Le haricot frais au fil du temps
On n’est pas certain de l’origine du terme « haricot ». Il pourrait venir de l'ancien français harigoter, qui signifiait « couper en morceaux » et qui, par déformation, donna hericoq, mot désignant un ragoût de mouton aux fèves. À moins qu’il ait été emprunté à l'aztèque ayacolt, qui désignait une petite légumineuse récoltée en Amérique du Sud.
Au Québec, on appelle « petites fèves », les haricots frais, expression qui, d'un point de vue botanique, est erronée puisque le mot « fève » ne s'applique qu'aux plantes du genre Vicia.
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Déjà durant la préhistoire, les femmes de l'Amérique centrale et du Sud, d'où vient la plante, récoltaient diverses variétés de haricots sauvages. Grâce à des fouilles effectuées à Ancash, au Pérou, on sait qu'il était cultivé il y a 7 000 ou 8 000 ans. Il faudra toutefois attendre les grandes explorations et la conquête du Nouveau Monde pour que les premiers haricots atteignent les côtes de l'Europe. Christophe Colomb les remarquera d'abord à Cuba; Cabeca de Vaca les trouvera en Floride en 1528 et Jacques Cartier, à l'embouchure du Saint-Laurent en 1535.
En 1528, le pape Clément VII reçoit les premiers échantillons de haricots qu'il confie à Canon Pietro Valeriano. Par curiosité, ce dernier les sèmera dans des pots et en récoltera plus tard les gousses qu'il juge d'excellente qualité. Très rapidement, on les fait pousser dans tout le nord de l'Italie. Lorsque Catherine de Médicis part pour la France épouser le futur Henri II, Canon Pietro lui recommande d'apporter une poignée de haricots dans ses bagages, car il n'y a pas de meilleure manière de conquérir un homme que de contenter son estomac... Le haricot se répandra rapidement en Provence, puis dans le Languedoc, où il remplacera vite la fève du traditionnel cassoulet.
Chacun sa couleur Jusqu'à tout récemment, on consommait surtout le haricot jaune, ou haricot beurre, en Amérique du Nord, tandis que l'Europe a toujours eu une prédilection marquée pour le haricot vert.
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Jusqu'au début du XXe siècle, la majorité des Européens croiront que le haricot vient d'Asie, les ouvrages de référence continuant à répandre involontairement cette fausseté. Il faudra attendre le tournant du XXe siècle pour que toute la lumière soit faite sur les origines de ce légume aujourd'hui cultivé partout dans le monde.
S'il n'est pas certain que les Amérindiens aient consommé le haricot à l'état frais, les Européens, eux, ont vite découvert le mange-tout. Comme les anciennes variétés faisaient rapidement des fils et que leur cosse devenait fibreuse (ce qu’on appelle le parchemin), les Français ont pris l'habitude de récolter le haricot très jeune et de très petit diamètre (extra-fin, fin ou aiguille). Il fallait donc retourner au champ ou au potager toutes les 24 ou 36 heures, au risque qu'il ne devienne fibreux. Cela a donné naissance au haricot filet, célèbre dans toute l'Europe pour sa finesse et sa délicate saveur. Dans les pays anglophones, on l’appelle French bean ou French filet.
Il n'y a qu'une centaine d'années environ que les sélectionneurs ont mis au point des variétés de mange-tout sans fil ni parchemin qui supportent un retard de cueillette. Quelques anciennes variétés à fils (parfois appelées à parchemin) sont toujours cultivées aujourd'hui à cause de leur saveur incomparable, mais les soins qu'elles exigent en font un produit plus cher, très recherché par les chefs des restaurants haut de gamme.
Usages culinaires
Préparation
Bien qu'on puisse le manger cru, le haricot filet gagne à être légèrement blanchi dans de l'eau salée. Si l'eau est calcaire, ne saler qu'en fin de cuisson pour éviter que les haricots ne durcissent. Si on veut garder aux haricots à cosse violette leur belle couleur, il faut les consommer crus ou à peine blanchis. Autrement, ils virent au vert.
Apprêts culinaires
- Au Québec, on fête l'arrivée des premiers mange-tout en préparant le « bouilli », sorte de pot-au-feu composé de viande de boeuf braisée et de pommes de terre nouvelles, carottes et chou d'été, oignons (garnis d'un clou de girofle) et haricots jaunes.
- Au Japon, les haricots se préparent en les enrobant, une fois cuits et coupés en deux, dans une sauce composée de noix rôties puis écrasées au pilon, de mirin, de miso, de sauce soya, de dashi (bouillon aux algues) et d'un peu de sucre.
- Le tajine de haricots verts se prépare avec du jarret de veau, des haricots verts, des tomates, de l'oignon, de l'ail, de l'huile d'olive, du safran, du gingembre, de l'écorce de citron confit et des olives noires. La viande est cuite avec les légumes (sauf les haricots verts) dans un tajine (plat en terre à couvercle conique), une casserole ou à l'autocuiseur. Vers la fin de la cuisson, on ajoute les épices, l'écorce de citron, les olives noires et les haricots coupés en morceaux et on laisse mijoter une vingtaine de minutes.
- Haricot beurre : en Provence, on le sert arrosé d'une sauce composée de tomates, de carottes et d’oignons cuits avec du thym, du vin blanc, de la muscade et du basilic. On peut aussi le faire cuire quelques minutes à la vapeur puis revenir dans de l'huile avec de l'ail, de l'oignon, du basilic et des tomates cerise coupées en deux.
- Haricot romain : en salade avec de la poitrine de dinde rôtie, du fenouil haché, de l'oignon doux, et mouillé d'une vinaigrette au vinaigre balsamique. Ou avec des morceaux d'orange sanguine, des rondelles d'oignon rouge, et une vinaigrette au vinaigre de xérès, additionnée de zeste d'orange et de moutarde de Meaux.
En salades
- En Géorgie, les mange-tout cuits sont servis avec une sauce composée de vinaigre de vin rouge, d'huile d'olive, d'ail et d'une bonne quantité de feuilles de coriandre hachées. Laisser reposer deux heures pour que les saveurs se mélangent.
- Servir les haricots chauds avec des pommes de terre et une bonne vinaigrette. Ou froids, avec des tomates et des oignons.
- Avec des quartiers d'orange et des noisettes rôties, grossièrement moulues et ajoutées en pluie à la fin.
- Avec des tomates émondées, du fromage parmesan fraîchement râpé et des feuilles de menthe.
- Avec des cerneaux de noix, du radicchio et du lard fumé.
- Coupés finement et servis avec de la courgette passée à la mandoline, après un blanchiment de quelques minutes. Ajouter des petits champignons tranchés et assaisonner d'aneth, d'échalotes grises et d'une vinaigrette au vinaigre de vin blanc. Réfrigérer une heure avant de servir.
- Avec du yogourt, de la tomate et des feuilles de menthe.
Conservation
Le haricot filet se conserve difficilement, surtout l'extra-fin qui perd rapidement son humidité. Le mettre au réfrigérateur dans une serviette humide.
Le haricot mange-tout se conserve une semaine au réfrigérateur. Il se congèle bien après avoir été blanchi deux minutes. Choisir de préférence des variétés à congélation. On peut lactofermenter le mange-tout après l'avoir fait cuire quelques minutes à l'eau bouillante salée.
Jardinage biologique
Dans le jardin potager, il est préférable de cultiver des haricots grimpants (appelés « à rames ») qui prennent moins d'espace que les variétés naines. Pour tous les types (jaune ou beurre, vert, violet, romain, filet), il existe des variétés à rames et des naines.
Récoltés très jeunes, les haricots mange-tout peuvent être traités comme des filets. Toutefois, la saveur unique des véritables haricots filets justifie qu’on en cultive au moins quelques plants et qu'on leur consacre quelques efforts supplémentaires. On doit faire des semis consécutifs (environ toutes les deux semaines), car ils sont très sensibles aux extrêmes de température. Entre la canicule et les pluies froides que l'été peut nous réserver, il est bon d'avoir des plants de tout âge, dont certains au moins auront des chances de fructifier dans de bonnes conditions.
Bien que certains jardiniers recommandent de faire tremper les graines de haricot avant de les semer, la plupart le déconseillent sous nos climats, la graine risquant de fendre et de pourrir si elle est trop mouillée. Attendre début juin avant de semer (sud du Québec), sauf les variétés à cosse violette, qui sont un peu plus tolérantes au froid, de même que les variétés à graines foncées (noires ou brunes).
Les limaces constituent un sérieux problème pour les jeunes plants de haricots. Essayer de traiter à la « tisane » d'ail en aspergeant bien le sol, là où se cachent les adultes. La bière est assez efficace, aussi. On en remplit de petits contenants qu'on enterre de sorte que le bord se trouve au ras du sol. Attirées par l'odeur de la bière, les limaces s'y noient... Si on a un grand jardin, on aura peut-être intérêt à fabriquer sa propre bière, car l'opération finit par être coûteuse.
Écologie et environnement
Tôt dans l'histoire de la domestication du haricot, les Amérindiens cultivaient cette plante en compagnonnage avec le maïs et la courge, chacun de ces légumes contribuant à sa manière à la bonne croissance et au bien-être des deux autres. Grâce à sa tige rigide, le maïs offrait un support au haricot (dont il n'existait à l'époque que des variétés grimpantes) et lui permettait de profiter du soleil dont il avait impérativement besoin. Quant au haricot, dont la science ne découvrirait que bien plus tard qu'il avait, comme les autres légumineuses, la propriété de fixer l'azote, il fournissait au maïs et à la courge un engrais de première qualité.
Enfin, grâce à ses larges feuilles couvrant le sol, la courge apportait aux deux autres une ombre bénéfique, protégeant leurs racines des puissants rayons solaires qui risquaient de dessécher le sol et d'entraver leur croissance. De son côté, elle profitait de l'espace laissé entre leurs tiges pour lancer ses tiges rampantes à tout azimut. D'une rare intelligence écologique, ce système, que l'on appellera « les trois soeurs », persistera dans les communautés autochtones jusqu'à l'avènement de l'agriculture industrielle.
Ce système, il y a longtemps que la France l'a repris en partie pour la culture du haricot tarbais. Très rapidement, on a associé ce haricot au maïs dont les hampes lui servent de tuteur. Les deux plantes se sont répandues ensemble dans la plaine de Tarbes. Pendant longtemps, on a semé conjointement une graine de maïs et une graine de haricot. Aujourd'hui, dans pratiquement toutes les exploitations de la région, on élève le haricot sur des filets tendus dans les champs, mais quelques rares paysans pratiquent encore le tuteurage sur maïs.
Sections Le haricot frais au fil du temps, Usages culinaires, Conservation, Jardinage biologique, Écologie et environnement Recherche et rédaction : Paulette Vanier
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Coordination du contenu : Josiane Cyr, Dt. P., nutritionniste
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Fiche mise à jour : juin 2007
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Références
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