• Insuffisance rénale : un mal silencieux interview du Pr.Olmer

    Insuffisance rénale : un mal silencieux
    Interview du Pr. Olmer, Président de l’Association LIEN

    L’insuffisance rénale chronique est la perte irréversible des fonctions du rein. Cette maladie se développe lentement, souvent sans symptôme. Résultat : elle est encore trop souvent diagnostiquée trop tardivement. Explications avec le Pr. Michel Olmer, néphrologue à Marseille et Président de l’association Lien (Liaison, Information En Néphrologie).

    Doctissimo : En quoi l’insuffisance rénale est-elle aujourd’hui un problème de santé publique ?

    Pr Olmer insuffisance rénalePr. Michel Olmer : On estime aujourd’hui que l’insuffisance rénale touche près de 3 millions de personnes en France. Malgré ce chiffre impressionnant, la maladie souffre d’une étrange méconnaissance de la part du grand public. Ainsi, de 20 à 40 % des insuffisances rénales ne sont pas diagnostiquées, et ne sont donc dirigées vers un néphrologue qu’au stade terminal, au moment où la dialyse s’impose d’urgence. L’annonce soudaine et trop tardive représente un traumatisme physique et psychologique considérable qui aurait pu et dû être évité. Pour faire face au diagnostic, le patient doit mieux comprendre la maladie et les moyens de la combattre au quotidien. C’est l’une des ambitions de la deuxième édition de l’ouvrage "Vivre avec une maladie des reins"  réédité en mai 2005 avec des chapitres nouveaux et des mises à jour.1

    Doctissimo : Comment expliquer ce diagnostic trop tardif ?

    Pr. Michel Olmer : Tout d’abord, l’insuffisance rénale chronique est un mal silencieux. Au stade précoce, elle reste totalement asymptomatique et silencieuse. Les premières manifestations visibles n’apparaîtront qu’après quelques années : problèmes digestifs, cardiaques, neurologiques ou cutanées… Autant de troubles qui n’évoquent pas forcément une origine rénale. Il n’y a pas de douleurs lombaires (sauf dans le cas de calculs rénaux – les fameuses coliques néphrétiques), ni de troubles de la diurèse et même une augmentation, parfois du volume des urines notamment la nuit. Ainsi, trop souvent les patients mais également, parfois, les médecins généralistes peuvent passer à côté du bon diagnostic.

    Doctissimo : Comment est finalement diagnostiquée cette maladie ?

    Pr. Michel Olmer : En dehors des symptômes tardifs déjà évoqués, l’insuffisance rénale peut être suspectée en fonction du taux de la créatinine dans le sang. Ce dosage de la créatinine sera demandé par le médecin à l’occasion d’un diabète, d’une infection urinaire, d’une hypertension artérielle, de calculs rénaux, d’albumine dans les urines, d’une infection sévère, d’une anémie inexpliquée, etc. Toutes ces manifestations peuvent être, soit la cause, soit la conséquence d’une insuffisance rénale. L’idéal serait que ce bilan soit demandé de manière systématique face à ces troubles, ce qui n’est malheureusement pas toujours le cas. Chez le patient diabétique, le dosage de la microalbuminurie permet de surveiller l’état du rein. Tous ces examens sont faciles à réaliser et très peu onéreux.
    Parfois, l’attention est attirée également par une prise de poids rapide, l’apparition d’oedèmes, un changement anormal de couleur des urines, une perte d’appétit, une fatigue excessive.

    Doctissimo : Vous parliez de l’hypertension comme pouvant être une cause de l’insuffisance rénale. Quelles en sont les autres origines ?

    Pr. Michel Olmer : On distingue trois causes majeures de l’insuffisance rénale chronique : l’hypertension artérielle donc, mais également le diabète (en particulier le diabète de type 2 en forte augmentation en France) et l’allongement de la vie. Enfin, d’autres causes peuvent être évoquées : les infections rénales chroniques, certaines intoxications médicamenteuses et certaines maladies génétiques.

    Propos recueillis par David Bême, le 4 octobre 2005

    1 - L’association LIEN (Liaison, Information En Néphrologie), réédite, sous la direction du Professeur Michel Olmer, "Vivre avec une maladie des reins". Destiné aux patients chez lesquels on découvre une insuffisance rénale, ce livret est vendu au prix de 7 € en écrivant à l’association LIEN – 19, rue Borde – 13008 Marseille - ou en téléphonant au 04 96 20 80 10.

    Forum Insuffisance rénale

    L’insuffisance rénale en chiffres

    On estime que près de 3 millions de Français sont victimes d’insuffisance rénale chronique. Pour certains d’entre eux, l’évolution de la maladie justifiera une dialyse ou une greffe du rein. Découvrez l’ampleur de ce problème.

    Avec une augmentation des cas de 5 à 7 % chaque année1, l’insuffisance rénale figure parmi les priorités de la loi de santé publique 2004. Les objectifs sont de stabiliser le nombre de nouveaux cas d’ici 2008 et de réduire le retentissement sur la qualité de vie, en particulier chez les patients dialysés.

    Qu’est-ce que l’insuffisance rénale ?

    Bien qu’indispensables à notre vie, nos reins brillent souvent par leur discrétion, en dehors des terribles coliques néphrétiques. Pourtant, ces organes sont d’incroyables travailleurs : ils filtrent 180 litres de notre sang par jour et éliminent les déchets de l’organisme. Mais un danger silencieux rode : l’insuffisance rénale. Longtemps dénuée de symptômes, cette réduction progressive du fonctionnement des reins correspond à une destruction progressive et irrémédiable des canaux (les néphrons) qui constituent le rein. Elle apparaît lorsqu’il ne reste plus qu’un tiers de ces canaux en état de marche. Elle peut être détectée par un bilan biologique (dosage de la créatinine) à l’occasion d’un diabète, d’une infection urinaire, d’une hypertension artérielle, de calculs rénaux, d’albumine dans les urines, d’une infection sévère, d’une anémie inexpliquée, d’intoxications médicamenteuses, etc. Ces manifestations peuvent être la cause ou la conséquence d’une insuffisance rénale. Arrivée au stade terminal (90 % des néphrons inefficaces), cette maladie nécessite un traitement urgent (dialyse ou greffe), sinon c’est le coma et la mort en quelques jours…

    Avec l’augmentation de l’espérance de vie et du nombre de cas de diabète, d’obésité et d’hypertension, l’insuffisance rénale est en constante progression.

    Une prise en charge trop tardive

    Quand les premiers problèmes surviennent (fatigue soudaine, troubles digestifs, fourmillements dans les jambes, oedème, changement de couleur des urines, gain de poids rapide…), la prise en charge par un spécialiste (néphrologue) des patients est souvent trop tardive. Elle intervient, dans 20 à 35 % des cas, qu’au stade terminal de la maladie, qui nécessite alors le recours à la dialyse (nettoyage du sang par des reins artificiels) ou à une greffe. Cette prise en charge tardive peut s’expliquer par le caractère longtemps asymptomatique de l’insuffisance rénale, mais ces conséquences sont dramatiques pour le patient.

    Outre les conséquences physiques et psychologiques, cette maladie dont on aurait pu freiner l’évolution a un coût élevé. A titre d’exemple, un patient dialysé traité en centre d’auto dialyse coûte au minimum 35 000 euros par an, tarif qui est supérieur pour les patients traités en centre lourd, public ou privé. Au total, le coût des soins correspond à 2 % des dépenses de l’Assurance maladie.

    Les chiffres en France

    En juin 2003, une enquête nationale2 a recensé 30 882 patients dialysés en France (18 047 hommes et 12 835 femmes). Près du tiers étaient sous dialyse depuis moins de 18 mois et pour un quart, le recours à ce traitement datait d’avant 1997. Près du tiers étaient sous dialyse depuis moins de 18 mois et pour un quart, le recours à ce traitement datait d’avant 1997.

    Si on ajoute aux 30 882 patients atteints d’insuffisance rénale chronique terminale (IRCT) traités par dialyse en juin 2003, les 21 233 patients porteurs d’un greffon fonctionnel, la fréquence de l’IRCT s’élevait en France à 865,9 patients par million d’habitants. Un chiffre sensiblement équivalent à nos voisins européens (918 en Allemagne ou 841 en Grèce), mais inférieure à celle enregistrée au Japon (1 726) ou aux Etats-Unis (1 446).

    Insuffisanec rénale

    Près des deux tiers des patients avaient plus de 60 ans. Près d’un quart des patients (24,6 %) présentent un diabète, 19,7 % une artérite des membres inférieurs et 18,1 % une insuffisance cardiaque.



     
       

    L’insuffisance rénale en chiffre

    D’importantes disparités régionales ont été mises en évidence, la proportion de malades varie du simple au double entre la métropole et les Dom (498,2 par million d’habitants contre 1 035,7 par million d’habitants). A l’intérieur même de la métropole, de grandes différences existent, comme par exemple entre la région des Pays de la Loire (355 par million d’habitants) et la région Provence-Alpes-Côte-d’Azur (675,7 par million d’habitants). La fréquence des nouveaux cas est également très différente d’une région à l’autre (80 % supérieure en Lorraine par rapport à la Bretagne)3. Autant de disparités qui ne peuvent s’expliquer par la seule différence d’âge des populations entre les régions et qu’il conviendra d’éclaircir.

    Pour mieux prendre la mesure de cette maladie et juger de l’efficacité de sa prise en charge, des données nationales actualisées sont nécessaires. C’est désormais chose fait grâce au réseau épidémiologique et information en néphrologie (REIN)4 créé dans le cadre de l’Agence nationale de Bioéthique. Notons qu’avec plus de 7 000 nouveaux dialysés chaque année, l’insuffisance rénale chronique terminale constitue en France un problème majeur de santé publique.

    David Bême

    1 - ANAES / Service des recommandations et références professionnelles / septembre 2002
    2 - BEH n°37-38/2005 : 182-184
    3 - BEH n°37-38/2005 : 188-190
    4 - BEH n°37-38/2005 : 185-187

    L’association LIEN (Liaison, Information En Néphrologie), réédite, sous la direction du Professeur Michel Olmer, "Vivre avec une maladie des reins". Destiné aux patients chez lesquels on découvre une insuffisance rénale, ce livret est vendu au prix de 7 € en écrivant à l’association LIEN – 19, rue Borde – 13008 Marseille - ou en téléphonant au 04 96 20 80 10.

    http://www.doctissimo.fr/html/dossiers/rein/9000-insuffisance-renale-mal-silencieux-olmer-itw.htm

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