• Le "binge drinking" est-il mauvais pour le coeur ?

    Le "binge drinking" est-il mauvais pour le cœur ?

    Les chercheurs français ont comparé les modes de consommation d'alcool entre la France et l'Irlande auprès de 10 000 quinquagénaires, qu'ils ont suivis pendant 10 ans ; résultat, les buveurs du week-end ont un risque deux fois plus élevé d'infarctus du myocarde que les consommateurs réguliers.

    Les Français, 3 fois moins victimes d'infarctus que les Irlandais

    Environ 10 % des maladies cardiovasculaires sont imputables à l'alcool à travers le monde, selon des données de l'Organisation mondiale de la Santé (OMS)1. Mais au-delà de la quantité d'alcool ingérée, dont il ne fait plus de doute qu'elle est directement responsable de dommages vasculaires lorsqu'elle dépasse un certain seuil, la manière de boire est également suspectée de constituer un facteur de risque.

    Binge drinking coeurComparée à l'Irlande par exemple, la France affiche un taux d'infarctus du myocarde trois fois inférieur. C'est le fameux "French Paradox", qui intrigue par-delà nos frontières et constitue encore une énigme pour les chercheurs du monde entier. Pour comprendre les raisons d'un tel écart, Jean-Bernard Ruidavets (épidémiologiste, Inserm U558, Toulouse), Pierre Ducimetière (épidémiologiste, Inserm-Université Paris XI) et  Jean Ferrières (cardiologue et épidémiologiste, Inserm U558, Toulouse) ont suivi pendant 10 ans, en France et en Irlande, près de 10 000 hommes âgés de 50 à 59 ans dont ils ont évalué la consommation hebdomadaire d'alcool (type de boissons alcoolisées, quantité et fréquence).

    Des habitudes de consommation très différentes

    Sans grande surprise, les résultats montrent des habitudes de consommation très différentes entre les deux pays. En Irlande, les hommes boivent essentiellement le samedi soir et de façon excessive, tandis que les Français répartissent leur consommation tout au long de la semaine. Au final, les quantités d'alcool sont sensiblement les mêmes, représentant en moyenne 2 à 3 verres par jour. En revanche, les conséquences s'avèrent très différentes.

    Pendant les dix années de suivi, 5,63 Irlandais sur 1 000 ont eu un infarctus du myocarde, contre 2,78 Français. Après avoir tenu compte des facteurs de risque cardiovasculaire connus (faible niveau d'activité physiqueconsommation de tabacpression artérielle élevéedyslipidémie, etc.), les chercheurs ont calculé que le risque d'infarctus du myocarde était deux fois plus élevé chez les buveurs du week-end par rapport aux consommateurs réguliers, et ce quelle que soit la quantité d'alcool consommée.

    "Une partie du sur-risque est expliquée par les risques cardiovasculaires classiques (23 %), une partie est liée à la manière de consommer de l'alcool (43 %) et une dernière partie est expliquée par l'effet propre de l'alcool (34 %)", précise le Pr Jean Ferrières.

    Risque de recrudescence d'infarctus en France

    "Ces travaux alertent sur les risques d'une consommation occasionnelle mais excessive d'alcool, concentrée sur le week-end, observe le chercheur. Ce mode de consommation est assez typique des pays d'Europe du Nord mais il gagne du terrain chez les jeunes dans l'Hexagone".

    En France, des études conduites par l'Observatoire français des drogues et toxicomanies (OFDT)2 auprès des jeunes de 17 ans ont permis de mettre à jour une consommation d'alcool surtout masculine en diminution entre 2003 et 2008. Mais dans le même temps, les ivresses régulières apparaissent en hausse passant de 7 à 10 % surtout chez les garçons3. Au cours du mois précédent, près d'un jeune sur deux (46 %) a bu au moins 5 verres d'alcool en une seule occasion ! De "mauvaises habitudes" qui interviennent surtout le week-end ou lors d'occasions spéciales (fêtes, anniversaires…).

    Pour le Pr Ferrières, "si ces consommations s'installent dans le temps, il est à craindre une recrudescence d'infarctus du myocarde dans les années à venir".

    Amélie Pelletier, 16 février 2011.

    Sources :

    1. OMS Global Infobase for cardiovascular diseases (accessible en ligne).
    2. OFDT, Évolution de l'usage régulier d'alcool à 17 ans depuis 2000 (accessible en ligne).
    3. OFDT, Drogues et adolescence, Usages de drogues et contextes d'usage entre 17 et 19 ans, évolutions récentes ESCAPAD 2002 (accessible en ligne).

    - Interview du Pr Jean Ferrières, janvier 2011.
    - Communiqué de presse de l'Inserm, "Alcool : les excès du samedi soir à proscrire pour le cœur", 3 janvier 2011.
    - "Patterns of alcohol consumption and ischaemic heart disease inculturally divergent countries : the Prospective Epidemiological Study of Myocardial  Infarction (PRIME)", British Medical Journal 2010 (téléchargeable sur le site Internet).

    « Autisme : la forteresse videDes contacts et des sites pour en savoir plus »
    Partager via Gmail Yahoo! Google Bookmarks