22 N°51/2 - Mars/Avril 2008
Les
Nouveaux traitements du diabète du type 2
Contexte
Le diabète de type 2 connaît une évolution épidémique vraiment effrayante ces dernières années. On estime ainsi qu’un petit enfant sur
cinq qui naît actuellement aux Etats-Unis deviendra diabétique à un moment ou l’autre de sa vie si rien ne change dans notre mode de vie. Longévité, sédentarité, opulence alimentaire sont les
raisons principales de cette évolution.
Au fond l’être humain a été conçu pour vivre deux à trois dizaines d’années seulement
dans la disette et l’insécurité alimentaire (comme les boshimans).
Il ne faut pas regretter ce mode de vie traditionnel : les membres des peuplades traditionnelles sont fauchés tôt par les infections,
la disette ou les accidents; ainsi un chasseur/cueilleur traditionnel qui se foule la cheville et ne peut plus suivre le groupe a toutes les chances de succomber.
Le diabète n’est ainsi pas une peste qui vient de l’extérieur mais la rançon de nos progrès rapides en termes de conditions de vie,
progrès bénéfiques mais auxquels notre matériel génétique n’a pas eu le temps de s’adapter.
Traitements classiques
Les traitements classiques du diabète de type 2 reposent avant tout sur le régime et l’activité physique. Est-il besoin de dire ici
combien malgré leurs principes simples ces mesures sont extrêmement difficiles à implémenter dans notre société actuelle ?
Tout est fait pour encourager la productivité, la rapidité basée sur les aides mécaniques, le stress et limiter le temps dévolu aux
activités physiques. Tout nous encourage à manger davantage d’aliments disponibles à profusion et souvent tout préparés mais extrêmement mal conçus sur le plan diététique.
Pourtant il faut continuer à se battre et le conseil diététique de l’ABD mène je trouve une admirable croisade en nous soumettant dans
chaque numéro de la revue des conseils détaillés et judicieux en même temps que des recettes attrayantes et saines.
Si l’avenir de l’être humain occidental est de se tourner vers les repas préparés, une exigence minimale serait que ces repas soient
diététiquement sains.
Les médicaments viennent ensuite.
Je vous renvoie à l’article de Mme Lernould sur les traitements antidiabétiques oraux du numéro 46/4 de 2003 déjà.
Les Incrétines Mises
en Perspective
La base, c’est la metformine (glucophage, metformax, metformine,etc…) On le confirme de plus en plus.
En attente de nouvelles molécules insulino-sensibilisantes, la metformine est le médicament de base. Ne causant pas d’hypoglycémies,
favorisant parfois la perte de poids, réduisant peut-être les complications cardio-vasculaires, c’est le traitement le plus logique du diabète de type 2, pathologie de la résistance à l’insuline
et souvent du surpoids.
Malheureusement, la metformine est contre-indiquée chez les insuffisants
rénaux, cardiaques ou respiratoires, et parfois mal tolérée sur le plan digestif, ce qui prive beaucoup de patients de ses bienfaits. Les autres insulino–sensibilisants, les thiazolidines diones (avandia, actos) n’ont pas tenu leurs promesses : ils font prendre du
poids, certains favorisent les problèmes cardiaques et finalement ils ne parviennent pas vraiment à démontrer de façon convaincante une prévention cardiovasculaire efficace ou un arrêt de la
progression inéluctable de l’hyperglycémie du diabète de type 2. Certains patients sélectionnés cependant ne répondent pas bien aux autres traitements oraux et de manière particulièrement
démonstrative aux thiazolidines diones mais on ne sait pas encore pourquoi ni comment les sélectionner (sauf en essayant). La place des thiazolidines diones se
réduira probablement à cette niche limitée.
Les médicaments stimulant la sécrétion d’insuline (les sulfamidés
et les glinides, bevoren, daonil, euglucon, diamicron, gliclazide, unidiamicron, amarylle, glimépiride, glibenèse, minidiab, glurénorm, novonorm, etc…) ont évolué. Des vieux sulfamidés, puissants mais aussi très dépendants de la fonction rénale, nécessitant des prises multiples, on a évolué vers des médicaments plus doux et moins
dépendants de la fonction rénale d’une part et vers des médicaments puissants à l’action soutenue et plus étale d’autre part. Les anciens sulfamidés n’ont plus
du tout leur place en raison de leur risque majeur d’hypoglycémie (nous semble-t-il).
En fonction du type de diabète, on introduira tôt un sulfamidé doux ou on passera
en cas d’échec à un sulfamidé puissant mais à action répartie sur l’ensemble de la journée. Malgré tout la principale
limitation des médicaments stimulant la sécrétion d’insuline est le risque d’hypoglycémie (surtout en début de diabète) ou l’échappement à leur efficacité (patients diabétiques de type 2 de
plusieurs années d’évolution). C’est un problème si on veut viser des hémoglobines glycquées (paramètre qui reflète l’équilibre moyen du diabète sur six à huit semaines) inférieures à 7% le plus
longtemps possible au début de la maladie (c’est la recommandation actuelle, le non diabétique est en dessous de 6%). Les sulfamidés peuvent être trop hypoglycémiants là où les
insulino-sensibilisants ne suffisent plus tout à fait. Les sulfamidés ont également plutôt tendance à favoriser une prise de poids. Légende de la Figure 1
VOIR LES NOUVEAUX TRAITEMENTS DU DIABETE TYPE
SUR wwwdiabete-abd.be
l’alimentation entraîne la sécrétion par
le tube digestif
des incrétines GLP-1 et GIP, qui, si elles ne sont pas rapidement dégradées
par
l’enzyme DPP-IV, vont stimuler de manière gluco-dépendante la sécrétion
d’insuline
et inhiber de manière gluco-dépendante la sécrétion du glucagon, résultant
en
une utilisation accrue de glucose par les muscles et en une moindre production
de
glucose par le foie, donc en une réduction de la glycémie. (Figure adaptée avec
la
permission de Merck, Sharp and Dohme, Belgium).
L’acarbose (glucobay), qui ralentit la digestion des sucres, est un antidiabétique
original, doux, sûr et très utile au début de la maladie ou adjonction à un traitement par les molécules précédemment décrites. De manière scientifiquement injustifiée, l’acarbose est toujours
écarté du remboursement par l’INAMI en Belgique contrairement aux autres antidiabétiques oraux. Nous ne pouvons que déplorer la manière obscure et parfois partisane dont quelques-uns manipulent
en notre pays les clés du remboursement de médicaments qui pourraient être utiles à de si nombreux concitoyens.
Pourquoi un antidiabétique oral qui a tant d’avantages et est si prescrit ailleurs est-il rejeté dans notre petit petit pays ? Parce
que l’un ou l’autre membre non diabétologue de la commission des médicaments a estimé en son temps que ce médicament ne faisait qu’aider les diabétiques à ne pas suivre leur régime, m’a-t-il été
rapporté. Quelle conception rétrograde et fausse du diabète et de son traitement !
Il existe sur le marché quelques associations de plusieurs antidiabétiques oraux mais elles ont peu d’intérêt. Le glucovance combine ainsi la metformine et un sulfamidé, le
glibenclamide, mais le glibenclamide est un vieux sulfamidé à haut risque
d’hypoglycémie.
L’avandamet combine la metformine à une glitazone, l’avandia, mais des deux glitazones présentes en Belgique, c’est la plus décriée en raison de son risque cardiovasculaire.
L’insuline enfin sous ses multiples formes (injections vespérales d’insuline standard ou d’analogue, injections deux fois par jour
d’insulines pré-mélangées, injections trois/quatre ou multiples d’insulines rapides ou analogues) prend jusqu’ici le relais quand les modalités précédentes ne suffisent plus. Deux problèmes
principaux avec l’introduction de l’insuline : le risque là aussi d’hypoglycémie et puis le risque de prise de poids dès que l’apport alimentaire est excédentaire même de façon minime. L’insuline
n’apporte pas de calories : il faut arrêter de dire qu’elle fait grossir. Mais l’insuline règle l’hyperglycémie en favorisant l’utilisation du sucre : combustion si on est physiquement actif,
mise en réserve dans le cas contraire.
Donc l’insuline met le sujet dans une situation plus à risque de prendre du poids si le régime n’est pas strict, même si à nouveau
cette injection n’apporte pas en soi de calories!
Les
incrétines.
Que sont donc les incrétines ? Ce concept a été forgé sur une vieille observation de physiologie. Une épreuve d’hyperglycémie
provoquée par voie orale stimule la sécrétion
d’insuline. Parce qu’elle augmente la glycémie ? Oui mais pas seulement.
En effet la reproduction par voie intraveineuse de la même augmentation des glycémies stimule moitié moins la sécrétion
d’insuline.
Il y a donc des facteurs au niveau digestif qui amplifient la stimulation de la sécrétion d’insuline par l’hyperglycémie. Les
principaux de ces facteurs ont été identifiés.
Il s’agit d’hormones produites par l’intestin qui régulent l’activité du tube digestif, stimulent la sécrétion d’insuline et inhibent
la sécrétion du peptide antagoniste de l’insuline, le glucagon (dont l’action principale est de faire produire du glucose par le foie). Il y a plusieurs incrétines : la plus relevante semble à
l’heure actuelle le GLP-1 (glucagon-like peptide 1, génétiquement apparenté au glucagon mais dont l’action est radicalement
différente). A l’heure actuelle, deux voies thérapeutiques nouvelles sont proposées pour exploiter ce mécanisme régulateur de la glycémie : l’inhibition de la DPPIV qui est le mécanisme d’inactivation du GLP-1 et l’injection d’analogues du GLP-1.
Les inhibiteurs DPP-IV : à l’heure actuelle un seul produit est commercialisé en Belgique depuis quelques semaines (il l’est aux USA
depuis un peu plus d’un an). La sitagliptine ou Januvia inhibe l’enzyme responsable de la dégradation des principales incrétines (figure 1). Ce produit augmente
donc la concentration des incrétines dans le sang après un repas, et favorise ainsi la stimulation par les incrétines de la sécrétion d’insuline (hypoglycémiante), ainsi que l’inhibition par les
incrétines de la sécrétion de glucagon (hyperglycémiant).
Résultat : un meilleur contrôle de l’augmentation de la glycémie après un repas avec, c’est intéressant, un effet qui s’émousse dès
que la glycémie rejoint la normale (donc un risque minime d’hypoglycémie) et un effet neutre sur le poids (à l’opposé des sulfamidés stimulants de la sécrétion d’insuline qui causent
hypoglycémies et prise de poids). La sitagliptine est donc recommandée après que les mesures hygiéno-diététiques et la metformine aient laissé échapper
l’hémoglobine glycquée au-delà de 7%. La sitagliptine est généralement bien tolérée mais des intolérances sont connues. Elle est remboursée depuis peu en
Belgique (avec des modalités kafkaïennes, votre médecin vous expliquera).
Les analogues du GLP-1 : l’exénatide (Byetta) est
un analogue injectable du GLP-1, dont la structure est basée sur une protéine salivaire d’un lézard (beaucoup de venins animaux contiennent ainsi des molécules qui agissent sur de
puissants mécanismes physiologiques).
L’exénatide a la particularité de résister à la dégradation par la
DPPIV.
Il peut donc être administré chez l’homme pour mimer les effets du GLP-1 (qui lui est presque immédiatement dégradé donc peu
pratique).
L’exénatide doit être injecté en sous cutané deux fois par jour (mais des formes retard sont à l’étude). Il stimule la sécrétion
d’insuline, inhibe la sécrétion de glucagon et bloque aussi l’appétit (parce qu’il est injecté à hautes doses). Ceci lui permet de réduire le poids ! Par contre, revers de la médaille, il induit
fréquemment des nausées (surtout en début de traitement : on commencera par une dose limitée… et surtout si le régime n’est pas bien suivi : une motivation supplémentaire à surveiller la
diététique !). L’exénatide est proposé plus tard dans l’évolution de la maladie diabétique : lorsque l’association de metformine et de médicaments insulino-stimulants ne suffit plus à maintenir
les hémoglobines glycquées en dessous de 7,5%, et avant d’envisager l’insuline.
En soi l’exénatide cause peu d’hypoglycémies mais bien entendu il est associé à des traitements hypoglycémiants stimulant la sécrétion
d’insuline dont il peut potentialiser le risque hypoglycémique. Ici aussi le médicament est remboursé sur accord du médecin conseil seulement.
En
conclusion, que retenir ?
Le diabète de type 2 est une maladie difficile à traiter et surtout une maladie évolutive dont le traitement doit progressivement
s’adapter. A l’arsenal classique, nous avons la
chance de voir s’ajouter en ce début d’année deux médications novatrices issues de la recherche sur les incrétines, ces hormones
issues du tube digestif qui stimulent la sécrétion d’insuline, inhibent celle du glucagon (le tout de manière glucodépendante)
et à hautes doses réduisent l’appétit et stimulent le tube digestif.
La sitagliptine nous permet de traiter précocément les patients qui ne répondent plus parfaitement aux mesures hygiéno-diététiques et
à la metformine. Contrairement aux sulfamidés, elle est neutre sur le poids et ne cause pas d’hypoglycémie.
Quand l’association metforminesulfamidés ne suffit plus, l’exénatide nous offre une alternative
intéressante à l’insuline car il cause peu d’hypoglycémies et favorise une perte de poids. Mais il doit être injecté et cause facilement des nausées.
Ces nouvelles médications vont dans le sens général actuel de la réflexion diabétologique : traiter tôt le mieux possible, passer vite
aux traitements suivants dans l’échelle thérapeutique du diabète de type 2… tout ceci pour gagner du temps sur la dégradation inexorable de l’équilibre glycémique et prévenir le plus possible les
complications futures de cette redoutable maladie.
Références
Selvais Ph L et Lernould Fr. Les antidiabétiques oraux: que devez vous savoir?
Revue de l’ABD 2003 ; 46/4 : 20-22
Selvais Ph. L. Le glucagon : une autre hormone bien utile à connaître.
Revue e l’ABD
2006 ; 49/1 : 23-24
Philippe L Selvais Hornu-Bruxelles
www.diabete-abd.be