Apple se lance dans la collecte de données médicales. L'idée : transformer les millions d'iPhone vendus dans le monde en puissants outils de diagnostic de certaines maladies. Si la plateforme Research Kit est prometteuse pour la recherche médicale, elle présente aussi un certain danger pour les utilisateurs.
Ce lundi soir, tous les yeux étaient rivés vers Tom Cook, le PDG d'Apple, qui présentait les dernières innovations de la société de Cupertino. Et parmi elles, l'Apple Watch. Mais aussi une nouvelle plateforme inédite. Dénommée Research Kit, elle a comme objectif la collecte des données pour la recherche médicale grâce à des applications santé spécifiques. Selon Apple, elle permettra de pallier la pénurie que rencontrent les universités en "cobayes" humains à cause de la distance qui les sépare des centres de recherche. En surmontant les obstacles rencontrés par les infrastructures médicales, le Research Kit pourra ainsi aider le monde médical à récolter un grand nombre de données variées à un rythme plus soutenu, plutôt que de puiser uniquement dans des essais cliniques ponctuels. La plateforme sera en mode open source, afin que chacun puisse y contribuer.
"Research Kit transforme l'iPhone en un puissant outil de diagnostic"a expliqué Jeff Williams, le vice-président des opérations lors de la keynote de la société à la pomme ce lundi 9 mars. "Désormais, n'importe quel possesseur d'iPhone peut contribuer à la recherche sur Parkinson"résume-t-il. La maladie de Parkinson, mais aussi l'asthme, le diabète, le cancer du sein ou encore les défaillances cardiovasculaires pourront être détectées. Pour développer les différentes applications, Apple annonce des collaborations avec des hôpitaux et institutions de renom tels que l'Université de Rochester, l'hôpital Xuanwu de Pékin, l'hôpital Mount Sinaï à New York, ou encore le Dana-Farber Cancer Institute de Boston.
Dites "ahhh"
Concrètement, après avoir introduit sa signature électronique, l'utilisateur est invité à réaliser des tests vocaux ou de motricité. Les patients peuvent ainsi enregistrer leurs symptômes simplement en disant "ahhh". Selon la fluctuation de la voix, l'outil décèlera d'éventuels signes de la maladie de Parkinson. Mais aussi: la fonction d'accéléromètre permet d'analyser l'équilibre d'une personne saine. L'application Asthma Health (déjà disponible sur l'App Store) s'appareille en Bluetooth à des inhalateurs pour mesurer l'état des bronches. De son côté, l'app' MyHearts Counts développée par l'Université de Stanford et d'Oxford a comme objectif d'aider à repérer les maladies cardiovasculaires, tandis qu'une application sur le cancer du sein développée par le Dana-Farber Cancer Institute recueillera des données biométriques pour la recherche.
Toutes ces données seront analysées uniquement si l'utilisateur en a donné la permission. Vu leur sensibilité au niveau de la confidentialité, Apple a déclaré qu'elle n'y aurait pas accès et qu'elles seront transmises de façon sécurisée directement aux bases de données des hôpitaux et institutions partenaires. Au contraire des applications en matière de santé et de bien-être déjà existantes (MapMyFitness, WebMD Health, iPeriod,...) qui transmettraient des données personnelles à environ 70 sociétés tierces selon une étude du Financial Times et relayée par La Tribune. Des données quantifiées dont sont friandes les sociétés de m-santé en pleine expansion. Le marché représenterait 26 milliards de dollars à l'horizon 2017 avec près de 1,7 milliard d'utilisateurs.
Des dangers de l'auto-diagnostic
Si le projet est présenté comme "une petite révolution" pour la collecte des données médicales à travers le monde, il présente aussi quelques contre-indications. En réalisant les tests disponibles pour déceler l'une ou l'autre maladie, l'utilisateur sera immédiatement alerté par son iPhone d'éventuels problèmes de santé avant même qu'il ne consulte un médecin. Cela peut mener à des situations délicates, voire dangereuses en cas d'auto-médication hasardeuse. Jusqu'à devenir son propre docteur? Il n'y a qu'un pas. Au niveau psychologique, les résultats donnés, s'ils sont alarmistes, pourraient aussi perturber certaines personnes de nature plus sensible. Les Américains sont d'ailleurs réputés pour être les champions de l'auto-diagnostic en ligne. Près de 61 % des adultes font d'Internet leur principale source d'informations, Wikipedia en tête, pour un problème de santé ou une maladie selon le Pew Internet and American Life Project, la référence aux États-Unis des tendances de consultations en ligne. Ces chiffres sont inquiétants quand on sait que la plupart des informations médicales disponibles sur la Toile sont jugées peu fiables, selon plusieurs études internationales. En Europe, l'automédication est aussi une tendance à la hausse ces dernières années selon plusieurs rapports d'experts.
Mais cette initiative a aussi ses bons côté pour les personnes souffrant de maladies chroniques ou orphelines qui pourront partager leur quotidien. La collecte des posologies et des paramètres de vie (sommeil, nourriture) peuvent servir à cerner l'évolution de la maladie et ses causes. "Des personnes qui souffrent de diabète, qui relèvent en temps réel leur taux d'insuline, pourraient évaluer si la fréquence de leur prise de médicament est la bonne ou non", expliquait récemment au Vif L'Express Candide Kemmler, l'organisateur des rencontres Quantified Self à Bruxelles, un réseau qui prône, par la mesure, la compréhension de soi.
Quoi qu'il en soit, il faudrait idéalement que les utilisateurs alertés d'un problème de santé par une des applications proposées par le Research Kit d'Apple puissent bénéficier d'un suivi pour être pris en charge correctement.
http://www.levif.be/actualite/sante/quand-apple-expose-ses-utilisateurs-aux-dangers-de-l-auto-diagnostic/article-normal-370887.html