• L’étude proactive

    L’étude proactive

    Prof. Fr. Féry - Bruxelles

    Lors du congrès de l’Association Européenne pour l’étude du Diabète (EASD) à Athènes, en septembre dernier, les résultats de l‘ étude PROACTIVE ont été présentés devant un auditoire plein à craquer.

    Cette étude était très attendue car elle explore l’effet d’un médicament améliorant l’action de l’insuline, cible thérapeutique peu investiguée par des moyens pharmacologiques jusqu’à présent

     

    INTRODUCTION

    Rappel des faits

    Le diabète de type 2 est une maladie complexe qui s’inscrit le plus souvent dans

    le cadre d’un syndrome plus vaste qu’il est convenu maintenant d’appeler

    «Syndrome Métabolique».

    Ce syndrome comporte, outre le diabète, une série d’autres anomalies telles

    qu’une hypertension artérielle, une dyslipidémie, une hypercoagulabilité sanguine,

    un état légèrement inflammatoire, etc... Qui, ensemble, confèrent un risque

    très élevé de maladies cardiovasculaires. Il existe de solides arguments pour penser

    que toutes ces anomalies relèvent d’un même mécanisme sous-jacent: une insulinorésistance, elle-même aggravée par l’obésité surtout quand au niveau de l’abdomen (voir article du Prof. Balasse dans le N°2 de la revue ABD mars-avril 2005).

    De nombreuses études cliniques réalisées ces 10 dernières années (dont les plus célèbres sont le DCCT dans le diabète de type 1 et l’UKPDS dans le diabète de type2) ont démontré de façon formelle et définitive que l’amélioration du contrôle glycémique permettrait de réduire de manière spectaculaire le risque d’apparition et/ou de progression des complications microangiopathiques (rétinopathie néphropathie-neuropathie) et ce, quel que soit le traitement utilisé.

    Pour ce qui concerne les complications macroangiopathiques touchant les gros vaisseaux (qui se traduisent cliniquement par des infarctus du myocarde, des accidents vasculaires cérébraux ou encore des insuffisances artérielles des membres inférieurs), les choses sont malheureusement moins claires, les bénéfices d’un contrôle glycémique strict sont plus ténus. Ce n’est pas tellement surprenant dans la mesure où, contrairement à la microangiopathie qui résulte principalement de l’hyperglycémie, la macroangiopathie est de nature multifactorielle, sans doute liée à l’hyperglycémie mais aussi et surtout à l’hypertension artérielle et aux désordres lipidiques.

    Les leçons de l’étude STENO

    Conscients du fait que la mortalité cardiovasculaire représente la première cause de décès chez les patients diabétiques de type 2, les cliniciens du prestigieux «Steno Diabetes Center» de Copenhague ont, dès 1993, mis sur pied une étude prospective ambitieuse visant à comparer les effets d’une intervention intensive multifactorielle par rapport à un traitement standard sur le risque d’événements cardiovasculaires. Dans le groupe «intensif», ils se sont efforcés de contrôler le mieux possible, non seulement la glycémie, mais également le poids, la pression artérielle et le taux de lipides sanguins. En plus, tous les patients de ce groupe ont reçu de l’aspirine à faible dose. Au cours d’un suivi d’environ 8 ans, le nombre d’événements vasculaires majeurs a été réduit de 50% dans le groupe traité intensivement ce qui est un résultat largement

    supérieur à celui rapporté dans les études d’intervention centrées uniquement sur la glycémie ou sur un seul facteur de risque.

     

     

    Les glitazones

    Depuis quelques années, l’arsenal thérapeutique enrichi d’une nouvelle classe de médicaments -les glitazones- dont 2 composés sont actuellement disponibles en Belgique: la pioglitazone (actos®) et la rosiglitazone (avandia®). Ces molécules agissent en sensibilisant l’organisme à l’action de l’insuline ce qui a pour conséquence d’améliorer la plupart des anomalies métaboliques associées au diabète de type 2 et au syndrome métabolique. Il était donc logique de penser, au vu de ce qui précède, que cette modalité thérapeutique aurait des effets plus favorables que les autres antidiabétiques oraux sur l’incidence des maladies cardiovasculaires.

    Plusieurs grandes études prospectives ont été mises sur pied pour étayer le bien fondé de cette hypothèse. Les résultats de la première d’entre elles viennent d’être dévoilés à l’EASD et publiés dans le numéro du 8 octobre 2005 du Lancet.

    L’étude PROACTIVE

    Cette étude s’adressait à des patients diabétiques de type 2 dont le contrôle glycémique

    n’était pas optimal (HbA1c >6,5%) et qui, soit présentaient des symptômes objectifs de macroangiopathie, soit avaient déjà eu un accident vasculaire important c’est-à-dire des patients considérés comme à haut risque cardiovasculaire. Plus de 5000 patients répondant à ces critères ont été recrutés et ont reçu en plus de leur traitement habituel (laissé à la discrétion de leurs médecins respectifs) soit de la pioglitazone à dose maximale, soit un placebo (=comprimé inactif) pendant une durée moyenne de 34,5 mois. Comme c’est maintenant toujours le cas dans des études bien conduites, la répartition des participants entre le groupe recevant le médicament actif et celui recevant le placebo a été faite par tirage au sort, de sorte que ni les patients, ni les médecins ne savaient lequel des 2 traitements avait été attribué.

    Trois cent vingt et un centres de diabétologie dans 19 pays européens, dont la Belgique, ont participé à l’étude.

    Au départ, les 2 groupes étaient (comme nous le disons dans notre jargon médical) bien appariés en ce sens que leur situation métabolique était tout à fait comparable en termes de contrôle glycémique, lipidique et tensionnel. L’âge, le degré d’obésité et la durée du diabète étaient également identiques.

    A la fin de l’étude, on s’est aperçu que chez les patients qui avaient reçu un traitement actif, le contrôle du diabète était meilleur, le taux de cholestérol HDL (le bon cholestérol) plus élevé et la pression artérielle légèrement plus basse que chez ceux qui avaient reçu un placebo. Parmi les patients qui ne recevaient pas d’insuline au début de l‘étude, il a fallu en ajouter au traitement oral chez 11% du groupe pioglitazone et 21% du groupe placebo.

    Pour ce qui concerne les événements cardiovasculaires, on a observé une réduction de10% (514 contre 572) ce qui n’est pas statistiquement significatif et ne permet donc pas de conclure qu’un traitement par pioglitazone améliore le pronostic cardiovasculaire.

    D’autant plus que ce bénéfice a malheureusement été compensé par une augmentation du nombre de décompensations cardiaques. Un deuxième effet secondaire classique de cette classe de médicament est une prise de poids de 2 à 4 kg qui a également été observée dans l’étude.

     

    Que peut-on conclure?

    L’étude PROACTIVE suggère (mais ne prouve pas formellement) que quand on améliore l’ensemble des paramètres de risque cardiovasculaires (glycémie, lipides, pression artérielle), il est possible de réduire le nombre d’accidents vasculaires graves comme l’a déjà démontré l’étude STENO. A cet égard, il est dommage que l’étude n’ait pas été poursuivie plus longtemps ce qui aurait permis d’aboutir à des résultats plus convaincants.

    Elle confirme l’effet favorable des glitazones sur un certain nombre de paramètres métaboliques mais ne permet pas, contrairement à ce que nous avions espéré, de savoir si la modalité thérapeutique utilisée (agir sur l’insulinorésistance) pour obtenir cette amélioration est supérieure à d’autres stratégies thérapeutiques.

    Autrement dit, la question qui reste ouverte est celle de savoir si on aurait observé une quelconque différence entre les 2 groupes en intensifiant le traitement du groupe contrôle par des moyens classiques de manière à obtenir le même environnement métabolique.

    Enfin, elle incite à la vigilance chez les patients souffrant d’une décompensation cardiaque débutante qui peut s'aggraver sous les glitazones.

    Les glitazones n’ont certainement pas dit leur dernier mot. Beaucoup d’autres études sont actuellement en cours avec cette classe de médicaments et nous ne manquerons pas de vous en reparler prochainement.
    http://www.diabete-abd.be/pdf%20revue%200706/24-25-27pro-activeok%200706.pdf

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