Souriez, vous êtes filmés… de l'intérieur !
Explorer l'intérieur du tube digestif pourrait rapidement devenir aussi simple que de prendre une gélule. En effet, une firme israélienne a déjà inventé une caméra… à ingérer. Ce dispositif pourrait remplacer certains examens endoscopiques classiques. Déjà d'autres équipes envisagent même un mini-robot télécommandé. Dur à avaler ?
Saignements digestifs, dépistage de polypes, pour toutes les pathologies de l'intestin la méthode d'exploration la plus efficace est, sans aucun doute, de regarder ce qui se passe à l'intérieur du tube digestif, par endoscopie. Mais demain, une nouvelle technique pourrait compléter voire concurrencer ces explorations indigestes.
Un véritable progrès diagnostic
L'endoscopie consiste à introduire par la bouche ou par l'anus, un long tube muni de fibres optiques, permettant de filmer l'intérieur du conduit digestif, de réaliser des prélèvements, voire d'enlever des polypes ou de colmater un vaisseau endommagé.
Mais l'endoscopie a quelques inconvénients majeurs :
- Sans anesthésie, elle est parfois désagréable, et source d'appréhension par les patients ;
- Du fait de la longueur de l'appareil digestif, certaines zones sont difficiles ou impossibles à explorer.
"Ainsi, on a longtemps considéré l'intestin grêle comme une véritable "boîte noire". Du fait de sa longueur de 3 à 9 mètres, les procédures classiques telles que l'entéroscopie ne permettent pas d'explorer plus d'un mètre de sa partie proximale - le jéjunum - et 70 cm de sa partie distale - l'iléon" nous précise le professeur Gérard Gay du CHU de Nancy, vice-président de la société française d'endoscopie digestive.
"L'intestin grêle n'est plus la dernière frontière !"
En l'an 2000, des chercheurs israéliens de la société Given Imaging ont présenté une "gélule-caméra". Certes de bonne taille (un centimètre sur trois), mais beaucoup plus facile à avaler que le corps d'un endoscope 1, le dispositif baptisé M2A serait l'avenir des explorations endoscopiques.
La gélule contient une minuscule caméra vidéo et une source lumineuse, indispensable pour éclairer l'intérieur du tube digestif. Une fois avalée, elle progresse naturellement à l'intérieur du corps, propulsée par les contractions habituelles de la muqueuse digestive et la gravité. La caméra permet d'enregistrer des images vidéos, transmises par télémétrie à un enregistreur externe que le patient porte à la ceinture. La personne peut continuer à vaquer à ses occupations, notamment travailler, tandis que la gélule explore son tube digestif. La capsule est éliminée dans un délai de 24 heures avec les selles.
"Cette capsule est un véritable progrès en matière de diagnostic des maladies de l'intestin grêle. Au terme de l'exploration, huit heures d'images sont stockées et doivent être analysées. Un tel volume d'informations nécessite une analyse d'une heure et demi à trois heures", précise le Pr. Gay.
Sécurité et indications
L'utilisation de ce procédé a été validée lors de différentes expériences animales 2. Le risque lié aux batteries (oxyde d'argent) peut être considéré comme mineur. "De plus, les cas d'ingestion accidentelle de telles batteries dans des services pédiatriques n'ont pas causé de conséquences très facheuses 3. Le seul risque est un blocage en cas de sténose digestive que le praticien aura le soin d'éliminer", nous précise le Pr. Gay.
Les indications sont aujourd'hui limitées aux anémies extériorisées par des hémorragies ou occultes découvertes lors d'une prise de sang. Il peut s'agir de saignements dont l'origine se trouvent au niveau de l'intestin grêle 4. "Cette technique est également en cours d'évaluation pour d'autres indications : maladie coeliaque ( intolérance au gluten), recherche de tumeur de l'intestin grêle, maladie de Crohn et autres maladies inflammatoires de l'intestin grêle… Attention, ce dispositif ne peut pas remplacer les examens actuels pour le diagnostic du cancer du côlon. On peut dire aujourd'hui que M2A complète l'endoscopie mais ne la remplace pas !" nous précise le Pr. Gay.
L'aventure intérieure continue
Les explorations de l'oesophage, de l'estomac ou du côlon ne sont pas possibles grâce à cette gélule endoscopique pour des raisons d'éclairage, de durée de vie des batteries et de volume à explorer. Différents développements sont en cours pour venir à bout de ces obstacles techniques. Par ailleurs, une miniaturisation du dispositif pourrait bientôt permettre le recours à ce procédé chez les enfants.
Mais déjà, de nombreux groupes de recherche s'attèlent au problème de locomotion dans le système digestif. La microcapsule pourrait, dans un proche avenir, acquérir et envoyer des informations médicales et recevoir des commandes d'un opérateur. Elle pourrait ainsi être dirigée, comme un robot, afin de voyager à l'intérieur du tube digestif et d'y administrer des traitements.
"La progression dirigée est déjà possible et a été testée chez des chiens. Mais dans les dix ans, on peut espérer des dispositifs capables d'administrer localement des traitements, de procéder à des biopsies ou d'engager des procédures thérapeutiques" conclut le Pr. Gay.
- David Bême
Sources :
1 - Nature 2000;405 :417
2 - Gastronenterology 2000 ;119 :1431-1438
3 - Pediatrics 1992 ;83 :747-757
4 - Gastrointest Endosc. 2002;56:758-62.