Parfois confondue avec l'allergie aux protéines de lait de vache, l'intolérance au lactose concerne principalement les adultes. Comment la distingue-t-on et quelles solutions existent ?
Sabine évite les produits laitiers, elle raconte comment elle s'est aperçue qu'elle était intolérante au lactose.
"J'ai découvert mon intolérance au lactose d'une manière presque inconsciente. Petite déjà, je refusais de manger les yaourts et autres desserts laitiers, je disais que je n'aimais pas ça. Puis vers l'âge de 8 ans j'ai cessé de manger du parmesan sur les pâtes, alors que j'adorais ça ! Je n'ai jamais su dire pourquoi. Je répondais "non merci" à table, c'est tout. Puis à l'âge de 15 ans, j'ai pu mettre des mots, et j'ai dit : je ne digère pas la mozzarella. Petit à petit, je ne pouvais plus avaler aucun produit laitier excepté ceux issus de la chèvre.
"J'ai toujours considéré que je n'aimais pas ça."
J'en ai parlé à un gastro-entérologue. Il a très vite fait le rapprochement avec l'intolérance au lactose. Les symptômes sont assez simples : je ne digérais pas, j'avais du caséum sur les amygdales, une mauvaise haleine, mal au ventre, des ballonnements, etc.
Aujourd'hui, mon régime est simple : pas de produit laitiers. S'il m'arrive une fois dans le mois par exemple de manger un plat avec un petit peu de crème fraîche, les conséquences ne sont pas catastrophiques. Mais c'est un grand maximum. La réponse au problème est plutôt : aucun produit comportant du lactose. Je dois même éviter les plats tout faits ou les biscuits car il peut y avoir du lactose dedans.
Comme j'ai toujours écouté mon estomac, les produits laitiers ne me manquent pas vraiment. J'ai toujours considéré que je n'aimais pas ça. Plutôt étonnant ! Ce qui me manque, ce sont les bons petits plats qui nécessitent fromage ou crème, comme le gratin florentin, par exemple..."
En 2007, la consommation française de lait était de 60 litres par an par habitant. Le lait est un aliment très complet qui contient des lipides, des glucides, des protéines mais aussi des vitamines.
Le principal sucre du lait, le lactose, est ingéré par l'organisme et transformé par des enzymes, les lactases, en glucose et en galactose pour passer ensuite dans le sang.
Uniquement des problèmes digestifs
Entre l'intolérance au lactose et l'allergie aux protéines de lait de vache il y a une grande différence. Le Dr Fabienne Rancé, pédiatre et allergologue, explique : "L'allergie aux protéines de lait de vache est une réaction qui entraîne une réponse immunitaire imprévisible face aux protéines contenues dans le lait et responsables de l'allergie." L'allergie peut donc entraîner des réactions digestives mais aussi respiratoires, dermatologiques ou même un choc anaphylactique.
"L'intolérance, par contre, entraîne des problèmes digestifs, sans mécanisme immunologique. Simplement, ajoute le Dr Rancé, dans les deux cas, le déclencheur est le lait, mais ce sont deux problèmes distincts."
En effet, l'allergie aux protéines de lait de vache entraîne une réaction immunitaire imprévisible, qui peut être bénigne ou très grave. Comme l'intolérance n'entraîne que des problèmes digestifs sans gravité, il est très important de bien les différencier car l'allergie qui nécessite une prise en charge et un régime strict et adapté pour éviter toute réaction grave.
Une gastroentérite peut entraîner une intolérance temporaire
70 % de la population mondiale présente un déficit en lactase et donc a priori une intolérance au lactose (plus ou moins importante selon le déficit). L'intolérance au lactose est une hypersensibilité liée à un déficit en lactases (les enzymes qui transforment le lactose en glucose et galactose). Il existe trois types d'intolérance au lactose :
- l'intolérance congénitale (qui est rare),
- l'intolérance temporaire (liée, par exemple, à une gastro entérite ou à la prise de certains médicaments),
- l'intolérance due à une faible activité des lactases (qui est la plus courante chez l'adulte), appelée hypolactasie (peu de lactases) ou une alactasie (pas de lactase).
En temps normal, le lactose absorbé par le corps est scindé par une lactase afin d'être digéré. Une personne souffrant d'intolérance au lactose ne peut pas faire cette réaction. Conséquence : le lactose n'est pas digéré, il fermente dans le colon et entraîne la production de gaz carbonique et d'hydrogène.
"Cela entraîne une malabsorption du lactose dans le colon qui entraîne des problèmes digestifs, des douleurs, parfois des diarrhées et des ballonnements, explique le Pr Robert Benamouzig, gastro-entérologue."
Une intolérance naturelle avec l'âge
C'est pendant la petite enfance que les lactases sont le plus présentes, elles disparaissent après le sevrage. Les adultes sont donc plus majoritairement touchés par cette intolérance au lactose.
Après le sevrage vers 2 à 3 ans, on observe une diminution naturelle de l'activité de la lactase. C'est ce qui explique que l'intolérance au lactose augmente avec l'âge.
Une intolérance naturelle
Cependant, les adultes consomment moins de lait que les enfants et si des produits laitiers les rendent malades ils les évitent, parfois même inconsciemment. L'intolérance n'est donc pas toujours révélée. En revanche, l'alimentation des enfants est très riche en produits laitiers pour renforcer leur croissance : l'intolérance, même si elle est plus rare, peut être plus facilement perçue qu'à l'âge adulte.
Par contre, dans la situation pathologique de diarrhée aiguë, il existe une altération de la muqueuse intestinale, avec une diminution des lactases, qui peut toucher les enfants comme les adultes. "La diminution et le moins bon fonctionnement des lactases peuvent donc être à l'origine d'une intolérance temporaire au lactose, précise le Dr Rancé."
Des troubles digestifs variables selon les individus
Les réactions d'intolérance au lactose sont d'ordre digestif. Les symptômes se manifestent souvent une à deux heures après ingestion de lait, par :
- des douleurs abdominales,
- des diarrhées,
- des flatulences,
- des nausées,
- et parfois, des vomissements.
"Les symptômes ne sont pas spécifiques, il s'agit d'une fermentation avec, donc, des conséquences digestives", explique le Pr Benamouzig, gastro-entérologue. Pas question de conclure à une intolérance au lactose au moindre ballonnement après la consommation d'un yaourt !
Tout dépend de la quantité
L'apport des laitages est très important d'un point de vue nutritionnel, il serait bête de s'en priver pour rien. D'autant que, pour certains, il faudra une grande quantité de lait pour provoquer des problèmes digestifs.
En plus, il faut prendre en considération le fait qu'un virus (gastro entérite), une petite infection ou la prise de certains médicaments peuvent être à l'origine d'une diminution temporaire des lactases et donc entraîner une intolérance au lactose temporaire ou un autre trouble digestif.
Des tests efficaces mais non définitifs
Il existe des tests pour détecter l'intolérance au lactose. "Cependant, prévient le Pr Benamouzig, aucun test ne permettra de confirmer définitivement l'intolérance. Mais ces tests, associés à une série de questions, notamment sur les ressentis des patients après la consommation de produits lactés, permettront au médecin d'orienter son diagnostic vers une intolérance ou non au lactose."
Le test le plus couramment effectué est le test de l'hydrogène expiré. On mesure l'hydrogène dans l'air expiré à l'aide d'un spiromètre après avoir ingéré une dose de lactose. Ce test permet de savoir si le lactose est digéré (présence de lactases) ou pas (intolérance).
Un dosage sanguin du sucre
Des tests sanguins sont aussi possibles. "Le lactose est un sucre, on peut donc le doser facilement dans le sang, indique le gastroentérologue." Quelques minutes après la prise d'une dose de lactose, un prélèvement sanguin au bout du doigt (comme pour le diabète) permet de savoir si le lactose est passé dans le sang (et donc a été digéré) ou non. En cas d'hyperglycémie, cela signifie qu'il y a bien eu absorption du lactose et donc pas d'intolérance.
La biopsie de la muqueuse de l'intestin grêle permet aussi de doser l'activité lactasique, mais elle est rarement effectuée car invasive.
"Malgré ces tests simples à réaliser, aucun d'entre eux n'est spécifique, ni ne permet un diagnostic définitif d'intolérance ce qui explique en partie qu'ils sont rarement effectués par les médecins", explique le Pr Benamouzig.
Attention aux carences en vitamines
Le Pr Benamouzig prévient : "Il est important est de savoir si l'on a ou pas une intolérance au lactose. Les symptômes n'étant pas spécifiques, il ne faudrait pas se priver de tous les laitages sans être certain de la présence de l'intolérance."
On l'a vu, le lait est un aliment très complet qui permet notamment chez l'enfant d'assurer une croissance optimale et solide. Sa consommation est plus faible à l'âge adulte mais ne doit pas être stoppée car elle reste utile pour prévenir, entre autres, les risques d'ostéoporose. De fait, des cas d'ostéoporose ont été rapportés chez des adultes déficitaires en lactase.
Côté digestif, que les intolérants au lactose se rassurent : il n'y a pas de risque de développer des maladies digestives à cause de cette intolérance. La seule conséquence est la présence de troubles digestifs temporaires.
Surtout ne pas bannir le lait
Evincer le lait de son alimentation lorsque ce n'est pas utile complique grandement la vie car il est très présent dans beaucoup d'aliments. En plus, ce n'est pas sans conséquence. "L'intolérance associée à une non consommation de lait entraîne aussi des carences en calcium, en vitamines B et D2", explique le Pr Benamouzig.
Le gastroentérologue ajoute : "En cas d'intolérance, il existe des supplémentations qui permettent de consommer du lait sans les inconvénients." Et surtout, il faut garder à l'esprit qu'il ne faut jamais arrêter le lait totalement : "Il suffit de bien les choisir" ajoute le Pr Benamouzig.
Pour les plus jeunes, même si l'intolérance est rare et généralement temporaire, il est possible d'avoir recours à du lait modifié pour assurer croissance normale avec toutes les vitamines nécessaires.
Le lactose est partout dans l'alimentation
En cas d'intolérance au lactose, pas la peine de rayer de la liste tous les produits laitiers : ceux qui sont pauvres en lactose sont tolérés. Le but étant de les consommer sans symptômes. Il est donc utile de tester les produits et de savoir s'ils sont supportés et, si oui, à quelle dose.
"Il est possible de manger certains produits laitiers. Par exemple, les yaourts sont sans lactose. De même, le lait appauvri en lactose est très bien toléré et permet d'éviter les carences en calcium ou vitamines" indique le Dr Rancé, pédiatre et allergologue.
Des gélules pour digérer le lait
Si le lactose présent dans les laitages est facilement repérable, il sera cependant difficile de l'éviter totalement le lactose, comme l'explique le Pr Benamouzig : "Maintenant, le lactose est présent partout : dans les viennoiseries, la charcuterie, les pizzas, etc. Il y a donc une exposition beaucoup plus fréquente et presque inévitable."
Comme l'apparition des symptômes est liée à la quantité de lactose ingérée, il est préférable de ne pas abuser des aliments qui en contiennent et de privilégier les aliments pauvres en lactose.
"L'intolérance au lactose est plus connue aux Etats-Unis. Là-bas, les personnes concernées ont toujours sur elles des gélules à ingérer avant le repas composé de laitages : ce sont des supplémentations d'enzymes (de lactases) qui leur permettent de digérer le lactose consommé en plus grande quantité qu'habituellement", explique le Pr Benamouzig. Ces gélules sont aussi distribuées en France. Il convient de les choisir avec précaution et de demander conseil à votre pharmacien avant achat.
http://sante.journaldesfemmes.com/nutrition-digestion/intolerance-au-lactose/choisir-ses-laitages.shtml