• J'ai oublié mon traitement ?

    J'ai oublié mon traitement que faire en pratique ?

     Dr P.SELVAIS - CH HORNU-FRAMERIES et HOPITAL ERASME

    Oublier son injection d'insuline ou son comprimé antidiabétique, qui ne l'a pas fait? Pourtant, les ouvrages de diabétologie sont étrangement silencieux à ce sujet. comment réagir dans cette circonstance imprévue mais anxiogène? D'abord, il faut se rendre compte que ce type d'oubli est presque inévitable et ne porte que rarement à conséquence aiguë.

     

    Pas de panique donc: nous avons le temps de réagir et surtout de réfléchir pour éviter d'augmenter encore le danger (par exemple, en optant pour un supplément inconsidéré d'insuline ou de comprimé). Mais bien entendu, ces oublis doivent rester l'exception, sinon le contrôle du diabète par le traitement se dégradera petit à petit

     

    Ce petit article a pour but de donner quelques conseils. Néanmoins, il est toujours avant tout et de loin préférable d'éviter d'oublier son traitement. Certaines stratégies peuvent nous y aider: instaurer un rituel, c'est-à-dire prendre le traitement chaque jour à la même heure de façon standardisée ou faire une marque sur son agenda ou son calendrier, pour les plus distraits, il est aussi pratique d'utiliser les montres ou les agendas électroniques avec alarme, pour nous rappeler qu'il est temps de penser à l'injection d'insuline par exemple.

    LE DIABÉTIQUE TRAITÉ PAR COMPRIMÉS

     

    II faut ici distinguer le diabétique traité par comprimés insulino-sensibilisants (metformine ou glitazones) et par comprimés insulino-stimulants (sulfamidés, glinides).

    En effet les premiers causent peu de risque d'hypoglycémie et ont une action étale. Les seconds par contre agissent davantage 'sur le moment' et peuvent parfois entraîner des hypoglycémies en cas de surdosage.

    LE DIABÉTIQUE TRAITÉ PAR COMPRIMÉS INSULINOSENSIBILISANTS

     

    II s'agit des traitements à la metformine (Metformax, Glucophage, Metformine, Metformiphar Docmetformi) ou au glitazones (Avandia, Actos). Ces médicaments réduisent la résistance à l'insuline.

    Ils ont la double particularité d'agir de manière prolongée et de ne pas causer à eux seuls d'hypoglycémies.

    En cas d'oubli ponctuel, ne pas s'inquiéter. Si l'oubli est constaté rapidement (avec 1 à 2 heures de retard), le comprimé peut être pris entre les repas.

    Si l'oubli est constaté plus tardivement, ne pas trop s'inquiéter et continuer la prise prévue au repas suivant.

    Il vaut mieux ne pas doubler la dose de metformine même en cas d'oubli car ce médicament provoque facilement nausées et diarrhées. L'oubli ponctuel d'un comprimé a peu d'importance car ces médications ont une action douce, progressive et surtout prolongée.

    II faut surtout essayer de ne pas multiplier trop les oublis, sinon on ne reçoit plus sa dose.

    LE DIABÉTIQUE TRAITÉ PAR COMPRIMÉS INSULINOSECRÉTEURS

     

    II s'agit des traitements aux sulfamidés hypoglycémiants et aux glinides.

     

    Quelques exemples largement utilisés en Belgique : Glurénorm, Diamicron et Uni-diamicron, Gliclazide, Amarylle, Novonorm, Daonil, Euglucon, Minidiab, Beroven...

     

    Ce sont des médicaments qui stimulent la sécrétion d'insuline, et ils sont donc capables de causer des hypoglycémies s'ils ne sont pas pris au bon moment ou si on en augmente trop la dose.

     

    Il faut distinguer ceux de ces médicaments qui ont une action relativement courte (et se prennent généralement à tous les repas) et ceux qui ont une action prolongée sur 24 heures (l'Amarylle et l'Uni-diamicron).

     

    En règle générale, il est toujours préférable d'éviter de prendre les comprimés insu lino-sécréteurs à jeun ou d'augmenter la dose (car il y a alors un danger d'hypoglycémie).

     

    Pour ceux de ces médicaments qui ont une action courte et se prennent donc souvent à tous les repas, si on s'aperçoit de l'oubli en cours du repas ou immédiatement en fin de repas, le comprimé oublié peut être pris à ce moment.

     

    Si on s'aperçoit de l'oubli à plus d'une heure du repas, il vaut mieux ne pas prendre le comprimé oublié, et continuer le traitement comme prévu au repas suivant, en diminuant peut-être un peu l'apport calorique et en ayant une petite activité physique pour 'compenser' en brûlant un peu de sucre. Les choses vont rapidement rentrer dans l'ordre.

     

    Pour ceux de ces médicaments qui ont une action prolongée et se prennent en une fois par jour le matin (soit l'Amarylle et l'Uni-diamicron), la situation est un peu plus compliquée car un oubli le matin pourrait signifier se passer de médicament jusqu'au lendemain.

     

    Je propose si l'oubli des comprimés du matin est réalisé avant le midi de prendre deux tiers de la dose à midi, si l'oubli est réalisé avant le souper de prendre un tiers de la dose le soir. Le lendemain, poursuivre les doses habituelles.

     

    Si l'oubli de ces comprimés n'est réalisé que le lendemain matin, tant pis : poursuivre les doses habituelles sans les augmenter pour ne pas causer un surdosage temporaire (tout devrait rentrer dans l'ordre en 48 heures, faites peut-être un petit effort de régime), mais essayez surtout de prendre une routine qui évite les oublis!

     

    Pour les combinaisons d'un médicament insulinosecréteur et insulino sensibilisant, soit le Glucovance, réagir en fonction du composé insulino secréteur, c'est-à-dire plutôt abstention sauf si l'oubli est constaté rapidement.

    LE DIABÉTIQUE TRAITÉ PAR INSULINE

     

    II faut ici aussi distinguer le diabétique, surtout de type 2, traité par une injection d'insuline en soirée ou par deux injections au déjeuner et au souper, et le diabétique, plus souvent de type 1, traité par un schéma à quatre ou cinq injections d'insuline combinant trois injections aux repas et 1 à 2 injections d'insuline lente.

    LE DIABÉTIQUE TRAITÉ PAR UNE OU DEUX INJECTIONS D'INSULINE

    Ces diabètes sont souvent relativement stables, et un oubli ponctuel a généralement peu d'influence.

    Dans le cas du diabétique traité par une injection d'insuline, le plus souvent au coucher, il s'agit généralement d'un traitement combiné à des comprimés hypoglycémiants.

    Si l'oubli est constaté dans un délai d'une à deux heures, l'insuline oubliée peut être administrée de manière retardée.

    Si l'oubli est constaté plus tard (soit le plus souvent le lendemain matin) et qu'il s'agit d'une insuline classique (Insulatard, Humuline Long ou NPH, couvrant la nuit), il vaut sans doute mieux ne rien faire sinon être un peu plus attentif au régime du lendemain.

    Si l'oubli est constaté tard mais qu'il s'agit d'un analogue lent de l'insuline (Lantus, couvrant 24 heures), il serait sans doute dommage de se priver 24 heures de l'action de l'insuline: je propose de faire une demi-dose 'de raccord' le lendemain matin.

    Dans le cas du diabétique traité par deux injections d'insuline, il s'agit dans l'immense majorité des cas d'un mélange d'insulines rapide et lente couvrant une grosse demi-journée. Si l'oubli est constaté avec moins de deux heures de retard, je propose de faire la dose prévue réduite de 20% (pour éviter que la superposition avec la dose suivante n'induise des hypoglycémies au début de la période suivante).

     

    Si l'oubli est constaté avec 4 à 6 heures de retard (par exemple, le midi pour une injection qui aurait dû être réalisée au petit déjeuner), je propose soit si l'on dispose d'une insuline rapide de faire une dose de raccord de rapide (par exemple, la moitié de la dose du mélange prévue) soit si l'on ne dispose pas de rapide de faire une petite dose de raccord de mélange mais dans ce cas en réduisant davantage (par exemple, le tiers de la dose prévue) pour éviter toute hypoglycémie par superposition avec la dose suivante : une hyperglycémie transitoire modérée est acceptable s'il s'agit d'un oubli occasionnel... mieux vaut ne pas prendre le risque d'une hypoglycémie.

     

    Si l'oubli n'est constaté qu'au moment de l'injection suivante, je propose d'augmenter de 20% mais pas davantage : la cause de l'hyperglycémie est connue et ses effets vont disparaître progressivement !

     

    LE DIABÉTIQUE TRAITÉ PAR SCHÉMA BASAL-PRANDIAL (4 OU 5 INJECTIONS)

     

    Ce type de schéma est le plus souvent proposé à des diabétiques plus instables, soit plus souvent de type 1 ou post-pancréatite. Ces patients ont des glycémies plus irrégulières et vont donc réagir de manière exagérée à l'oubli d'une dose d'insuline. Mais ce sont aussi les patients auprès desquels on insiste le plus sur la régularité des horaires et la prise de collations en cours de matinée, d'après-midi ou au moment du coucher.

     

    Si l'oubli de la dose d'insuline est constaté avec 1 à 2 heures de retard, je propose de réaliser les deux tiers ou la moitié de la dose au moment de la constatation de l'oubli ou lors de la prise de la collation.

     

    Si l'oubli de la dose d'insuline est constaté au moment de l'injection suivante, soit avec 4 à 6 heures de retard, augmenter la dose suivante de 20 à maximum 30% : à nouveau, la cause d'une éventuelle hyperglycémie est connue, accidentelle et ses effets vont se résorber rapidement : il faut résister à la tentation de surcorriger!

     

    CAS PARTICULIER : si l'oubli porte sur une dose d'analogue lent dont l'action porte sur 24 heures (Lantus), il serait dommage de se priver 24 heures de l'action de son insuline de base. Si l'oubli est constaté avec une à deux heures de retard, faire la dose.

    Si l'oubli est constaté avec trois à huit heures de retard, faire les deux tiers de la dose et si l'oubli est constaté avec plus de huit heures de retard, c'est-à-dire souvent le lendemain matin faire une demi-dose.

    CONCLUSIONS

     

    L'oubli d'une dose de comprimé ou d'insuline doit dans la mesure du possible être évité, mais c'est quelque chose qui nous arrive à tous. Il ne faut donc ni dramatiser ni paniquer. La plupart du temps, si le diabète est bien équilibré, ceci ne portera pas à conséquence, et il est bien plus dangereux de réagir excessivement (par exemple en doublant la dose suivante, ce qui est toujours déconseillé).

     

    En pratique, si l'oubli est constaté rapidement le traitement peut être administré avec une petite réduction de dose de prudence.

     

    Si l'oubli est constaté plus tard, pour les comprimés on passera outre, pour les insulines on administrera une petite dose de raccord. Un cas un peu particulier est celui des insulines de base à longue durée d'action (Lantus) dont on essaiera plus précisément de compenser l'oubli, sans trop s'inquiéter cependant puisque cette insuline a aussi une action plus stable qui s'accommodera plus facilement d'un changement d'horaire.

     

    Je suis bien conscient qu'à la première lecture cet article puisse paraître compliqué: il est conçu comme un guide où chacun peut repérer son cas particulier et les conseils qui s'y appliquent.

     

    En cas d'hésitation, discutez en avec votre médecin généraliste ou votre diabétologue.

    Revue ABD Juillet - Août 2004
    www.diabete-abd.be

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