Sous réserve de franchir le dernier obstacle du parcours du combattant qui précède la commercialisation d’un nouveau médicament (obtention du prix et du remboursement), l’année 2015 devrait voir l’arrivée sur le marché français des inhibiteurs de SGLT2 (iSGLT2). Trois d’entre eux ont d’ores et déjà été approuvés par les autorités de santé aux États-Unis et en Europe (dapagliflozine, canagliflozine, empagliflozine) et vont venir prochainement enrichir l’arsenal thérapeutique à disposition des cliniciens pour traiter le diabète de type 2. L’originalité des iSGL2 est d’agir sur le rein, un acteur longtemps oublié de la physiopathologie du DT2.
Chez le diabétique, la charge accrue de glucose filtrée par les reins augmente la quantité de glucose ré-absorbée au niveau du tube contourné proximal – environ 90 % au niveau du segment initial via le cotransporteur sodium-glucose de type 2 (SGLT2) et 10 % au niveau du segment distal via le cotransporteur sodium-glucose de type 1 (SGLT1). Tant que l’hyperglycémie n’excède pas le seuil de réabsorption tubulaire du glucose et que la capacité maximale de transport du glucose n’est pas dépassée, le rein du diabétique n’excrète pas de glucose. Or, la capacité maximale de transport du glucose est environ 20 % plus élevée chez le sujet diabétique que chez le non diabétique en raison d’une majoration de l’expression et de l’activité des transporteurs tubulaires du glucose. Cette anomalie adaptative préserve ainsi, de façon paradoxale, l’excès de glucose plasmatique au lieu de permettre au rein d’accroître l’excrétion du glucose filtré, majorant ainsi les conséquences de la glucotoxicité.
La constatation de ces anomalies physiopathologiques a conduit au développement des iSGLT2. L’efficacité sur l’équilibre glycémique de ces produits est liée à leur capacité à induire une glycosurie majeure. En réduisant la glucotoxicité, les iSGLT2 permettent d’améliorer la sensibilité à l’insuline et la fonction ß-cellulaire. Globalement, l’amélioration de l’HbA1c ajustée au placebo est de l’ordre de 0,7 % en moyenne avec les trois produits disponibles (efficacité comparable à celle des iDPP-4), le bénéfice portant à la fois sur la glycémie à jeun et sur les glycémies postprandiales. L’action des iSGLT2 est indé- pendante de l’insulinosécrétion résiduelle : leur efficacité est donc censément équivalente à tous les stades du DT2, y compris les plus tardifs. En outre, leur mode d’action spécifique permet d’envisager leur association à tous les autres traitements du diabète, et rend peu probable l’existence de patients non-répondeurs (en dehors des patients présentant une insuffisance rénale avec eDFG < 60 ml/mn chez qui les iSGLT2 sont inefficaces et non recommandés). Les iSGLT2 n’induisent pas d’hypoglycémie puisqu’ils ne stimulent pas directement la sécrétion d’insuline, mais le risque existe en cas d’association à un sulfamide hypoglycémiant ou à l’insuline.
Du fait de leur mode d’action, les iSGLT2 vont exercer d’autres effets favorables chez les patients DT2. La glycosurie induite est responsable d’une perte calorique, qui se traduit par une perte pondérale (en moyenne –2 à –3 kg, principalement aux dépens de la masse grasse) ; le poids diminue dans les premières semaines du traitement puis se stabilise malgré le maintien de la glycosurie pour des raisons encore mal comprises. Les iSGLT2 sont responsables d’une diurèse osmotique, se traduisant par un effet favorable sur la pression artérielle, surtout systolique (–4 mmHg en moyenne). Revers de la médaille, l’augmentation du volume urinaire (qui ne semble pas devoir dépasser 300 ml/j mais dont l’impact sur la qualité de vie devra être précisé) peut entraîner une déplétion volémique avec une augmentation de 1 à 2 % de l’hématocrite et un risque d’hypotension orthostatique (nécessité de baisser la posologie des diurétiques associés, prudence chez le sujet âgé). Un autre effet secondaire majeur est le risque d’infections urinaires basses (risque modéré, inconstamment retrouvé) et surtout génitales (vulvovaginite, balanite), en particulier lors des premiers mois de traitement ; ces infections génitales sont plus fréquentes chez la femme ( jusqu’à 10-15 %) que chez l’homme (3-8 %), sont a priori sans gravité, répondant bien aux antifongiques locaux, et non récidivantes. Il faudra évaluer l’impact de ces effets indésirables dans la vraie vie, notamment dans l’évaluation de l’observance. Parmi les autres effets adverses potentiels, on note une élévation modérée du LDL-c, dont le mécanisme n’est pas élucidé. De grandes études d’intervention sont en cours pour apprécier la sécurité cardiovasculaire de ces produits.
L’initiation d’un iSGLT2 sera réservée aux spécialistes en diabétologie-endocrinologie ou en médecine interne ; le médecin généraliste pourra renouveler la prescription sous réserve d’une réévaluation annuelle par l’un de ces spécialistes. De facto, cette restriction réglementaire risque de brider les prescriptions d’un iSGLT2 en deuxième ligne, après échec de la metformine. On imagine plus volontiers ces produits prescrits en troisième ligne et en association à l’insuline, avec un intérêt particulier chez le patient obèse et/ou hypertendu. Cependant, la récente mise à jour du consensus EASD/ADA pour la prise en charge du diabète de type 2 (1) plaide pour un positionnement très large de la classe, dès le stade de la bithérapie et jusqu’à l’association à l’insuline, notamment chez les sujets traités par de fortes doses d’insuline.
http://www.sfdiabete.org/mediatheque/kiosque/articles-qdm/inhibiteurs-de-sglt2-les-promesses-dune-nouvelle-classe