L'éducation du diabétique
Stimuler les motivations : enseignement pratique et transfert de compétence
Depuis quelques temps déjà, dans son journal, lors des cours d'éducation et à l'occasion de la conférence de l'assemblée générale en avril dernier, l'ALD insiste sur
l'importance de l'éducation des patients diabétiques, que ce soit de type 1 ou 2. Transférer des compétences est le but, voire le rêve des enseignants, mais comment transmettre une expérience et
non seulement un savoir théorique.
Par exemple, on explique à la majorité des familles et personnes d'entourage l'utilisation du glucagon, mais lors du premier incident hypoglycémique c'est souvent la
panique, des erreurs…Ce n'est que lors du 2e épisode que l'aide externe fonctionne à peu près correctement.
Mais qu'entend-on par " compétence " ? La meilleure explication serait le " savoir-faire " ou le savoir réagir à une situation plus ou moins inconnue. Les compétences
doivent donc être non seulement transmises, mais aussi intégrées, " digérées ", même remodelées par chacun selon ses besoins, puis être utilisées à bon escient.
L'enseignement doit permettre au patient d'acquérir, grâce à des expériences personnelles, une certaine indépendance pour la prise en charge de sa pathologie chronique
(car ceci s'applique à d'autres maladies que le diabète). Ces expériences ne peuvent être transmises directement par le formateur. L'enseignement doit favoriser une acquisition personnelle,
stimuler les motivations des patients à apprendre (voire aussi des soignants !)
Savoir ne suffit pas pour savoir faire. Pour intégrer tout savoir en compétence applicable, il faut y ajouter le vécu, l'émotion, la sensibilité…
|
Cependant, une expérience personnelle ne peut se transmettre telle quelle. Le formateur doit favoriser l'acquisition en stimulant la motivation à apprendre. Donc, il
est important de savoir à qui on s'adresse, de connaître le degré d'acceptation de la maladie par le patient (cf. tableau ci-joint). Il faut faire son deuil de la santé et se réorganiser pour
vivre avec le handicap lié à cette maladie. Cette acceptation est un processus évolutif, mais où le temps nécessaire pour passer d'un stade au prochain est très individuel. Pour bien prendre en
charge, il faut donc connaître le stade dans lequel le patient se trouve pour pouvoir lui faire face avec l'attitude adéquate et non pas mettre à jour un comportement contre-productif.
Tableau : Les phases d'acceptation et le comportement " utile ":
Comportements liés aux phases d'acceptation d'une maladie
Stades
|
Patient
|
Exemple
|
Comportement habituel du praticien
|
Attitude adéquate
|
1. Choc
|
surpris à angoissé
|
"je ne réalise pas très bien"
|
donne un maximum d'instructions
|
soutenir, aider le patient à se retrouver
|
2. Dénégation
|
détaché, banalise
|
"il y a des maladies plus graves"
|
persuasif
|
instaurer un climat de confiance, chercher en quoi le patient se sent menacé
|
3. Révolte
|
agressif, revendicatif
|
"c'est la faute de … si ...
|
se sent attaqué
juge le patient caractériel
|
chercher l'objet de la révolte
|
4. Marchandage
|
plus collaborant
manipulateur
|
"je n'accepterai pas une 4e injection"
|
irrité, remis en question
|
négocier sur les points secondaires
|
5. Dépression
|
triste, méditatif
|
"je réalise que je me suis servi de mon diabète pour…"
|
peu attentif
|
renforcer l'écoute active, susciter un projet d'avenir
|
6. Accepta-tion
|
tranquille, collaborant
|
"je vis avec et non pas malgré mon diabète"
|
gratifié
|
renforcer la formation personnalisée du patient
|
7. Résigna-tion
|
passif, docile
|
"je m'en remets à vous Dr."
|
dévoué
|
éviter la chronicisation iatrogène
|
8. Pseudo-acceptation
|
refuse consciemment de se sentir malade
|
"je refuse d'être un handicapé
|
impuissant, menaçant
|
tenter de rejoindre le niveau émotionnel
|
d'après A. Lacroix, psychologue
o
Dans les 3 premiers stades, il est le plus souvent illusoire d'apporter des connaissances autres que la pratique des
gestes quotidiens de contrôle et d'injection. Il faut savoir être disponible, à l'écoute, et créer un climat de confiance.
o
Lors du marchandage, il faut savoir abandonner des buts moins importants pour pouvoir garder les objectifs essentiels.
o
Au cours de la dépression, il faut plus de prise en charge psychologique qu'un apport de théories ou de savoir-faire.
o
Au stade d'acceptation, alors que le patient est le plus réceptif, il faut investir un maximum de temps en
enseignement pour aménager le patient avec sa nouvelle vie de malade. Certains patients n'atteignent cependant ce stade qu'après des semaines, mois, voire années (de rares cas même jamais) et il
convient néanmoins de leur faire accepter un minimum de " règles " pour pouvoir fonctionner en autonomie.
Ces patients passent souvent à un niveau de pseudo-acceptation où ils se sentent menacés dans leur identité par leur maladie qu'ils refusent d'en
parler (à leurs proches, voire à leur médecin) et sont alors inaccessibles à tout enseignement.
Peu importe à quel stade, la relation de confiance entre le malade et le formateur (infirmière, médecin, …) est indispensable. Il faut aller par petits
pas, car " l'inondation " de savoir ou d'informations ne fera qu'accroître l'angoisse et le sentiment de ne pas pouvoir se prendre en charge tout seul.
En écoutant le patient, l'équipe " patient-formateur " va se fixer des priorités et un rythme d'apprentissage propre à chacun. Trop d'informations n'entraînent pas
forcément un changement du comportement du patient (ne pas "couvrir d'un vernis de savoir" sans compétence réelle, sans mise en pratique véritable). Des buts trop ambitieux, trop perfectionnistes
décourageront trop de patients. La motivation sera bien améliorée par les premiers succès, ce qui malheureusement n'est pas toujours facile dans une maladie avec autant de variables
(alimentation, activité physique, résorption de l'insuline, maladie intercurrente,…).
Comment favoriser le transfert de compétence ?
Le contenu doit être précis, il faut s'assurer que le vocabulaire est acquis (on ne peut utiliser les mêmes mots avec des significations différentes). Le sens des mots
est imprégné par le vécu de chaque personne et le formateur doit tenir compte du vécu de l'apprenant pour transmettre les faits dénués des préjugés issus du vécu.
La motivation
Le rôle du groupe est non négligeable dans le mécanisme d'acquisition des compétences. La confrontation et l'évaluation des comportements de chaque membre stimulent la
motivation à apprendre. Mais :
La motivation est un thème récurrent lorsqu'on aborde les problèmes d'enseignement. Elle concerne également les enseignants que les apprenants. Si le formateur
n'est pas passionné par ce qu'il enseigne, l'étincelle pour la catalyse de motivation chez l'apprenant ne passera pas.
L'évaluation
L'évaluation du savoir-faire est indispensable pour démontrer l'efficacité de l'enseignement et pour stimuler encore plus la motivation. Les améliorations possibles
peuvent être une diminution de l'HbA1c ou une réduction des hypoglycémies,…
L'évaluation devra aussi se faire du côté enseignant pour éviter la routine. En testant de nouvelles méthodes pédagogiques, une comparaison des résultats des apprenants
avec les deux méthodes permettra une progression.
L'interactivité entre le formateur et le formé n'est possible grâce à l'écoute, la confiance, le respect du rythme de l'autre, la mise en situation, la motivation et
l'évaluation.
Dans cet esprit, il est primordial pour le formateur (que ce soit le médecin traitant, l'infirmière ou l'équipe enseignante de l'ALD) de connaître les besoins du
patient (ce qu'il désire savoir, ce qu'il n'a pas compris, ce qui lui fait peur, ce qu'il n'arrive pas à mettre en pratique etc…), d'où la nécessité pour le patient de formuler clairement ses
attentes face au formateur.
Et à quel degré ou stade d'acceptation êtes-vous dans votre diabète ??
Dr Marc Keipes
Le tableau et l'idée générale du thème abordés sont issus d'un article d'un supplément de l'AFD du Dr C. Sachon, Paris