tissus. Lors d'activité sportive importante, l'élévation de la glycémie est modeste, car le glucose est immédiatement utilisé dès son arrivée
dans le sang.
Chez l'obèse et chez le diabétique, les index glycémiques des aliments ne sont pas les mêmes que chez les autres
sujets.
Un exemple d'intérêt de l'index glycémique : le cerveau
Globalement, en l'absence de morceaux de sucre et de confitures, le rôle exclusif de 40 du pain du petit-déjeuner
est de faire fonctionner le seul cerveau ! En effet, les recommandations récentes des nutritionnistes sont de 50 % de la ration calorique sous forme de glucides ; étant donné que votre cerveau
monopolise 20 % de la ration calorique totale, mais seulement sous forme de glucose, il est logique de déduire par le calcul qu'il utilise en fait les 20 % du total sur les seuls 50 % de
glucides, ce qui représente finalement 40 % de ces glucides.
Les personnes dont la glycémie est irrégulière, mal régulée, présentent des performances intellectuelles
amoindries, notamment les personnes âgées (diminution - au moins - de 8 à 15 % en moyenne). En bref, leurs réponses à des tâches difficiles ou complexes sont d'autant moins bonnes que la glycémie
est plus défavorable. Une ration de glucides en cours de journée améliore leurs performances mentales (alors que, preuve à contrario de l'effet positif de ces glucides, des édulcorants de type
aspartame ou saccharine sont strictement sans effet).
Les index glycémiques publiés
Pour ce qui est du pain, l'index glycémique s'avère différent selon la variété choisie : dans les anciennes
études, il pouvait être élevé quand il s'agissait de la baguette française, bas avec le pain complet. En fait, les index donnés dans les tables venaient de compilations de travaux réalisés dans
des pays différents, les dosages étant effectués avec des techniques qui n'étaient pas normalisées.
II était donc absolument fondamental d'effectuer, en France avec des pains français, afin de les resituer parmi
les aliments, la détermination de leurs index glycémiques selon une méthode normalisée. Ce fut réalisé dans le laboratoire de renommée internationale du Pr Gérard SLAMA. C'est précisément ce
travail qui nous est présenté par le Docteur Slawa RIZKALLA.
www.diabete-abd.be