Alerte sur des médicaments contre la toux détournés en drogue
jeudi 04 décembre 2014
L’agence nationale de sécurité du médicament alerte les professionnels de santé quant à l’usage détourné de certains antitussifs à des fins récréatives. Utilisés par des toxicomanes, ces médicaments à base de dextrométhorphane seraient désormais utilisés comme drogues par des adolescents et des jeunes adultes.
Certains antitussifs seraient détournés de leur usage à des fins de "défonce".
Des antitussifs non dénués d’effets (normalement) indésirables
Face à la toux sèche, les antitussifs opiacés sont des armes efficaces. Dérivés ou apparentés de l'opium, à base de codéine, codéthyline, pholcodine, dextrométhorphane ou noscapine, ils sont très efficaces mais à utiliser avec précaution en raison de leurs multiples effets indésirables (troubles digestifs, somnolence, arrêt respiratoire en cas de surdosage, accoutumance en cas d'utilisation prolongée…). Ils sont ainsi contre-indiqués en cas d'asthme, d'insuffisance respiratoire et dans certaines périodes de la vie : chez l'enfant de moins de 30 mois, pendant la grossesse ou l'allaitement. Ils doivent être administrés avec prudence chez les conducteurs de machine et les personnes âgées. Le dextrométhorphane est formellement contre-indiqué en association avec certains antidépresseurs (IMAO non sélectifs).
Le dextrométhorphane (DXM) est indiqué chez l’enfant et l’adulte dans le traitement de courte durée des toux sèches et d’irritation. Commercialisé dans de nombreuses spécialités, il se présente sous différentes formes (sirop, comprimé, gélule, capsule, pastille et sachet-dose).
Des détournements "toux" azimuts ?
L'utilisation du DXM à des fins "récréatives" ou de "défonce" s’est développée ces dernières années en France chez certains polytoxicomanes, mais aussi chez des sujets jeunes sans antécédent connu de toxicomanie. Déjà observé depuis plusieurs années outre-Atlantique et dans d’autres pays européens, cette tendance a entraîné l’ouverture d’une enquête d’addictovigilance en 2012.
Entre 2003 et 2008, 12 cas d’usage détourné ont été signalés, dont un décès, avec une moyenne d’âge de 30,5 ans (11-36 ans). Entre 2009 et 2013, 39 cas ont été signalés, avec une moyenne d’âge de 21,4 ans (11-49 ans). Dans quelques cas, cependant assez rares, l’usage abusif et détourné de ce médicament a conduit à une hospitalisation.
Au-delà de cette augmentation et de ce rajeunissement des cas, l’ANSM a également reçu plusieurs signalements de pharmaciens rapportant des demandes récurrentes de dextrométhorphane par des adolescents, le plus souvent sous forme de comprimés ou de capsules. Face à l’augmentation des cas d’usage détourné rapportés par le réseau d’addictovigilance, l’Agence a attiré l’attention des médecins et des pharmaciens au printemps 2012 sur ce nouveau phénomène chez les jeunes.
Dis Fiston, pourquoi tu tousses ?
Face à l’augmentation du nombre d’abus, une nouvelle information a été diffusée en septembre 2014 à plus de professionnels de santé. "Une mise en garde a ainsi été adressée par l’agence aux pharmaciens, médecins généralistes, addictologues, pédiatres, médecins exerçant en milieu scolaire, en planning familial et en PMI, ainsi qu’aux professionnels exerçant dans les associations de prévention de drogues pour les jeunes" précise le communiqué de l’ANSM.
Il est ainsi demandé à ces professionnels de santé d’être particulièrement vigilants face à toute demande de dextrométhorphane qui leur semblerait suspecte et émanant en particulier de jeunes adultes ou d’adolescents ; et de s’assurer que les patients n’ont pas d’antécédents d’abus, de dépendance ou de comportement qui pourrait supposer un usage détourné lors de la prescription ou de la délivrance de ces spécialités. En cas de doute, le professionnel de santé devra prescrire ou délivrer un autre antitussif ou ne délivrer, pour les pharmaciens, qu’une seule boîte à la fois.
De la même manière, il est également demandé aux professionnels accueillant des jeunes dans des structures de prévention des drogues d’être vigilants face à toute constatation de consommation de dextrométhorphane paraissant suspecte.
Enfin, l’ANSM a demandé aux laboratoires commercialisant ces médicaments de mettre en place un "plan commun de minimisation des risques développé sous l’égide de l’Afipa" (un regroupement des laboratoires investis dans l’automédication).
David Bême
Source : Communiqué de l’ANSM – 26 novembre 2014
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