Comment ne pas se laisser manipuler ?
Un grand nombre de thérapies manuelles, fondées sur des pratiques souvent ésotériques, prétendent traiter ou prévenir à peu près toutes les maladies. Devant cette débauche de techniques racoleuses, il faut savoir garder son esprit critique et ne pas se fier aux effets miraculeux souvent rapportés par la rumeur.
Chiropraxie, étiopathie, kinésiologie, fasciathérapie, fasciapulsologie, shiatsu, réflexologie plantaire... Les thérapies manuelles forment un univers vaste et en perpétuel mouvement. Régulièrement de nouvelles spécialités apparaissent, s'inspirant de techniques ancestrales ou imaginées par un thérapeute plus ou moins isolé, sur les bases de son expérience personnelle. Comment s'y retrouver dans ce foisonnement de noms étranges et, surtout, quelles techniques éviter pour ne pas courir de risque pour sa santé ?
Il n'y a pas de technique universelle
La tâche est relativement simple : doivent être considérés avec la plus grande méfiance tout spécialiste ou toute spécialité qui prétendent soigner les maux les plus divers par un même principe thérapeutique. De nombreuses thérapies manuelles sont à classer dans cette catégorie.
Il en est ainsi, notamment, de l'étiopathie, qui se propose de traiter la cause même de nombreux états pathologiques en s'inspirant des interventions manuelles tirées de "l'art ancestral du reboutement et de la chirurgie non instrumentale". Selon l'Institut français d'étiopathie, ces manipulations "peuvent aider à soulager l'angine de poitrine. Elles permettent de repositionner les utérus déviés, obtiennent de très bons résultats dans 50 à 60 % des cas de sclérose en plaques". Dans les angines elles sont "parfaitement efficaces pour stopper l'infection dans la journée ou, selon les formes, dans les 48 heures". Le risque de rhumatisme articulaire aigu, lié aux angines streptococciques, est bien évoqué, mais aucune allusion n'est faite à la nécessité d'un traitement antibiotique pour prévenir cette complication. De même, l'étiopathie est proposée pour les kystes du sein, sans qu'aucune mention soit faite du risque de cancer.
Aucune étude scientifique n'est jamais venu confirmer de tels "bienfaits"…
Impuissance, stérilité, sinusites...
Créée à la fin du 19e siècle, l'ostéopathie a évolué aux Etats-Unis vers une technique médicale appliquée pour soulager les douleurs d'origine vertébrale. En France, elle est souvent utilisée, comme à ses débuts, pour soigner à peu près tout et n'importe quoi : sinusites, asthme, bronchites, strabisme, certaines impuissances et infécondités, certaines paralysies néonatales... L'exercice de cette profession a été légalisé en France en octobre 2001. Son exercice bénéficie depuis mars 2002 d'un nouveau cadre légal. Pour en savoir plus, découvrez notre article "L'essentiel sur l'ostéopathie".
La kinésiologie est fondée sur la réalisation de tests musculaires pour "dialoguer avec le corps". Le fonctionnement des muscles refléterait l'état des organes et du système nerveux. Grâce à la kinésiologie, le corps indiquerait donc ses besoins et ses faiblesses, et guiderait les interventions nécessaires pour rétablir santé et harmonie.
Cette technique fantasque est proposée notamment dans les domaines de la nutrition, des allergies, des douleurs et des psychothérapies. La kinésiologie éducative, branche de la kinésiologie, "rétablit la communication entre les deux hémisphères cérébraux".
Se libérer par le "toucher intérieur"
La fasciathérapie (méthode Dans Bois), qui s'appuie sur un ensemble de gestes et sur le mouvement, traite les tensions, les blocages et les souffrances du corps. Son auteur la recommande pour les maladies fonctionnelles, les problèmes musculaires et articulaires et la prévention de nombreuses affections : asthme, emphysème, cancers, sclérose en plaques...
La "fasciapulsologie", créée en 1979 par un autre kinésithérapeute français, "libère par le toucher la mémoire traumatique du corps et de l'esprit". Grâce à un "toucher intérieur", le fasciapulsologue détend les tissus et écoute le corps à l'aide de ses mains simplement posées sur la peau. Le thérapeute est ainsi censé suivre les tissus et les vaisseaux et retrouver les tensions physiologiques et psychologiques que l'organisme a subies.
Le shiatsu, massage inspiré par la médecine traditionnelle chinoise, "rééquilibre la circulation énergétique du corps", tandis que la réflexologie plantaire, fondée sur le massage des pieds, met à profit des points d'acupuncture pour traiter migraines, asthme, rhumatismes....
Cette liste de spécialités, dont certains promoteurs adoptent un discours qui n'est pas sans rappeler certaines sectes, est loin d'être exhaustive. Lorsque massages et manipulations douces n'ont pour objectif que d'apporter détente, et bien-être, les risques sont limités, sauf pour le porte-monnaie. Le danger apparaît lorsqu'un thérapeute n'ayant pas de connaissances médicales se propose de prendre en charge des troubles qui nécessiteraient un diagnostic et un traitement précis.
Attention aux manipulations trop poussées
Enfin, l'efficacité des manipulations vertébrales, cervicales en particulier, semble réelle, mais transitoires. Dans certaines cas, des douleurs d'origine rachidienne peuvent entraîner des accidents vasculaires notamment. Ceux-ci sont très rares, mais peuvent être très graves.
Selon les cas publiés, on compterait un accident pour un million de manipulations. Cependant, la fréquence réelle est certainement plus élevée. Sur un groupe de 486 neurologues californiens interrogés par questionnaire, un tiers ont répondu avoir vu dans les deux années précédentes 91 patients ayant eu un accident au décours d'une manipulation chiropractrice, dont 56 accidents vasculaires cérébraux.
C'est une bonne raison pour pas confier son dos à n'importe qui.
- Dr Chantal Guéniot