• Pourquoi et comment le diabète favorise les plaies des pieds

    Pourquoi et comment le diabète
    favorise les plaies des pieds


    Le pied du diabétique est fragilisé par deux grandes causes : l'atteinte des artères et l'atteinte des nerfs. Ces deux atteintes sont pratiquement toujours associées à des degrés divers selon l'âge et le type de diabète, mais pour plus de clarté nous les envisagerons séparément.


    L'atteinte des artères

    L'atteinte peut porter sur les grosses et petites artères (macroangiopathie) ou sur les toutes petites artères (microangiopathie).

    Le mécanisme de l'atteinte des grosses et petites artères n'est pas différent de celui qui touche les personnes non diabétiques (athérosclérose). Cette atteinte, appelée «artérite», est essentiellement favorisée par le tabac, le cholestérol et l'absence d'activité physique.

    Au niveau des jambes, elle entraîne des douleurs musculaires, surtout dans les mollets, après une certaine distance de marche, obligeant à s'arrêter. Après quelques minutes d'arrêt, la douleur disparaît, puis réapparaît après la même distance de marche. Plus la distance de marche est réduite, plus l'atteinte des artères est importante.

    Par contre, l'atteinte des toutes petites artères est directement liée au diabète. C'est elle qui entraîne une atteinte des petites artères des reins (néphropathie), de la rétine (rétinopathie) et de la peau.

    Au niveau des pieds, cette atteinte des artères entraîne une circulation sanguine qui se fait mal avec pour conséquence un moindre apport en oxygène et en nutriments. Elle se traduit par :

    • Une peau lisse, fine, brillante, sèche, froide.
    • Un ralentissement du renouvellement normal de la peau avec aux endroits de pression une peau vieillie plus épaisse, qui s'écaille, avec parfois des fissures (les fissures sont dues au fait que cette peau vieillie se renouvelle mal et est moins souple).
    • Une disparition des poils du dos du pied.
    • Le tissu sous-cutané (entre la peau et les muscles) est aminci sur le dos du pied et souvent à la plante du pied (les os du pied se palpent facilement à la plante du pied et reposent presque directement sur la peau).
    • Lorsque le pied a été surélevé pendant un moment, et qu'il est ensuite abaissé, il se recolore de façon plus lente que normalement, et lorsque le pied est ensuite laissé pendant, on peut observer une rougeur violacée anormale des orteils et du pied.
    • Pour étudier l'état des artères, le médecin examine également l'état des pouls au niveau des pieds.

    Si l'atteinte artérielle est importante, le pied peut être violacé, froid et douloureux dans son ensemble même s'il n'y a pas de plaie.

    Lorsqu'il y a une plaie, elle est souvent plus douloureuse qu'une plaie «normale», et cette plaie est habituellement sèche et sans suintement. Les fissures sous le talon peuvent être également très douloureuses.

    Lorsqu'il y a une gangrène, elle est en général limitée à l'extrémité d'un orteil, ou circulaire et limitée à une partie du talon par exemple.


    En résumé

     

    L'atteinte des artères peut associer :
     

    une atrophie de la peau, qui est mince, sèche, dépilée, écailleuse avec des fissures au talon,
    des pieds froids et violacés,
    des douleurs à l'ensemble du pied,
    et des plaies pouvant être très douloureuses.

    L'examen clinique permet souvent d'avoir une bonne appréciation de l'atteinte artérielle causée aux pieds par le diabète, mais dans certains cas le médecin peut également demander des examens complémentaires tels qu'un doppler ou une artériographie.


    L'atteinte des nerfs

    Le diabète peut atteindre les différentes sortes de nerfs des pieds : les nerfs de la sensibilité, les nerfs moteurs qui commandent les muscles, les nerfs qui commandent le diamètre des vaisseaux, et les nerfs qui commandent la transpiration.

    Atteinte des nerfs de la sensibilité

    Il n'y a pas une sensibilité, mais plusieurs sensibilités : sensibilité au chaud et au froid, sensibilité au toucher, sensibilité profonde (ce qui est perçu «par l'intérieur» sans faire intervenir la vue ou le toucher) et sensibilité à la douleur.


    Sensibilité au chaud et au froid

    La diminution de la perception du chaud au niveau des pieds est souvent l'atteinte nerveuse la plus précoce, puis apparaît également une diminution de la perception du froid.

    Habituellement, le diabétique ne s'en rend pas compte spontanément. Il remarque parfois simplement que le carrelage de sa salle de bain n'est pas aussi froid qu'auparavant lorsqu'il y marche pieds nus, et assez souvent, surtout en été, les femmes diabétiques ont tendance à marcher pieds nus sur le carrelage de leur cuisine, «pour mieux sentir le sol».

    La diminution de cette sensibilité peut conduire :

    • à une plaie, par traumatisme contre un objet ou présence sur le sol d'un «petit caillou», si le diabétique marche pieds nus «pour mieux sentir le sol»,
    • à une brûlure, par contact avec une source de chaleur qui a été mal évaluée : bains de pieds dans de l'eau brûlante, utilisation «pour se réchauffer les pieds» d'une bouillotte, d'une chaufferette ou d'un radiateur, dont la température excessive n'a pas été perçue en raison de la diminution de la sensibilité au chaud,
    • s'il y a une atteinte des artères, à une gangrène même si la source de chaleur n'est trop élevée que de quelques degrés et n'est pas suffisante pour entraîner une brûlure (l'augmentation de la température dans le pied conduit à une augmentation des besoins en oxygène qui ne peut pas être compensée par une augmentation du débit sanguin, ce qui entraîne une souffrance cellulaire puis une gangrène, sans que la peau ait été brûlée par la source de chaleur).

    Pour étudier la sensibilité au chaud et au froid, le médecin effectue une comparaison entre les pieds et les mains avec des petits tubes en verre : l'un rempli d'eau chaude et l'autre rempli d'eau froide.


    Sensibilité au toucher

    L'atteinte de la sensibilité au toucher apparaît habituellement lorsque la sensibilité au chaud et au froid est déjà diminuée.

    Elle entraîne une insensibilité des pieds au contact avec le sol ou la semelle des chaussures («impression de marcher comme sur un tapis»).

    Les conséquences que peut entraîner cette insensibilité sont beaucoup plus nombreuses que la diminution de la sensibilité au chaud et au froid : le diabétique ne perçoit plus la présence d'un petit caillou dans sa chaussure, une craquelure dans la semelle de sa chaussure, le frottement du cuir sur la peau, le laçage trop serré de ses chaussures...

    Autrement dit, le diabétique n'est plus aussi bien renseigné qu'auparavant sur les agressions dont sont quotidiennement victimes les pieds.

    On peut tester soi-même la sensibilité au toucher de ses pieds en utilisant une boule de coton d'environ 3 cm de diamètre (genre boule de coton à démaquiller). On effleure la surface du pied (plante, face dorsale des orteils, et bords du pied) à la recherche d'endroits où l'effleurement par le coton n'est pas perçu.

    Pour étudier la sensibilité au toucher, le médecin peut effectuer différents tests :
    • Test de la boule de coton (voir ci-dessus).
    • Différenciation par la plante du pied entre un objet pointu et d'un objet non pointu.
    • Comparaison des perceptions entre la plante du pied et la paume des mains.


    Sensibilité profonde

    Il existe également dans le corps une sensibilité profonde qui fournit au cerveau des informations sans faire intervenir la vue, le toucher, le chaud, le froid ou la douleur.

    Cette sensibilité profonde permet, entre autres, de renseigner le cerveau sur la position des membres, des pieds et des orteils, sans avoir à les regarder, et de percevoir les vibrations et les pressions.

    Au niveau des pieds, la perception des pressions est particulièrement utile car elle permet de renseigner le cerveau sur la façon dont le poids du corps est réparti sur la plante des pieds, et si le poids du corps est mal réparti, ou est réparti sur une petite surface, il y a mise en jeu automatique des muscles du pied de manière à répartir le poids du corps de la façon la plus uniforme possible pour limiter la pression par cm2. Et en position debout, même la plus immobile possible, il y a mise en jeu automatique des muscles du pied pour modifier les points de pression.

    Par contre, chez le diabétique dont la sensibilité profonde est diminuée, le poids du corps aura tendance à porter toujours sur les mêmes points d'appui, ce qui entraîne une modification de la répartition des points d'appui sur le sol avec une pression par cm2 plus importante que la normale, ce qui conduit à une compression excessive de la peau située entre les os du pied et le sol, et à l'apparition d'une callosité.

    Pour étudier la sensibilité profonde, le médecin peut effectuer :
    • une étude de la sensibilité aux vibrations (le diabétique doit dire s'il perçoit ou ne perçoit pas les vibrations d'un diapason posé sur les orteils, les chevilles, les genoux et les articulations des mains),
    • une étude du sens de position des orteils (le diabétique doit dire, sans regarder ses pieds, dans quelle position se trouve un orteil qui est mobilisé par le médecin),
    • une étude de la sensibilité à la pression cutanée au moyen d'un monofilament calibré semblable à celui du fil de nylon des lignes de pêche (l'extrémité du filament est appliquée sur la peau de façon à ce que le filament se courbe, ce qui assure une pression déterminée sur une surface correspondant à la section du filament, et le diabétique doit dire, sans regarder ses pieds, si et quand le filament est appliqué).

    Lorsqu'il y a une atteinte importante de la sensibilité profonde, il y a un risque élevé de faire une complication qui s'appelle mal perforant.


    Sensibilité à la douleur

    L'atteinte de cette sensibilité entraîne une diminution de la perception de la douleur provoquée par une cause externe. Par exemple, un choc sur le pied, une plaie ou une chaleur excessive, entraînent moins de douleurs que lorsque les nerfs de la douleur fonctionnaient normalement.

    Au premier abord, ceci pourrait être considéré comme une bonne chose, mais cela a en fait un énorme inconvénient car une plaie peut ainsi apparaître et s'étendre sans que le diabétique n'en perçoive la gravité du fait du peu de douleurs, ou de l'absence de douleurs.

    De nombreux diabétiques ont ainsi eu la surprise de constater des plaies en enlevant leurs chaussures en fin de journée, alors qu'ils ne s'étaient doutés de rien pendant cette journée.

    C'est aussi la raison pour laquelle de nombreuses plaies des pieds sont montrées tardivement à un médecin, parce que jusque-là elles n'étaient pas ou peu douloureuses. La remarque «ça ne me faisait pas mal, alors je pensais que ça n'était pas grave» est malheureusement très fréquente.

    L'étude de la sensibilité douloureuse est plus difficile à étudier par le médecin que les autres sensibilités. Le test le plus simple et le plus fiable semble être le pincement du tendon d'Achille, ou du mollet, entre le pouce et l'index.

    Remarque : L'atteinte des nerfs peut également provoquer des crampes ou des douleurs, et il peut y avoir association :
    • d'une insensibilité des pieds à la douleur de cause externe (on ne sent pas une douleur que devrait provoquer une cause externe, comme un petit caillou dans la chaussure par exemple)
    • et de douleurs dans le pied ou le mollet (on ressent une douleur alors qu'il n'y a pas de cause externe visible qui pourrait en être responsable).


    Atteinte des nerfs qui commandent les muscles des pieds

    Lorsque les nerfs qui commandent les muscles des pieds sont atteints, cela n'entraîne pas de paralysie, mais simplement un moins bon fonctionnement de ces muscles, qui a pour conséquence :
    • une déformation des orteils, «en marteau», «en griffe»...
    • un affaissement des arcades plantaires et une modification de la répartition des points d'appui du pied sur le sol.

    Le poids du corps n'appuie plus uniformément sur la plante du pied. Il est reporté de manière élective sur les têtes des métatarsiens, c'est-à-dire aux extrémités des os auxquels sont articulés les orteils (partie de l'avant du pied qui repose sur le sol lorsqu'on lève les orteils) :
    • si le pied est devenu creux, le poids du corps appuie surtout sur la tête des 2° et 3° métatarsiens, ainsi que sur la partie postérieure du talon et sur la pulpe des orteils,
    • si le pied est devenu plat, le poids du corps appuie surtout sur la tête du 1° métatarsien.



    La conséquence de ces modifications de la plante du pied est que le poids du corps porte toujours sur les mêmes points d'appui, ce qui conduit à une compression excessive de la peau située entre les os du pied et le sol.


    Atteinte des nerfs qui commandent le diamètre des vaisseaux

    Au niveau de la peau, comme dans tout l'organisme, les petites artères se divisent en capillaires qui permettent d'apporter de l'oxygène et des nutriments aux cellules, et d'emporter le gaz carbonique et les déchets du fonctionnement des cellules.

    Ces capillaires se réunissent ensuite pour former les veines.

    Entre la fin des artères et le départ des veines se trouvent donc les capillaires, mais aussi des petits vaisseaux appelés «shunts artérioveineux» ou communications artérioveineuses.

    Normalement, ces shunts sont presque fermés et très peu de sang y circule. Par contre, en cas de besoin, activité physique par exemple, ces shunts peuvent s'ouvrir de manière à réduire la circulation du sang dans la peau afin de favoriser l'apport du sang vers les muscles. Il s'agit en quelque sorte de «canaux de dérivation» permettant, quand cela est utile, de détourner le sang d'une région vers une autre qui en a davantage besoin.

    Les artères et les shunts artérioveineux possèdent des nerfs dont le rôle est de commander leur diamètre :
    • Lorsque ces nerfs fonctionnent normalement, les artères sont à environ la moitié de leur diamètre et les shunts artérioveineux sont fermés.
    • Lorsque ces nerfs ne fonctionnent pas normalement, les artères sont au maximum de leur dilatation, et les communications artérioveineuses sont ouvertes, ce qui entraîne un débit sanguin plus important dans l'artère, la communication artérioveineuse et la veine, et un débit sanguin diminué dans les capillaires.



    Cette atteinte a deux conséquences :
    • La diminution du débit sanguin dans les capillaires réduit l'apport en oxygène et en nutriments destiné à la peau, et évacue moins le gaz carbonique et les déchets du fonctionnement des cellules, ce qui conduit à une peau plus fragile.
    • L'augmentation du débit sanguin en amont des capillaires ne peut pas passer par les muscles car ils sont au repos. Ceci a pour conséquence, d'une part l'apparition d'un oedème, et d'autre part une augmentation du débit sanguin dans les os, ce qui entraîne leur fragilisation : ils deviennent plus clairs à la radiographie, et des traumatismes sans conséquence chez les non diabétiques peuvent conduire à des tassements et à des déformations osseuses puis articulaires, qui aboutissent à des anomalies de la surface d'appui du pied sur le sol.


    Atteinte des nerfs qui commandent la transpiration

    La neuropathie diabétique peut entraîner une diminution de la sécrétion sudorale normale des pieds.

    Cette diminution de la transpiration des pieds n'est pas perçue comme gênante (elle est même parfois accueillie comme bénéfique), mais elle a pour conséquence une peau plus sèche, qui devient moins souple, qui s'écaille, et à la longue aboutit à la formation de fissures qui peuvent être le point de départ d'une infection sous la peau.


    En résumé

     

    L'atteinte des nerfs peut associer :
     

    des pieds qui deviennent moins sensibles pour le toucher, pour la chaleur, pour le froid et pour la douleur de cause externe,
    des crampes ou des douleurs, sans cause externe visible qui pourrait en être responsable,
    une peau chaude et d'épaisseur normale, qui est soit moite et souple (cas le plus fréquent), soit sèche et écailleuse (selon qu'il y a ou non une atteinte des nerfs de la transpiration),
    une modification des points d'appui du pied sur le sol, et des orteils déformés (sans douleurs),
    des os du pied plus fragiles avec tassements et déformations (sans douleurs).

    Il est important de souligner que, contrairement à l'atteinte des artères qui entraîne l'apparition de quelque chose (modification de l'aspect des pieds et douleurs), l'atteinte des nerfs n'entraîne pas l'apparition de quelque chose, mais entraîne la disparition de quelque chose (diminution des sensibilités et de la perception de la douleur), ce qui ne conduit donc malheureusement que rarement à la consultation d'un médecin pour ce motif.

    L'examen clinique des différentes sensibilités du pied permet le plus souvent d'avoir une bonne appréciation de l'atteinte neurologique causée aux pieds par le diabète, mais dans certains cas le médecin peut également demander des examens complémentaires tels qu'une étude des vitesses de conduction et un électromyogramme.


    Synthèse

    Le pied du diabétique est fragilisé par deux grandes causes : l'atteinte des artères et l'atteinte des nerfs qui sont associées à des degrés divers.

    L'infection peut venir compliquer ces deux atteintes, mais elle est plus fréquemment retrouvée sur les plaies liées à une atteinte des nerfs, car celle-ci lui permet de se développer sans douleurs.

    Mais il est très important de souligner que dans plus de la moitié des cas, ces trois facteurs n'aboutissent à des plaies des pieds que par l'entremise de facteurs déclenchants, qu'il est indispensable de bien connaître si on veut éviter les plaies des pieds.


    http://www.diabsurf.com/diabete/FDCCT.php

    « Diabète : 7 propositions pour enrayer l'épidémiePose de la 1ère valve aortique sans suture »
    Partager via Gmail Yahoo! Google Bookmarks