• Neuropathies Diabétiques

    Neuropathies Diabétiques

    Serge Halimi, Grenoble, 1994
    1- Epidémiologie

    Les études discordent, s'appuyant soit sur la clinique (signes objectifs ou subjectifs) soit sur l'électromyographie avec étude des vitesses de conduction nerveuse. Ainsi la prévalence varie de 5 à 75 % selon les études. L'une note environ 10 % des patients symptomatiques au moment du diagnostic de diabète (diabète non-insulinodépendant bien entendu) et 50 % 25 ans plus tard. Un autre travail retient 75 % de neuropathie après 40 ans de diabète. L'ancienneté et le contrôle de la glycémie semblent jouer un rôle déterminant mais une susceptibilité individuelle reste possible rendant utile comme pour les autres complications l'identification de patients à risquesL'association d'un éthylisme majore le risque.

    2- Clinique

    On peut distinguer 4 aspects cliniques selon la localisation anatomique des structures affectées. Les atteintes focales ou plurifocales sont fréquentes chez l'adulte diabétique, elles peuvent être à l'origine du diagnostic de diabète.
    2-1- Les mononeuropathies
    Elles représentent l'atteinte d'un seul nerf périphérique rachidien ou d'un nerf crânien. Les atteintes peuvent porter sur des nerfs des membres supérieurs, cubital, radial, médian ou des membres inférieurs, fémoral, péronier. Les formes les plus fréquentes sont représentées par les cruralgies et les paralysies oculomotrices. Les atteintes portant sur les membres supérieurs sont plus rares, le début est souvent dominé par une douleur surtout pour les atteintes des nerfs médian et cubital.

    * La cruralgie :
    Les 3/4 des cruralgies seraient dues au diabète. La symptomatologie est unilatérale, généralement d'apparition rapide, douleur, sensation de brûlure de la face antérieure et parfois interne de la cuisse, à recrudescence nocturne entraînant l'insomnie et s'accompagnant parfois d'une baisse de l'état général. L'examen met en évidence une hypoesthésie dans le territoire douloureux, un réflexe rotulien aboli, une baisse de la force musculaire de ce territoire parfois étendue à la loge antéro-externe de la jambe. On est souvent amené à rechercher une cause tumorale ou une participation mécanique malgré la notion de diabète. Les douleurs sont souvent difficiles à calmer mais l'évolution se fait spontanément en quelques semaines vers la sédation quelque soit le niveau d'équilibre glycémique.

    * Atteintes des nerfs craniens :
    - Nerfs oculomoteurs : elles concernent 2 à 4 % des diabétiques, c'est une des causes les plus fréquentes de paralysie oculomotrice. Elles sont souvent révélatrices d'un diabète de type 2 après 50 ans. Le nerf moteur oculaire commun (III) ou le nerf moteur oculaire externe (VI) sont le plus souvent concernés. L'atteinte motrice est souvent précédée de douleurs oculaires ou d'hémicranies durant quelques heures ou jours. La paralysie peut être brutale ou progressive, l'évolution est favorable en quelques semaines ou quelques mois sans séquelle. Lors de l'atteinte du III la motilité intrinsèque est souvent respectée. Les atteintes du IV sont plus rares.
    - Les autres paires craniennes : l'atteinte du nerf facial est exceptionelle, toutes les autres paires craniennes sont susceptibles d'être concernées mais de façon extrêmement rare.
    2-2- Les radiculopathies :
    Elles concernent surtout les dermatomes de distribution thoracique ou abdominale associant douleurs et pertes de sensibilité, une autre cause devra toujours être recherchée avant de conclure à la responsabilité du diabète.
    2-3- L'amyotrophie proximale des membres inférieurs :
    Ici prédomine l'atteinte motrice à prédominance unilatérale, portant sur la racine des membres inférieurs avec amyotrophie quadricipitale prononcée. Les patients présentent une faiblesse musculaire proximale marquée, parfois étendue aux loges antéro-externes des jambes gênant la montée des escaliers et la marche. Les réflexes rotuliens sont abolis, les masses musculaires douloureuses, l'atteinte sciatique est rare. L'association à une polyneuropathie hyperalgique s'accompagne d'une profonde dégradation de l'état général, d'un amaigrissement très marqué et souvent annonciateur et d'un état dépressif, le tout définissant le cadre de la "neuropathie cachectisante". Celle-ci serait plus fréquente chez les Nord-Africains. L'ensemble du tableau régresse sous traitement antalgique, anti-dépresseur et insulinothérapie en plusieurs semaines ou plusieurs mois. L'évolution favorable est annoncée par une reprise pondérale.
    2-4-Les polyneuropathies symétriques :
    C'est la forme de neuropathie diabétique la plus fréquente souvent peu symptomatique principalement représentée par les formes sensitives.

    * L'atteinte des petites fibres myéliniques est dominée par une perte de la sensibilité thermique des membres inférieurs à début distal (fibres les plus longues): risque de brûlures indolores, douleurs spontanées, troubles sensitifs et trophiques évoluant progressivement vers la racine des membres. Les troubles sensitifs objectifs sont présents. L'atteinte des membres supérieurs est possible quoique moins fréquente. L'atteinte motrice est rare ou retardée.

    * L'atteinte des grosses fibres myéliniques entraîne des troubles prédominant sur la sensibilité profonde et tactile épicritique avec une abolition précoce des réflexes ostéo-tendineux. Ces formes sont le plus souvent asymptomatiques au début, dépistées par l'examen clinique: perte de la sensibilité tactile fine et au diapason. Les formes symptomatiques associent des douleurs fulgurantes des membres inférieurs et des troubles trophiques : maux perforants, ostéoarthropathie des pieds. Des neuropathies douloureuses de symptomatologie surtout nocturne parfois hyperalgiques s'accompagnent souvent de sensation de brûlure, et d'hyperestésie cutanée. Il est possible que certaines poussées douloureuses soient liées à des variations rapides de la glycémie expliquant pour partie la majoration des douleurs qui peut être enregistrée lors de l'équilibration rapide de la glycémie chez certains patients en particulier lors de l'instauration d'une insulinothérapie. Enfin certains patients présentent des formes mixtes à prédominance motrice dont l'évolution serait relativement plus favorable.
    Les troubles trophiques sont principalement développés au chapitre Pied diabétique.
    2-5- Dysautonomie diabétique :
    C'est une particularité de la neuropathie diabétique.
    - Les manifestations cardiaques sont traitées au chapitre cardiopathies.
    - L'hypotension orthostatique est fréquente dans ses formes mineures et rare dans ses formes invalidantes s'accompagnant alors de syncopes. Son traitement fera appel à la Dihydroergotamine souvent à forte dose, en cas d'échec à la 9-alphafludrocortisone, enfin le port de bas de contention élastique constitue tout à la fois un appoint intéressant et sans risque iatrogène.
    - Les oedèmes des membres inférieurs peuvent être liés à une atteinte sympathique.
    - La vessie diabétique semble atteindre 3/4 des diabétiques après 15 à 20 ans de diabète. Elle accompagne le tableau général de neuropathie. Les troubles sont successivement sensitifs, puis se succèdent une réduction puis une perte du réflexe du détrusor, la distension vésicale avec résidu post mictionnel, le retentissement sur les voies urinaires hautes enfin. La clinique est dominée par la raréfaction du besoin d'uriner , des mictions espacées, très abondantes, l'impression de vessie encore pleine en fin de miction. Le risque infectieux est important , cystites asymptomatiques exposant au retentissement sur le haut appareil.
    - Les troubles sexuels : l'impuissance chez l'homme diabétique concerne la moitié des patients après 20 ans d'ancienneté du diabète. L'éjaculation rétrograde précède volontiers ce trouble. La libido est conservée, l'imprégnation androgénique est normale. Toutefois la participation psychologique est très importante aggravant voire provoquant ce trouble chez de nombreux diabétiques indemnes de toute cause organique objective. Pour de nombreux patients et de nombreux médecins, diabète est synonyme d'impuissance quelles que soient l'ancienneté et la sévérité de l'hyperglycémie. On se méfiera donc de tout ce qui peut être induit par l'interrogatoire du patient en ce domaine et par certaines convictions médicales injustifiées. En présence d'une impuissance autenthique presque toujours liée à une neuropathie, des méthodes mécaniques (turgescence pénienne obtenue par dépressions mécaniques et anneau de contention à la racine de la verge) ou des injections intra-caverneuses (papavérine, prostaglandine) seront préférées aux prothèses chirurgicales.
    Chez la femme on décrit une perte de la lubrification vaginale elle-même liée à la neuropathie mais sans altération du désir ni des capacités d'atteindre l'orgasme donc facile à traiter.
    - Les troubles digestifs : l'atteinte gastrique prédomine. La gastroparésie est fréquente; la gastroplégie n'est pas rare se manifestant par des pesanteurs digestives, des vomissements tardifs d'aliments non digérés. On évoquera surtout leur existence devant un désordre glycémique inexpliqué, des hypoglycémies post-prandiales déroutantes, des apports de sucres purs corrigeant mal les hypoglycémies. Les transits isotopiques permettent aujourd'hui un diagnostic aisé. Le traitement repose sur le métoclopramide(Primperan®), la dompéridone(Motilium®) ou plus récemment le cisapride(Prepulsid®). On retiendra enfin qu'une hyperglycémie importante peut à elle seule en l'absence de toute neuropathie, entraîner un ralentissement important de la vidange gastrique.
    La diarrhée motrice, à prédominance nocturne, est classique mais relativement peu fréquente. On se méfiera de ne pas attribuer trop aisément à la neuropathie une accélération du transit chez les diabétiques non insulinodépendants sous metformine responsable de nombreux troubles de ce genre.
    - Autres manifestations : les troubles de la motricité pupillaire seraient fréquents, ralentissement des réactions pupillaires normales. On connaîtra surtout les troubles de la sudation. En effet ils peuvent entraîner une réduction voire une perte des signes d'alarme de l'hypoglycémie. D'autre part certains patients se plaignent de sudations nocturnes très abondantes du torse liées à une réduction de la sudation des membres inférieurs. Le diagnostic différentiel avec des épisodes hypoglycémiques nocturnes est parfois délicat.
    http://www-sante.ujf-grenoble.fr/SANTE/alfediam/Complications/neuro-diab-2.html
    « Les manifestations uro-génitalesQuelles sont les causes déclenchantes des plaies des pieds ? »
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