Comment parler de l’actualité à vos enfants ?
Crashs d’avions, attentats… les actualités sont de plus en plus violentes et de plus en plus racontées dans le détail par les médias. Difficile alors de préserver ses enfants. Relayées dans la cour d’école ou regardées en boucle sur les téléphones portables, elles nécessitent d’être accompagnées. Les parents ont un rôle à jouer. Le point avec Didier Pleux, docteur en psychologie du développement de l’enfant.
A une époque surmédiatisée, l’actualité et ses informations violentes sont devenues notre lot quotidien, y compris pour nos enfants. Face à ce flot continu d’images traumatisantes, comment réagir ? Quand les événements tels que l’attentat de Charlie Hebdo ou le récent crash d’ l’A 320, prennent l’ampleur que l’on connaît, adopter une attitude responsable et adéquate n’est pas toujours évident. Si les enseignants en parlent en classe, ce n’est pas suffisant. "Les parents ont également un rôle de médiation" affirme le psychologue Didier Pleux.
Face à l’actualité, les enfants ne sont pas de petits adultes
La tendance aujourd’hui pour les parents est de considérer leurs enfants comme des adultes, et donc de leur parler comme tel. Or ce n’est pas le cas, "quel que soit ses capacités de raisonnement, son aptitude émotionnelle suit les étapes de maturation habituelles" prévient Didier Pleux.
Avant 15/16 ans, il n’a pas la capacité d’opérer des allers retours, entre la pensée raisonnable, la façon d’interpréter le monde et le cerveau émotionnel. Plus il est jeune, plus l’événement peut être traumatisant. En règle générale, les parents sont dans l’horizontalité, et font partager aux enfants leur vision d’adulte. Le plus important est de remettre l’enfant à sa place !
Des risques réels face à des images violentes
L’actualité est anxiogène, pour les adultes et plus encore pour les enfants, qui sont de véritables buvards émotionnels, d’autant plus s’ils sont émotifs ou sensibles. Un crash d’avion, par exemple, quand l’information est répétée et visualisée, peut entraîner la croyance que prendre l’avion est dangereux… "L’enfant va faire l’amalgame" explique Didier Pleux.
La répétition des images violentes peut d’une part générer des cauchemars chez les petits, et d’autre part préparer les plus grands au pire, c’est-à-dire à une vie dans un monde extrêmement dangereux. "Le rôle du parent est essentiellement de présenter le monde sur un mode réaliste, bien sûr, et optimiste si possible" rappelle notre expert. En pointant les perspectives plus que les pertes, il est possible de les protéger du discours ambiant alarmiste.
Actualités violentes : comment en parler ?
"Il ne s’agit en aucun cas d’éluder le principe de réalité" précise Didier Pleux. Nous ne sommes ni dans La Petite Maison dans la Prairie, ni chez les Bisounours. D’autant plus qu’éviter la vague médiatique est devenu impossible. Dans la cour, les enfants s’échangent même des vidéos d’événements traumatiques sur leur portable. "Ne rien dire, c’est courir le risque de le laisser fantasmer" ajoute notre expert. Si l’évitement n’est pas la solution, la parole est nécessaire, mais selon un certain mode.
- Parlez-lui comme à un enfant, et non pas comme à un adulte : vous n’allez pas rentrer dans une discussion autour des événements, ni solliciter son avis sur la question.
- Rester factuel est important, inutile de s’attarder sur les détails, et d’insister.
- Il est possible que l’enfant soit demandeur, et qu’il pose des questions. "Répondez-leur avec des mots à leur portée. Vous pouvez le rassurer, bien sûr, mais surtout pas lui transmettre vos émotions, qu’il va absorber comme un buvard" insiste Didier Pleux.
Le but est de dédramatiser, d’expliquer en tenant compte du réel, sans ajouter d’intensité émotionnelle.
Quelles infos pour l’enfant ?
La tentation d’offrir un prisme de l’info par le sacro-saint journal de 20 h ou les chaînes d’infos en continue est grande. "Les images télé sont à éviter, principalement avant 12 ans" prévient Didier Pleux. Notre expert est formel :
"Pas d’infos en boucle à table". Ce support n’offre pas de filtres suffisants, et permet peu de médiation de la part des parents, pris par un rythme reposant en majeure partie sur du sensationnel anxiogène et voyeur. Tempérer les événements va être plus difficile.
Face à des images trop traumatisantes, il faut se persuader que la censure est nécessaire. Un cadre d’autant plus difficile à poser aujourd’hui que les enfants sont demandeurs. Tenez bon, c’est à vous de filtrer, en sélectionnant les informations que vous jugez nécessaires de leur montrer.
Le plus important également est de trouver des outils d’informations adéquats. "Certaines revues destinées aux enfants sont parfaites pour un traitement de l’information qui leur est adapté" conclut Didier Pleux. N’hésitez pas à vous servir de ces supports.
- Catherine Maillard
Créé le 01 avril 2015