• L'IVG en France est-elle menacée ?

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    L'IVG en France est-elle menacée ?

    Votée en 1974, la loi autorisant l'interruption volontaire de grossesse (IVG) a constitué une avancée majeure pour les femmes. Un certain nombre de spécialistes s'émeuvent cependant de sa fragilisation récente et mettent en garde contre une atteinte au droit des femmes de disposer de leur corps.

    Chaque année en France, on dénombre environ 227 000 IVG, dont près d'une sur deux sont réalisées chez des jeunes filles de moins de 25 ans. Relativement stable, ce nombre a augmenté pour une seule catégorie, les mineures, où il atteint 13 000 cas par an.

    Les Françaises mal informées en matière de contraception

    Championnes du monde de la maternité, les Françaises le sont aussi en matière de contraception (97 % d'entre elles en ont une). Mais alors que la contraception est largement diffusée, le recours à l'IVG n'a pas baissé, augmentant même chez les plus jeunes. La faute aux grossesses non désirées de plus en plus nombreuses et à la "rigidité de la norme contraceptive" qui n'est plus adaptée à la vie sexuelle des Françaises, estime Nathalie Bajos, directrice de recherche à l'Inserm, pour qui il s'agit-là d'un enjeu majeur de santé publique dont doivent se préoccuper les autorités sanitaires au plus vite.

    IVG menacéeUn voeu pieu, estime le Pr Nisand, responsable du pôle de gynécologie-obstétrique du CHU de Strasbourg, pour qui l'absence de confidentialité (les mineures doivent demander l'autorisation parentale pour obtenir une contraception auprès d'un gynécologue) et le tabou qui entoure en France la sexualité des adolescents traduisent le manque de volonté politique en matière d'éducation des jeunes à la contraception. "Nous n'avons pas fait ce qu'il fallait pour les mineures chez qui l'IVG augmente. Il n'y a pas de volonté politique de protéger et d'informer nos jeunes qui s'imaginent que la pilule donne le cancer, rend stérile et fait grossir, qui pensent que le préservatif est un moyen efficace à 100 %", s'emporte-t-il, dénonçant la non-application de la loi de 2001 qui prévoit 4 heures d'éducation par an au cours de chacune des années collège.

    L'IVG, un acte pas banal dont l'accès doit être banalisé

    Si l'information pour prévenir les grossesses non désirées et limiter le recours à l'IVG doit être renforcée, l'amélioration de la prise en charge doit l'être également. Plusieurs progrès notables ont été réalisés au cours des dix dernières années (report du délai légal à 14 semaines d'aménorrhée contre 12 auparavant, autorisation des IVG médicamenteuses en ville, assouplissement du régime d'autorisation parentale pour les mineures). Mais là encore, le manque d'information est patent : seules 20 % des femmes interrogées à travers une enquête OpinionWay réalisée à la veille de la Journée de la Femme 2011 et présentée à l'occasion d'un débat public intitulé "Pour savoir comment protéger le droit à l'IVG en 2011", citent l'IVG médicamenteuse comme méthode d'IVG (contre 74 % la chirurgie).

    Or, seule une bonne information peut permettre aux femmes "d'avoir le choix d'une IVG comme elles le souhaitent et non comme les médecins le souhaitent", estime le Pr Nisand. Un avis que soutient le Dr Brigitte Letombe, gynécologue et présidente de la Fédération nationale des collèges de gynécologie médicale (Lille) : "Si l'acte d'IVG ne doit pas être banalisé, il est temps que son accès le soit".

    IVG médicamenteuse : des disparités d'accès étonnantes

    Pour autant, la pratique de l'IVG médicamenteuse progresse, représentant la moitié des IVG réalisées en France. Possible jusqu'à la 5ème semaine de grossesse (7ème semaine d'aménorrhée) en ville ou la 7ème semaine de grossesse (9ème semaine d'aménorrhée) en établissement de santé, cette méthode consiste à prendre deux médicaments différents à 36 ou 48 heures d'intervalle, après un entretien préalable avec un médecin. En ville, où sa pratique reste minoritaire (1/6 des IVG médicamenteuses ont lieu en cabinet libéral), des disparités territoriales fortes existent dans l'accès à cette méthode, puisque 80 % des IVG médicamenteuses sont réalisées dans 4 régions françaises. Ce sont pour la majorité des gynécologues qui pratiquent cette intervention, bien que les médecins généralistes en aient le droit depuis 2004.

    Au-delà de ces inégalités d'accès, l'IVG médicamenteuse se heurte à la limite de l'âge gestationnel imposé par la loi : au-delà de 8 semaines de grossesse, l'IVG doit être réalisée par chirurgie. Les femmes ont alors jusqu'à la 12ème semaine de grossesse (14ème semaine après le début des dernières règles) pour faire ce choix. Mais pour le Pr Nisand, l'IVG médicamenteuse devrait être proposée dans les mêmes limites d'âge gestationnel que la chirurgie, a-t-il plaidé, affirmant que les médicaments utilisés pour une interruption médicale de grossesse, sans limite d'âge gestationnel, sont les mêmes que pour une IVG et que restreindre leur utilisation aux grossesses de moins de 8 semaines répond exclusivement à un problème de réglementation et non à une mesure de précaution sanitaire.

    La crainte d'une restriction de l'accès à l'IVG

    Pour le Pr Israël Nisand, ces divers éléments montrent que le droit à l'IVG est de plus en plus menacé. "Les jeunes considèrent que ce droit est acquis alors que nous assistons à une régression quant à l'accès aux soins et donc aux droits des femmes à disposer de leur corps". Et Nathalie Bajos d'ajouter : "Si le droit à l'IVG est largement acquis en France, aussi bien par les hommes que par les femmes, c'est la légitimité de se trouver en situation de devoir y recourir qui est en danger".

    Cette crainte est confirmée par plusieurs signaux allant dans ce sens, selon le Pr Nisand. Et ce dernier de citer : la fermeture de centres d'orthogénie ou la mise en place de restrictions par certains établissements ("certains établissement refusent de pratiquer une IVG au-delà de 10 semaines d'âge gestationnel, d'autres refusent de pratiquer des IVG chirurgicales, d'autres encore n'ont pas les moyens d'accueillir les femmes en demande d'IVG"), le déficit de formation des médecins à la pratique de l'IVG ("Dans dix ans, il n'y aura plus assez de médecins pour faire des IVG en France"), la réaction de l'Ordre national des sages-femmes de recourir à la clause de conscience pour ne pas participer à des IVG ("ça veut dire qu'elles ne sont là que pour les bons moments et pas pour les mauvais ?"), les problèmes réglementaires évoqués précédemment concernant l'accès à l'IVG médicamenteuse, etc.

    "Nous sommes en train de revenir doucement sur le droit des femmes à disposer de leur corps par des limitations des moyens matériels", s'inquiète le gynécologue. Face à ce danger, il appelle les femmes à se mobiliser pour défendre ce droit fondamental.

    Le droit à l'IVG salué comme une avancée pour les femmes

    Le droit à l'IVG arrive en 3ème position en matière d'avancées sociales pour les femmes, derrière celui d'avoir un travail sans le consentement de son mari (!) et le droit de vote, mais devant la loi sur la parité homme/femme, selon l'enquête OpinionWay.

    Les Françaises considèrent en effet à une écrasante majorité (88 %) que la légalisation de l'IVG a contribué à l'amélioration de la santé des femmes et à la diminution des risques liés aux avortements. Elles sont presque autant (82 %) à estimer que l'IVG a libéré les femmes de la peur d'une grossesse non désirée et à affirmer qu'elles seraient prêtes à se mobiliser pour la défendre si elle était remise en cause.

    A côté de ces opinions très favorables au droit à l'avortement, une minorité non négligeable considère qu'il s'agit d'un crime contre l'enfant à naître (21 %), qu'il devrait être réservé aux cas extrêmes (viol, risque d'anormalité de l'enfant, etc.) ou tout bonnement supprimé (7 %).

    Amélie Pelletier, mars 2011

    Sources :

    - Conférence de presse en présence du Pr Israël Nisand, de Nathalie Bajos, du Dr Brigitte Letombe et de Sophie Marinopoulos, psychanalyste à Nantes.
    - Enquête OpinionWay réalisée par Internet du 18 au 21 janvier 2011 auprès de 529 femmes âgées de 18 ans et plus.


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    Forum IVG

     

    http://www.doctissimo.fr/html/dossiers/contraception/articles/14958-ivg-menacee-france.htm

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