La lutte contre la fraude alimentaire en Europe
Malgré l’intégrité d’une majorité d’acteurs de l’industrie alimentaire et leur engagement en faveur de la protection et de la confiance des consommateurs, la question de la fraude alimentaire a récemment suscité un regain d’attention. Bien que la législation alimentaire européenne soit très détaillée en matière de sécurité des aliments (avec des contrôles et des tests dans des domaines tels que les résidus et autres contaminants de l’alimentation humaine et animale), il n’existe aucun cadre spécifique de lutte contre la fraude alimentaire au-delà de la convention générale stipulant que les consommateurs ne doivent pas être trompés. Pour répondre à ce problème, des mesures efficaces sont en cours d’identification en vue de renforcer les règles et les contrôles en vigueur en Europe. Plusieurs d’entre elles sont prises en compte dans le Plan d’action de l’UE en faveur de la lutte contre la fraude alimentaire.
Fraude alimentaire
Il y a fraude alimentaire dès lors que des aliments sont intentionnellement commercialisés avec tromperie du consommateur1. À titre d’exemple récent, on peut citer l’ajout non-déclaré de viande de cheval dans des produits à base de viande de bœuf, l’ajout de mélamine dans du lait et des préparations pour nourrissons, et l’altération de la poudre de chili à l’aide de rouge Soudan. Pourtant, il n’existe à ce jour aucune définition précise de la « fraude alimentaire » dans la réglementation européenne2.
Les programmes habituels de contrôle et de surveillance alimentaires sont mis en œuvre par les autorités nationales de réglementation dans l’ensemble de l’Europe, afin de contrôler les aliments commercialisés et de s’assurer qu’ils sont conformes aux exigences de la législation alimentaire, et peuvent donc être consommés sans danger.
De la viande de cheval dans des produits à base de viande de bœuf
Le 15 janvier 2013, l'autorité irlandaise de sécurité alimentaire (FSAI) a communiqué les résultats d’une étude d’authenticité portant sur des produits à base de viande, lesquels ont révélé la présence d’ADN de cheval dans des steaks hachés de bœuf surgelés vendus dans plusieurs supermarchés irlandais3. Sur les 27 steaks hachés de bœuf surgelés testés, 37% ont révélé la présence d’ADN de cheval. L’un des steaks hachés de bœuf testés contenait 29% de viande de cheval. Pourtant, d’après l’étiquetage de ces steaks hachés, ils contenaient du bœuf, et non de la viande de cheval.
La FSAI a mis à jour ce qui s’est finalement avéré être un problème pan-européen de produits frelatés à base de viande de bœuf dans un grand nombre d’États membres. Ces conclusions ont entrainé de vastes enquêtes ainsi que le rappel de millions de steaks hachés et de plats préparés des rayons des supermarchés de toute l’Europe.
Mesures anti-fraude
L’UE dispose déjà de nombreux contrôles et règlements permettant d’assurer la traçabilité et l’étiquetage des aliments4-5. Toutefois, l’incident de la viande de cheval a jeté un nouvel éclairage sur les pratiques frauduleuses et sur la nécessité de renforcer les contrôles. La Commission européenne (CE) a proposé un plan d’action visant à remédier aux carences identifiées dans la chaine d’approvisionnement alimentaire européenne6. Ce plan d’action a pour objectif de rétablir la confiance des consommateurs et des partenaires commerciaux par le renforcement de plusieurs contrôles visant les pratiques frauduleuses. Ce plan d’action a servi de base à la proposition d’une résolution du Parlement européen sur la crise alimentaire, la fraude dans la chaîne d’approvisionnement alimentaire et son contrôle (2013/2091(INI))2. Le plan d’action de la CE comprend une série de mesures relevant des cinq domaines suivants (certaines de ces mesures ont d’ores et déjà été mises en œuvre ; d’autres devraient l’être d’ici 2014) :
1. Fraude alimentaire
L’objectif est de renforcer la capacité de la CE à lutter contre la fraude alimentaire et par conséquent, à protéger les intérêts des consommateurs. Lorsqu’il a été découvert que des aliments transformés contenaient de la viande de cheval alors que leur étiquetage indiquait une viande d’origine bovine à 100%, les autorités de sécurité alimentaire ont été en mesure d’échanger rapidement des informations par le biais d’une base de données dénommée RASFF (Système d’alerte rapide pour les aliments destinés à l’alimentation humaine et animale) dans l’ensemble de l’Europe7. Suite à cela, les produits frauduleux ont été rapidement identifiés et retirés du marché. La CE envisage d’élargir le domaine d’intervention du RASFF, afin de renforcer la lutte contre la fraude alimentaire en créant un outil informatique dédié qui facilitera et accélèrera les échanges d’informations transfrontaliers sur les violations délibérées des règles en vigueur en matière de sécurité de la chaîne alimentaire6.
2. Programme de tests
i) Tests ADN des produits :
Un programme de tests coordonné à l’échelle européenne a été mené pour la détection d’ADN de viande de cheval8. Ces tests ont été réalisés sur des aliments destinés aux consommateurs finaux et commercialisés comme étant d’origine bovine. Des milliers de tests ADN ont été effectués par les autorités compétentes et par les acteurs de l’industrie alimentaire (producteurs, transformateurs et distributeurs) dans 27 pays de l’UE. Moins de 5% de ces tests ont révélé des traces positives d’ADN de viande de cheval.
ii) Tests de dépistage de résidus de phénylbutazone :
Des tests ont également été réalisés pour rechercher la phénylbutazone dans des carcasses équines8. La phénylbutazone est un anti-inflammatoire utilisé comme analgésique par les vétérinaires. Son utilisation n’est pas autorisée pour les animaux destinés à l’alimentation au sein de l’UE. Les résultats ont fait apparaitre qu’environ 0,5% des carcasses équines testées étaient contaminées par la phénylbutazone.
Dans l’ensemble, la Commission européenne a conclu que « les échantillons ayant obtenu un résultat positif pour l’ADN de viande de cheval associés aux très faibles taux de phénylbutazone détectés ne représentent qu’une petite partie de la production globale de l’UE »8. En outre, une déclaration conjointe publiée par l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA)et l’Agence européenne des médicaments (EMA) le 15 avril 2013 a conclu que les risques associés à la phénylbutazone étaient « peu préoccupants pour les consommateurs »9.
3. Passeports équins
La délivrance de passeports équins, et le contrôle et la réglementation générale des chevaux en Europe sont passés au premier plan suite à l’affaire de fraude alimentaire liée à la viande de cheval. Actuellement, des passeports équins peuvent être délivrés par de nombreux organismes au sein de chaque État membre10; cependant, la CE propose à présent de transférer intégralement la délivrance de ces passeports à l’autorité compétente au sein de chaque État membre, afin de réduire le nombre d’organismes de délivrance des passeports6. De plus, l’enregistrement des passeports équins dans une base de données nationale centralisée sera obligatoire. L’objectif est d’utiliser cette base de données dans les abattoirs afin de vérifier l’authenticité du passeport de chaque cheval et d’enregistrer la date de son abattage. Des modifications législatives ont déjà été proposées11.
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