• Jean-Marie Le Guen : La télémédecine, entre vrais et faux espoirs

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    Doctissimo : Quels sont selon vous les principaux intérêts de la télémédecine ?

    Jean-Marie Le Guen : La télémédecine peut avoir des intérêts majeurs. Premièrement, elle peut notamment intervenir lorsqu’un médecin ou un autre professionnel de santé a besoin d’un avis complémentaire sur un problème médical assez spécialisé. Deuxièmement, et c’est encore plus important, la télémédecine va permettre d’organiser différemment  le suivi médical du patient. Et donc là, vraisemblablement, il y a la possibilité pour la télémédecine d’assurer un meilleur suivi de l’observance de son traitement, et d’avoir de la réactivité en cas de problème. La troisième idée c’est qu’à partir du moment où il s’agit faire rentrer la médecine dans le monde numérique, la visualisation à distance du patient va être possible, mais aussi la visualisation d’examens, d’une imagerie par exemple. Nous constatons donc que la circulation d’informations entre les professionnels de santé peut être un gain tout à fait considérable.

    Doctissimo : Quels sont les écueils à éviter ?

    Jean-Marie Le Guen : La télémédecine pose des problèmes qui étaient les problèmes du Dossier Médical partagé (DMP), c’est-à-dire les problèmes de compatibilité, d’interopérabilité, de normes [NDLR : nécessité d’utiliser des systèmes de télémédecine compatibles les uns avec les autres]. Parce qu’aujourd’hui, il y a une grande diversité des modes d’exercice sous forme numérique. Chaque médecin a en gros son programme numérique, son logiciel de cabinet particulier qui ne "communique" pas forcément avec celui du voisin. Cette communication numérique pose d’ailleurs des problèmes médico-légaux, éventuellement des problèmes éthiques, et des problèmes de sécurité de l’information [question de la sécurité de l’hébergement numérique des données de santé]. J’imagine cependant que ces problèmes peuvent être résolus. 

    Doctissimo : Selon Roselyne Bachelot*, la télémédecine est "une solution pour résoudre le problème de la démographie médicale". Qu’en pensez-vous ?

    Jean-Marie Le Guen : L’assertion selon laquelle la télémédecine aujourd’hui pourrait résoudre de la désertification médicale est assez ridicule. Cela ne peut pas remplacer un système de santé de premier recours. Certes on peut imaginer la télémédecine en premier recours pour les gardiens de phare ou sur les plateformes offshore. Mais on n’imagine pas un premier diagnostic, une première entrée dans le parcours de soins par le biais de la télémédecine. C’est la négation de l’examen clinique, de l’attente du patient. Investissons dans les technologies, mais ne pensons pas que les technologies se substituent à l’organisation sociale, et en l’occurrence l’organisation de la médecine de premier recours.

    Doctissimo : Quels sont les facteurs qui limitent l’usage de la téléconsultation ?

    Jean-Marie Le Guen : Ce qui est très important évidemment, c’est l’empathie qui existe entre le médecin et le malade. Non pas que tout le système de santé ne fonctionne que sur cette relation médecin-malade, mais par contre l’entrée dans le parcours de soins doit être gérée à travers cette relation qui est absolument fondamentale. Donc vouloir lui substituer des éléments technologiques, c’est non seulement une utopie en termes de réalisation et d’efficacité médicale, mais c’est aussi une prétention à la déshumanisation de la médecine qui n’est pas souhaitable, en aucune façon. Car lorsqu’on est en présence d’un malade, on ne soigne pas une maladie ni un organe, on soigne un malade dans sa globalité. Donc tout ce qui réduit le contact, l’échange humain est sans doute condamné à ne pas fonctionner.  

    Doctissimo : Cependant le développement des nouvelles technologies en santé est-il prometteur ?

    Jean-Marie Le Guen : L’enjeu des nouvelles technologies de la communication est absolument majeur, avec un autre aspect tout à fait décisif :  nous allons basculer, pour le meilleur et pour le pire, vers une ère où le patient va être responsabilisé, émancipé. Donc il faut en tenir compte, et pour cela il y a un autre aspect de la e-santé : le fait d’apprendre, de vérifier, de comprendre, en quelque sorte l’e-learning santé du patient [l’auto-formation santé via internet] est quelque chose de tout à fait fondamental. Donc il y a des perspectives tout à fait passionnantes. Elles devraient d’ailleurs nous stimuler davantage encore, sans nous arrêter à l’annonce de mesures que je considère comme un petit peu "gadget". Ces perspectives devraient permettre de montrer à tout le monde la profondeur des révolutions qui sont en cours, de donner confiance aux chercheurs, aux industriels qui commencent à avancer et qui ont besoin d’être rassurés par une parole de l’Etat montrant qu’il se dirige bien dans cette direction. Ce sont des questions qui sont au coeur de la modernisation future de notre système de santé.

    Propos recueillis par Jean-Philippe Rivière et Florence Lemaire, le 28 octobre 2010

    * Roselyne Bachelot : "C’est une solution au problème de la démographie médicale", LeParisien.fr, 26 octobre 2010, accessible en ligne

    http://videos.doctissimo.fr/sante/sante-publique/jean-marie-le-guen-telemedecine-entre-vrais-et-faux-espoirs.html

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