• Greffe de gencive : le point sur l'intervention

    Greffe de gencive : le point sur l'intervention

    En dehors des gingivites et des parodontites sévères, les gencives font rarement parler d'elles. Elles peuvent pourtant s'amenuiser et laisser les racines exposées avec un risque de carie et d'hypersensibilité dentaire. Cette récession gingivale1 peut aussi compromettre l'aspect esthétique du sourire.

    La greffe2 gingivale redonne de l'épaisseur et de la hauteur à la gencive affaiblie, ce qui stoppe sa récession. À la fois réparatrice, préventive et plastique, cette chirurgie vient renforcer les tissus de soutien pour protéger les dents et, souvent, restaurer un joli sourire. Le Dr Antoine Popelut*, chirurgien-dentiste spécialisé en parodontologie, revient notamment sur l'évolution des techniques de greffe et les progrès réalisés.

    Greffe de gencives : corriger et stopper la récession gingivale

    Greffe gencivesLa gencive recouvre la racine des dents et l'os alvéolaire3 qui les maintient dans la mâchoire. La greffe de gencive est utilisée pour corriger et stopper sa perte de hauteur ou "récession"1. Dénudées, les racines sont en effet plus vulnérables aux caries et auxhypersensibilités dentaires pouvant altérer la qualité de vie. Par ailleurs, les dents semblent plus longues et des espaces interdentaires apparaissent, des manifestations peu esthétiques et souvent mal vécues lorsqu'elles concernent les dents antérieures.

    La récession gingivale1 est liée à l'association de facteurs prédisposants (forme de l'os alvéolaire, malpositions dentaires, gencive fine, âge...) et déclenchants (brossages traumatiques,bruxismeorthodontie mal conduite, couronnes ou amalgames mal adaptés).

    Les gingivites et parodontites sont des facteurs déclenchants. Cependant, lorsque le parodonte est trop sérieusement touché, avec une perte osseuse importante, la greffe gingivale seule n'est pas indiquée. "La gencive n'aurait pas suffisamment d'os sur lequel s'appuyer, justifie le Dr Antoine Popelut. Chaque situation s'évalue au cas par cas en fonction de la taille de la récession, de ses répercussions et de son potentiel évolutif."

    Greffe de gencives : comment se déroule l'intervention ?

    La greffe de gencive consiste à prélever un "morceau" de gencive ou de palais, le "greffon", pour recouvrir les racines dénudées par la récession. Elle a lieu sous anesthésie locale, en cabinet libéral ou service hospitalier, et ne nécessite généralement pas d'arrêt de travail. L'intervention se déroule en trois grandes étapes : la préparation du site receveur, le prélèvement du greffon et sa suture au niveau de la récession.

    Depuis les débuts de cette chirurgie, expérimentée dès les années 50, plusieurs techniques ont été mises au point. Pour mieux les comprendre, il faut s'intéresser à la constitution de la gencive. "La gencive comprend deux couches tissulaires : l'épithélium en surface et le conjonctif en profondeur. La gencive qui se trouve à la base de la dent sans y adhérer est dite « libre ». Elle se poursuit par la gencive « attachée » sur la racine et l'os alvéolaire", explique le Dr Popelut. Plus la hauteur de gencive attachée est faible et plus il faut intervenir rapidement pour espérer un recouvrement.

    Les premières techniques de greffes de gencives

    Et le chirurgien-dentiste de poursuivre : "Les premières techniques consistaient à déplacer un lambeau de gencive adjacente à la récession pour la recouvrir. Cependant, ces techniques de lambeau déplacé sur une gencive fine présentent de moins bons résultats à long terme que lorsqu'elles sont associées à une « véritable » greffe".

    Pour obtenir une épaisseur de gencive suffisante, les chirurgiens-dentistes ont pensé recourir à un site donneur plus généreux : le palais. Cette technique, dite "épithélio-conjonctive"4, produit de la gencive attachée qui stoppe la récession. Le résultat esthétique est plus décevant du fait des différences, notamment de couleur, entre les épithéliums du palais et de la gencive. Ces greffes peuvent en outre être légèrement douloureuses au niveau du palais. "Il existe aujourd'hui des plaques protectrices qui se posent sur le site donneur et limitent la douleur", nuance toutefois le Dr Popelut.

    Des greffes moins douloureuses et plus esthétiques

    Si les premières techniques de greffe sont toujours utilisées pour certaines indications, il existe une troisième approche qui les associe : la greffe de "conjonctif enfoui" qui consiste à inciser l'épithélium du palais pour ne prélever que du conjonctif. "Le greffon est positionné au niveau de la récession et recouvert d'un lambeau de gencive adjacente, précise le Dr Popelut. L'épithélium du palais est recousu pour protéger la plaie."

    Cette technique, moins "invasive" que la précédente, est aussi moins douloureuse pour les sites donneurs et receveurs. Elle laisse moins de cicatrices et produit une gencive d'aspect identique à la gencive adjacente. C'est la méthode privilégiée pour les secteurs antérieurs, visibles lors du sourire ou de la prise de parole. Pour diminuer encore la douleur, le greffon peut être prélevé à l'emplacement des dents de sagesse lorsqu'elles ont été extraites.

    Quelles sont les contre-indications et précautions à prendre ?

    AVANT LA GREFFE GINGIVALE

    Les contre-indications absolues sont relativement rares. Comme pour toute chirurgie, les maladies générales, comme le diabète, l'hypertension, le sida... doivent présenter des constantes biologiques équilibrées. Il est également indispensable d'avoir acquis une hygiène bucco-dentaire parfaite et non traumatisante. Le Dr Popelut revoit le matériel et les techniques du brossage des dents avec ses patients : "Il doit se faire verticalement, de la racine vers le bord libre, en utilisant une brosse souple et sans trop appuyer."

    Autre contre-indication : le tabagisme. L'idéal est bien sûr d'avoir arrêté de fumer plusieurs semaines avant l'intervention car le tabagisme diminue ses chances de succès. "La réussite de la greffe, objectivée par le taux de recouvrement, est inversement proportionnelle au nombre de cigarettes fumées", relève le dentiste. En-dessous de cinq par jour, on peut cependant réaliser la chirurgie. Entre cinq et dix, il est fortement conseillé d'arrêter au moins une semaine avant l'intervention. Au-delà, la greffe a peu de chances de succès.

    APRÈS L'INTERVENTION

    Durant les premières 24-48 heures suivant la chirurgie, il est conseillé d'appliquer de la glace pour limiter la douleur et les gonflements au regard de la zone greffée. Des antalgiques et anti-inflammatoires peuvent être prescrits. Les saignements sont peu fréquents et ne doivent pas inquiéter. Il suffit de comprimer la zone avec une compresse stérile et d'éviter les bains de bouche qui les réactivent.

    Par la suite, et pendant deux semaines, il faut éviter de manger et de se brosser les dents du côté de la greffe. Les bains de bouche permettent de limiter l'inflammation et la formation de plaque dentaire. Pour ne pas abîmer le greffon encore fragile, il est par ailleurs déconseillé de consommer des aliments trop chauds ou durs, de tirer sur sa lèvre pour l'observer, de mâchouiller des objets... La cigarette reste interdite.

    Dans le meilleur des cas, la nouvelle gencive se fond dans l'ancienne, s'attache à la dent et les fils sont retirés après deux semaines. Le risque de nécrose inquiète parfois les patients. Cependant, "si l'indication est bien posée et l'intervention correctement réalisée, il est inexistant", assure le Dr Popelut.

    LES RÉSULTATS DÉPENDENT DE LA RÉCESSION

    "Une greffe bien intégrée, esthétiquement réussie, se voit dès les premières semaines, relève le dentiste. Cependant, la gencive continue d'évoluer pendant six à douze mois, jusqu'à produire un résultat quasi indécelable avec les dernières techniques de greffe."

    Le taux de réussite dépend de la récession : plus elle est large et profonde, plus elle est difficile à recouvrir. Il est aujourd'hui possible de recouvrir en totalité 50 à 70 % des récessions. La hauteur moyenne des recouvrements est de 75 %.

    Pour en savoir davantage sur la greffe de gencives et ses résultats potentiels, il convient de se renseigner auprès de son chirurgien-dentiste qui, s'il n'est pas spécialisé, donnera le contact d'un confrère parodontologiste. À l'hôpital, une greffe gingivale coûte entre 300 et 350 € par secteur (une ou plusieurs dents adjacentes), 500 à 800 € en cabinet privé. L'intervention n'est pas prise en charge par la sécurité sociale.

    Audrey Plessis, décembre 2012

    Sources :

    Interview du Dr Antoine Popelut, chirurgien-dentiste spécialisé en parodonlogie, attaché universitaire à l'UFR d'odontologie de l'Université Paris Diderot - Paris VII. Il exerce en cabinet libéral à Paris.

    Autres sources :

    Les techniques de recouvrement radiculaire : que choisir ? (2004) et Le recouvrement radiculaire pour la satisfaction de nos patients (2011), articles publiés sur le site de l'association dentaire française (ADF).
    Recouvrement radiculaire : les facteurs de prévisibilité, dossier publié en juillet 2012 dans Le courrier du dentiste, portail dentaire francophone de formation et d'information sur la santé dentaire.

    Notes :

    1 - Récession gingivale ou « parodontale » car, souvent, c'est le « parodonte », qui comprend l'ensemble des tissus de soutien de la dent (gencive, ligament, os alvéolaire), qui est touché. 
    2 - Greffe de gencive ou plus exactement « autogreffe », le tissu donneur étant prélevé chez la personne qui va le recevoir.
    3 - Partie la plus superficielle de l'os de la mâchoire, l'os alvéolaire supporte les dents et « naît et meurt » avec elles.
    4 - Greffe épithélio-conjonctive ou greffe gingivale libre.


    - La Société française de parodontologie et d'implantologie orale (SFPIO) pour ses informations patients, et notamment la page Le parodonte c'est quoi ?, qui détaille les différents éléments composant le parodonte, dont les gencives libres et attachées.

    - L'Académie canadienne de parodontologie pour sa page sur la greffe de recouvrement.

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