• Le diabète en gynécologie hospitalière

    Le diabète en gynécologie hospitalière

    J. Karsegard, J. Philippe
    Unité de diabétologie clinique
    Département de médecine interne - HUG

    Introduction

    Pour un gynécologue hospitalier, l'abord de la patiente diabétique s'inscrit essentiellement dans 4 situations cliniques fréquentes:

    • la prise en charge lors d'une hospitalisation pour une intervention chirurgicale
    • l'évaluation pré-conceptionnelle
    • la prescription d'une contraception
    • la prescription d'une substitution hormonale

    Les situations obstétricales ne seront pas abordées. Le but de cette revue est de donner une information pratique et de consultation rapide. Elle n'est en aucun cas exhaustive, et traduit l'attitude de l'Unité de diabétologie de Genève, dont l'avis devra être demandé pour l'application de ces concepts généraux aux cas particuliers que représentent certaines, voire la plupart, des patientes.

    Diabète et chirurgie

    Il est bien reconnu que la patiente diabétique présente souvent un risque anesthésique et chirurgical élevé. Ceci tient essentiellement à une prévalence plus élevée de maladies cardio-vasculaires, d'insuffisance rénale, de rétinopathie et de neuropathie, en particulier autonome, dans cette population par rapport à une population non-diabétique du même âge. La prise en considération de ces éléments est essentielle pour minimiser les risques et optimaliser la prise en charge durant l'hospitalisation.

    On peut séparer l'hospitalisation en 4 phases marquées par des objectifs différents:

    1. La phase pré-opératoire: effectuer un bilan complet
    2. La phase péri-opératoire: gérer le diabète
    3. La phase post-opératoire: reprise du traitement habituel
    4. La phase de convalescence: évaluer les besoins d'enseignement (soit avant le retour à domicile, soit ambulatoirement).

    Evaluation pré-opératoire

    Elle a pour but de rechercher et de traiter les pathologies augmentant la morbidité et la mortalité anesthésiques et chirurgicales des diabétiques.

    Quelles informations doit-on obtenir ?

    1. Le type de diabète est important à connaître.

    Un diabète de type I est insulino-dépendant, ce qui signifie que l'insuline ne doit jamais être stoppée. Généralement plus instable que le type II, il rend la prise en charge plus difficile, surtout en période de stress opératoire, d'état catabolique, de problèmes dans la prise alimentaire, etc.

    La prise en charge d'un diabète de type II insulinotraité est similaire à celle du diabète de type I, bien que généralement plus simple en raison de la persistance d'une sécrétion d'insuline endogène. Les problèmes rencontrés proviennent le plus souvent des complications associées, car le fait d'être traité par insuline témoigne souvent d'une longue évolution du diabète (avec évolution progressive vers une insulinopénie), parfois d'un excès de poids important (rendant le traitement par ADO insuffisant pour contrôler les glycémies) ou de la présence de complications sévères, en particulier sur le plan rénal (contre-indication à un traitement oral). La gestion péri-opératoire se fera par un traitement intra-veineux dans la majorité des cas.

    Un diabète de type II bien contrôlé sous ADO ou régime seul peut se déséquilibrer en période péri-opératoire, mais représente un diabète généralement stable et facile à régler.

    2. La durée d'évolution du diabète permet de suspecter certaines caractéristiques cliniques du diabète:

    Les complications chroniques augmentent en fréquence avec la durée d'évolution: il faut les rechercher avec d'autant plus d'attention qu'elles sont la cause de l'augmentation de la morbidité et de la mortalité péri-opératoires.

    L'équilibration du diabète devient souvent plus difficile après une longue évolution, ce qui rend le risque de déséquilibre péri-opératoire plus grand.

    3. Evaluation de l'équilibre chronique du diabète:

    Elle est évidemment capitale pour juger de l'opérabilité de la patiente! En effet, un diabète mal contrôlé représente déjà un état catabolique, auquel va se superposer l'état de jeûne. Le stress lié à l'opération va aggraver cette situation, entraînant un déficit relatif en insuline et une augmentation de l'insulino-résistance, pouvant conduire à une hyperglycémie et une décompensation diabétique sévère avec des conséquences potentielles sur l'équilibre acido-basique et hydro-électrolytique.

    Les moyens pour estimer l'équilibre métabolique chronique sont les suivants:

    • L'auto-contrôle glycémique effectué au domicile: cette situation est de plus en plus fréquente, et l'information contenue dans le carnet du patient est souvent très utile.
    • Le dosage de l'HbA1c, ou Hb glyquée, permet d'évaluer l'équilibre moyen du diabète sur les 2 à 3 derniers mois. Pour juger d'un déséquilibre plus récent, qui ne se traduit pas encore par une augmentation de l'HbA1c, la fructosamine représente une alternative parfois utile. Elle permet d'apprécier le contrôle des 2 à 3 dernières semaines.

    Pour donner des chiffres indicatifs concernant l'interprétation de l'HbA1c, un taux:

    • < 7 % représente un diabète bien équilibré
    • entre 7 et 8.5 % un diabète moyennement équilibré
    • > 8.5 % un diabète mal contrôlé

    Le profil glycémique depuis l'admission, permet de juger de la nécessité de modifier le traitement en vue de l'intervention.

    Quelles glycémies faut-il demander ?

    • Pour DM type I ou II insulino-traité: à jeun, une demi-heure avant chaque repas et au coucher (22 heures).
    • Pour DM type II sous régime avec ou sans ADO: à jeun et 2 heures après chaque repas (à adapter selon le contrôle).

    En vue d'une intervention, il faut idéalement que la glycémie à jeun soit < à 8 mmol/l.

    4. Evaluation des complications chroniques du diabète:

    Les complications chroniques du diabète (macro- et micro-angiopathiques) représentent une cause d'intervention chirurgicale fréquente (pontages coronariens, autres opérations vasculaires, amputations, interventions ophtalmologiques,...), et entraînent une augmentation de la morbidité et mortalité anesthésiques et chirurgicales. Avant toute intervention, il faut donc soigneusement évaluer et rechercher:

    • La macro-angiopathie:
      Le diabète augmente le risque d'atteinte vasculaire, en particulier coronarien; de plus, l'ischémie myocardique est plus souvent "silencieuse" dans une population diabétique; un bilan s'impose donc au moindre doute, surtout en vue d'une intervention chirurgicale.
      Une autre atteinte vasculaire (carotidienne et artères des membres inférieurs) doit bien entendu être recherchée.
    • La micro-angiopathie:
      Une néphropathie doit être systématiquement recherchée (urée et créatinine plasmatiques, clearance à la créatinine et micro-albuminurie). Elle représente un risque opératoire augmenté, et est en outre un marqueur de la macroangiopathie.
      Une HTA est très souvent associée à la néphropathie diabétique, et le contrôle de la tension doit être optimal (< 140/90 mmHg).
    • La rétinopathie ne représente pas un problème chirurgical par elle-même, mais au travers d'un risque augmenté d'hémorragie rétinienne avec altération visuelle sévère et généralement prolongée en cas d'anti-coagulation ou d'HTA mal contrôlée.
    • La neuropathie:
      L'atteinte périphérique est particulièrement retrouvée au niveau des pieds et des jambes, avec une diminution de la sensibilité, superficielle et profonde. Elle impose un examen des pieds pré-opératoire à la recherche de lésions/ulcérations qui peuvent ne pas avoir été constatées par la patiente et implique des soins de prévention d'escarre du talon, en per et post-opératoire!
      Elle est par ailleurs souvent associée à une neuropathie du système nerveux autonome, qui doit également être soigneusement recherchée en raison de l'augmentation du risque de certaines complications opératoires qu'elle entraîne. Il s'agit surtout des localisations:
      • cardiaque: la neuropathie est incriminée dans l'augmentation du risque de mort subite et d'arrêts cardio-respiratoires dans la période opératoire et post-opératoire. Elle contribue probablement à l'augmentation de la fréquence de l'ischémie silencieuse. Elle a comme conséquence de diminuer la capacité d'adaptation du coeur à l'effort.
      • vasculaire: elle peut être responsable d'une instabilité tensionnelle, parfois responsable d'une difficulté à obtenir un contrôle satisfaisant de la TA (HTA en position déclive, hypoTA orthostatique)
      • gastrique: la neuropathie ralenti la vidange gastrique avec un risque de bronchoaspiration en per-opératoire, des difficultés de reprise alimentaire post-opératoire et des nausées et vomissements.
      • vésicale: la neuropathie augmente les problèmes d'infection, de rétention urinaire post-opératoire et de sevrage de sonde urinaire.

    Gestion pré-opératoire

    Prescription du régime:

    Pour les diabétiques de type I et de type II insulino-traités, un régime fractionné sur le plan du contenu en hydrates de carbonnes en 3 repas et 3 collations, le plus proche possible des habitudes de la patiente est indiqué.

    Pour les diabétiques de type II sans insuline, un régime équilibré est suffisant.

    L'avis de la diététicienne est toujours utile, afin d'évaluer ce que fait la patiente, d'adapter son alimentation durant le séjour et de lui dispenser un enseignement adéquat.

    L'apport calorique à prescrire peut être évalué pour une femme sédentaire (hospitalisée) et stable sur le plan clinique à 20-25 kcal/kg.

    Pour la femme obèse (poids >20% du poids idéal) ou très amaigrie (poids <20% du poids idéal), on calcule un poids "cible", qui est la moyenne entre le poids actuel et le poids idéal.

    Le poids idéal (PI) peut s'évaluer par la formule:

    taille (en cm) - 100

    (qui est une simplification de la formule de Lorentz)

    Exemple: femme 80 kg pour 160 cm

    • Poids idéal: 60 kg
    • Poids "cible": (80+60) / 2 = 70 kg

    Evaluation/adaptation du traitement du diabète

    Le contrôle glycémique à l'admission est le mieux apprécié par la glycémie à jeun (idéalement <8 mmol/l), et les glycémies post-prandiales (<12 mmol/l). Ces chiffres sont indicatifs, et doivent être interprétés de cas en cas.

    Si ces taux ne sont pas obtenus, un changement de traitement doit être envisagé avant l'intervention.

    Pour rééquilibrer rapidement et facilement un diabète, le meilleur moyen est d'introduire une insulinothérapie chez les patientes sous régime seul ou sous ADO, ou bien sûr d'adapter le traitement insulinique en cours.

    Gestion per et post-opératoire du diabète

    Le but du traitement est d'éviter l'hypoglycémie, l'hyperglycémie importante, et de prévenir un état catabolique marqué et les perturbations hydro-électrolytiques potentielles.

    On cherche donc le meilleur équilibre glycémique possible sans hypoglycémie. Un objectif glycémique entre 7 et 10 mmol/l, avec une surveillance glycémique rapprochée, permet d'éviter les complications liées à l'hypo- ou l'hyperglycémie.

    Les recommandations pratiques sont:

    Diabète de type I

    • dose d'insuline habituelle et collation habituelle à 22 heures le soir avant l'opération
    • dès 7h00, insuline rapide en pompe IV, la dose est à évaluer en fonction des besoins habituels en insuline, en parallèle avec une perfusion de glucose 5% d'environ 2 litres/24 heures avec KCl (entre 10 et 20 mEq/l, à adapter en fonction de la kaliémie)
    • surveillance glycémique 1x/heure au départ pour adapter l'insuline et la perfusion.

    Diabète de type II sous insuline

    1. jeun de courte durée (jusqu'à midi):

    • injecter la moitié de la dose d'insuline lente du matin en SC (ne pas donner d'actrapid SC!)
    • perfuser du glucose 5% environ 500cc/6h jusqu'au prochain repas, en adaptant la perfusion en fonction des glycémies effectuées toutes les 1 à 2 heures
    • si le repas de midi est effectivement pris, alors injecter l'autre moitié de l'insuline lente avant le repas, et stopper la perfusion dès qu'on est sûr que le repas est bien toléré.

    2. jeun prolongé au delà de midi:

    • utiliser:
      • soit une pompe d'insuline rapide IV (même solution que pour le DM I)
      • soit une perfusion appelée GIK, pour glucose-insuline-potassium: on commence en général avec 12 à 16 unités d'insuline rapide dans un glucose 5% 1000cc. Adapter ensuite l'insuline rapide en fonction de l'évolution glycémique; si elle doit être modifiée, il faut changer malheureusement toute la perfusion; cet inconvénient fait souvent préférer la pompe. On ajoute entre 10 et 20 mEq de KCl par litre de G5%. Donc:
        GIK = G5% 1000cc/12h + 10 à 20 mEq de KCL + 12 à 16 U actrapid
    • quand la reprise de l'alimentation est possible, il ne faut pas oublier de réintroduire l'insulino-thérapie SC avant d'arrêter l'insuline IV!

    DM II sous ADO:

    • Pour les patients sous Glucophage® (metformine), il doit être stoppé idéalement 48 heures avant une intervention chirurgicale, mais au moins 24 heures avant, en raison du risque d'acidose lactique. Il ne devra être repris en post-opératoire qu'une fois la patiente parfaitement stabilisée.
    • Pour les patients sous sulfonylurées:
      • les demi-vies des sulfonylurées sont variables. Les sulfonylurées de longue demi-vie comme le Chlorpropamide (Diabinèse®) devraient être stoppées plusieurs jours avant une intervention et remplacées si nécessaire par des sulfonylurées à plus courte demi-vie (Glibénèse® par exemple). Ces dernières sont stoppées la veille de l'opération.
      • le matin de l'intervention, le patient doit recevoir une perfusion de Glucose 5% 500cc/6h (afin de "couvrir" l'effet hypoglycémiant encore possible de l'ADO) qui sera adaptée au résultats glycémiques.
      • si les glycémies augmentent malgré une diminution de l'apport en glucose IV, il faut commencer un traitement IV d'insuline, soit par une perfusion type GIK, soit par une pompe d'actrapid. Les bolus IV d'insuline rapide ne sont pas souhaitables! (effet hypoglycémiant brutal difficile à contrôler et à prévoir, effet de courte durée, la demi-vie intraveineuse de l'insuline étant de quelques minutes seulement!)
    • Les sulfonylurées pourront être réintroduites dès la reprise de l'alimentation, tout en tenant compte de l'évolution des glycémies. Il peut être nécessaire de passer par un traitement transitoire d'insuline si un déséquilibre glycémique est observé durant la phase post-opératoire.

    Diabète de type II sous régime seul:

    On donne en général simplement une perfusion de glucose 5%, dont le débit est adapté en fonction de l'évolution des glycémies faites toutes les heures. En cas de déséquilibre glycémique, on applique les solutions proposées au paragraphe précédent.

    5. Education avant le retour à domicile

    Bien qu'une hospitalisation dans un contexte chirurgical ne soit certainement pas le moment le plus propice pour une éducation sur le plan diabétologique, il vaut la peine d'évaluer les lacunes et de tenter de combler les plus importantes au mieux.

    Les points à évaluer en priorité sont:

    • les connaissances diététiques, les habitudes alimentaires
    • l'auto-contrôle glycémique et urinaire (apprentissage, évaluation de la pratique)
    • les injections d'insuline (enseignement ou contrôle de la technique)
    • pour les patientes sous ADO ou insuline, contrôler les connaissances théoriques et pratiques concernant les hypoglycémies.

    Tableau 1: Evaluation pré-opératoire d'un diabète

    Eléments à évaluer

    Moyens pour l'évaluation

    Type de diabète anamnèse/status/dossier
    Durée d'évolution anamnèse
    Equilibre du diabète

    chronique

    auto-contrôle glycémique au domicile
    Hb glyquée (A1c)

    aigu

    glycémies à l'hôpital
    Complications chroniques

    macroangiopathie

    évaluer facteurs de risques cardio-vasculaires
    examen clinique vasculaire
    ECG
    bilan vasculaire en fonction des résultats (test d'effort, US-doppler carotidien, bilan angiologique)

    microangiopathie

    rechercher ou surveiller une HTA
    urée et créatininémie
    clearance à la créatinine
    albuminurie de 24 heures
    bilan ophtalmologique

    neuropathie

    polyneuropathie périphérique (diminution sensibilité et ROT)
    autonome (cardiaque, gastrique, vésicale)

    Tableau 2: Gestion pré-opératoire d'un diabète

    Traitement

    Attitude

    Régime évaluation des besoins (poids-taille-BMI)
    adaptation de l'alimentation aux habitudes
    prévoir consultation si nécessaire
    Médicaments ou insuline
    si équilibre chronique suffisant
    glycémie à jeun < 8 mmol/l maintenir même traitement
    glycémie jamais > 12 mmol/l stopper Glucophage® 48 heures avant opération
    HbA1c < 7.5% remplacer sulfonylurées de longue durée d'action
    si équilibre chronique moyen
    glycémie à jeun 8 à 10 mmol/l dépend du type d'intervention
    glycémie parfois > 15 mmol/l généralement introduction d'insuline si traitement par régime ou ADO; sinon adaptation des doses d'insuline
    HbA1c entre 7.5 et 9 % stopper les ADO comme ci-dessus
    si équilibre chronique mauvais
    glycémie à jeun >10 mmol/l adaptation du traitement nécessaire en pré-opératoire
    glycémie souvent > 15 mmol/l introduction d'insuline comme ci-dessus
    HbA1c entre > 9 % stopper les ADO comme ci-dessus

    Tableau 3: Gestion pré-opératoire d'un diabète

    Type de diabète Attitude
    le soir avant le matin opératoire
    Chirurgie courte/mineure Chirurgie longue/majeure
    Diabète insulino-traité
    • repas léger normo-glucidique
    • 50% insuline lente habituelle
    • perfusion GIK
    équilibré
    • collation de 22h habituelle
    • dose d'insuline du coucher habituelle
    • glucose 5% 2000ml/24h
    • glycémies 1x/h

    ou

    • perfusion GIK
    • glycémies 1x/h
    • Glycémies 1x/h

    ou

    • glucose 5% 2000ml/24h
    • pompe Actrapid IV
    • glycémies 1x/h
    Diabète non-insulino-traité
    • repas léger normo-glucidique
    • collation 22h normale
    • glucose 5% 2000ml/24h
    • glycémies 1x/h
    • Glucose 5% 2000ml/24h
    • glycémies 1x/h
    équilibré
    • stop sulfonylurées
    • stop Glucophage® 48h avant
    si glycémies insuffisantes
    • soit perfusion type GIK
    • soit pompe Actrapid IV
    si glycémies insuffisantes
    • soit perfusion type GIK
    • soit pompe Actrapid IV
    Diabète non équilibré
    • repas léger normo-glucidique
    • collation de 22h habituelle
    • stopper traitement ADO
    • insuline en général IV par pompe
    • glucose 5% 2000ml/24h
    • glycémies 1x/h puis selon résultats
    • glucose 5% 2000ml/24h
    • pompe Actrapid IV
    • glycémies 1x/h
    • glucose 5% 2000ml/24h
    • pompe Actrapid IV
    • glycémies 1x/h

    Prise en charge pré-conceptionnelle d'une diabétique

    La grossesse d'une femme diabétique représente un risque augmenté, tant pour la mère que pour son enfant.

    La "programmation" de la grossesse permet d'en réduire les risques par:

    • l'optimalisation du contrôle glycémique avant la conception
    • le dépistage des complications chroniques liées au diabète, et éventuellement leur traitement
    • la connaissance précise du terme

    Ce texte ne comporte que les aspects diabétologiques à surveiller. La surveillance et le bilans réguliers sur le plan gynécologique et obstétrical ne sont pas abordés, de même que les problèmes psychosociaux liés à la grossesse d'une patiente diabétique.

    Optimalisation de l'équilibre glycémique

    Un équilibre glycémique optimal doit être obtenu avant la conception. En effet, l'hyperglycémie durant les premières semaines de grossesse, qui correspondent à l'organogenèse, entraîne un taux de malformations nettement augmenté. L'objectif est d'obtenir le meilleur contrôle possible des glycémies attesté par l'auto-contrôle glycémique pratiqué régulièrement et surtout l'HbA1c, dont la valeur doit être la plus basse possible, et au maximum de 7.0 % (idéalement aux alentours de 5.5 à 6 %).

    Pour atteindre cet objectif, il est généralement nécessaire de renforcer les connaissances de la patiente, en particulier sur le plan diététique et sur l'adaptation du traitement insulinique, qui doit généralement être optimalisé en augmentant le nombre des injections (en général 4 à 5/jour) ou en passant à un traitement par pompe sous-cutanée. L'auto-contrôle glycémique doit être effectué environ 6 fois/j, pour pouvoir ajuster le traitement insulinique. Le suivi diabétologique doit impérativement être effectué avec le diabétologue.

    Bilan des complications chroniques du diabète:

    • la rétinopathie doit être évaluée avant, puis régulièrement durant la grossesse. Si un traitement au laser est indiqué, il doit être effectué avant la grossesse. La rétinopathie proliférative n'est pas une contre-indication absolue à une grossesse, mais elle doit être bien évaluée auparavant, et la patiente doit être informée sur les risques de progression durant la grossesse.
    • la néphropathie doit être soigneusement évaluée avant la grossesse. Une micro-albuminurie ou une protéinurie ne sont pas des contre-indications absolues à une grossesse, mais peuvent être nettement péjorées par la grossesse, en particulier si elle s'accompagne d'une HTA. Une insuffisance rénale déjà établie doit faire déconseiller une grossesse.
    • une HTA avant la grossesse ne contre-indique pas celle-ci, mais doit être traitée et bien contrôlée auparavant. Le traitement doit être adapté au moment de la grossesse.
    • la macro-angiopathie: une atteinte coronarienne doit être systématiquement recherchée, car elle représente un facteur de risque majeur pour une grossesse et la contre-indique de manière absolue. La contre-indication doit ensuite être réévaluée en fonction de la thérapeutique envisageable.

    La prise en charge pré-conceptionnelle doit être effectuée sous couverture d'une contraception efficace.

    Idéalement, la discussion par rapport à une future grossesse est une démarche qui doit venir du médecin; l'information devrait être donnée progressivement dès que la patiente arrive en âge de procréer. Une grossesse avec ses implications doit ainsi être évoquée régulièrement lors des consultations.

    La patiente doit être référée rapidement auprès d'un diabétologue ayant une expérience dans le suivi de la grossesse de patientes diabétiques. La prise en charge de telles patientes doit être multidisciplinaires, nécessitant de nombreux intervenants (gynécologue, obstétricien, sage-femme, diabétologue, infirmière spécialiste de diabétologie, diététicienne, ophtalmologue, et autres en fonction des problèmes cliniques).

    La situation de la femme diabétique de type II est identique. Les anti-diabétiques oraux doivent être interrompus avant la conception et peuvent être remplacés soit par un régime seul si les glycémies obtenues sont satisfaisantes, soit, le plus souvent, par un traitement insulinique. Si le régime seul devait suffire au départ, la patiente doit être informée qu'un traitement insulinique deviendra nécessaire au cours de la grossesse. L'éducation est aussi importante que pour la patiente diabétique de type I, et l'enseignement doit être entrepris avant la conception.

    Contraception chez la femme diabétique

    Comme discuté dans le chapitre précédent, une grossesse chez une femme diabétique doit être programmée, car les conséquences tant médicales que sociales d'une grossesse imprévue sont importantes. Le chapitre précédent détaille les conditions requises sur le plan diabétologique pour pouvoir mener une grossesse à terme avec le maximum de chances de succès.

    La contraception est donc un aspect important à discuter avec la femme en âge de procréer pour éviter une grossesse qui débuterait dans des conditions médico-sociales défavorables.

    Il faut conseiller des méthodes de contraception réputées fiables, et il n'y a, comme pour les femmes non-diabétiques, pas de méthode qui soit adaptée à toutes les femmes. De plus, il faut reconnaître que toutes les méthodes les plus fiables comportent une part de controverse!.

    Contraception orale (CO)

    Les préparations initiales, fortement dosées en oestrogènes, entraînaient une augmentation de la résistance à l'insuline. Les préparations actuelles peuvent être considérées comme pratiquement neutres sur le plan du métabolisme glucidique.

    Les préparations combinées ou séquentielles ont un effet généralement peu important sur le métabolisme lipidique, ce qui n'est pas le cas des progestatifs seuls (diminution du HDLchol, augmentation des triglycérides), particulièrement les progestatifs avec activité androgénique.

    Le risque thrombo-embolique est augmenté par les préparations combinées et séquentielles, mais probablement pas avec les progestatifs seuls. Il est encore augmenté par le tabagisme associé, par l'âge >35ans et l'HTA, et une CO ne devrait probablement pas être proposée à une femme présentant une de ces caractéristiques.

    Les dispositifs intra-utérins

    C'est une méthode efficace, aussi bien chez la femme non-diabétique que diabétique, mais comportant un certain nombre d'effets secondaires pouvant être sérieux. Il est possible que la femme diabétique soit plus à risque de présenter des infections liées au stérilet (ceci n'a pas été clairement démontré).

    Cette méthode est bien adaptée pour les femme plus âgées, ayant déjà eu des enfants, et informées des risques et bénéfices.

    Méthodes mécaniques et chimiques

    Leurs avantages résident dans l'absence de complications ou d'effets secondaires. Bien employées, elles ont une efficacité satisfaisante, avec malgré tout un taux d'échec non négligeable.

    Il est utile de rappeler par ailleurs la protection qu'offre le préservatif contre nombre de maladies sexuellement transmises.

    Méthodes basées sur le rythme

    Elles ne sont pas recommandées, car le taux d'échec est trop important.

    En conclusion

    Aucune méthode n'est parfaite; le choix sera effectué en ayant évalué les avantages et les risques pour une patiente donnée. Chez la diabétique jeune, on favorisera l'utilisation d'une contraception orale par une préparation faiblement dosée (<35ug d'oestrogène) combinée ou séquentielle. Chez la femme plus âgée, l'utilisation d'un dispositif intra-utérin pourrait être préférable.

    La stérilisation représente une solution à envisager, pour l'un ou l'autre membre du couple, une fois le nombre d'enfants désirés atteint..

    Substitution hormonale chez la femme diabétique ménopausée

    Particularité de la ménopause chez la patiente diabétique

    Longtemps, la femme diabétique a été exclue du traitement substitutif de la ménopause en raison des effets secondaires des oestrogènes. Aujourd'hui, avec les nouvelles préparations, l'attitude a radicalement changé.

    En effet, si la femme diabétique présente les mêmes problèmes en relation avec la déprivation hormonale que les femmes non-diabétiques, elle est bien plus menacée par les maladies cardio-vasculaires, qui représentent par ailleurs la première cause de mortalité chez la femme dans les pays industrialisés.

    L'élévation du risque cardio-vasculaire par le diabète est encore augmenté par les effets délétères de la ménopause sur les métabolismes gluco-lipidiques. Les changements induits sont liés à la disparition de la sécrétion des hormones ovariennes elles-mêmes, mais d'autres causes ont été impliquées comme une prise pondérale et une réduction de l'activité physique. L'augmentation du risque cardio-vasculaire après la ménopause ne peut donc pas être incriminée aux seuls changements hormonaux. Ceci implique que, si l'effet bénéfique sur le plan vasculaire du traitement hormonal substitutif est aujourd'hui bien établi, la prévention cardio-vasculaire d'une femme ménopausée, diabétique ou non d'ailleurs, doit tenir compte de l'ensemble des facteurs influençant le développement de l'athérosclérose et de l'insuffisance coronarienne tels en particulier le tabagisme et l'hypertension artérielle.

    Ménopause et métabolisme glucidique

    Les changements hormonaux qui caractérisent la ménopause ne jouent probablement pas un rôle défavorable sur la tolérance au glucose. Ces hormones sont au contraire hyperglycémiantes, comme en témoigne leurs rôles diabétogènes dans la grossesse.

    En revanche, la ménopause s'accompagne souvent d'autres facteurs défavorables sur le contrôle d'un diabète, tels la sédentarité et l'excès pondéral, qui favorisent une augmentation de la résistance périphérique à l'insuline. Le rôle de l'hyperinsulinisme sur le risque cardio-vasculaire reste encore très débattu.

    Ménopause et métabolisme lipidique

    Avec la ménopause, on observe des modifications pouvant toucher toute les fractions lipidiques. Ces changements sont essentiellement attribués à la diminution des taux d'oestrogènes.

    Le cholestérol total s'élève avec l'installation de la ménopause, lié à l'élévation du LDLcholestérol, secondaire à une diminution de l'activité des récepteurs cellulaires aux LDLs. Les particules LDL sont catabolisées moins rapidement, expliquant l'élévation de leur taux plasmatique, et celui du cholestérol.

    Les modifications du taux de HDL cholestérol sont moins clairement établies; d'une manière générale, leur taux diminue avec l'âge et après la ménopause. Le HDLcholestérol est par ailleurs souvent bas chez la femme diabétique, secondairement à l'élévation des triglycérides.

    L'élévation des triglycérides est rare chez la femme avant la ménopause, sauf lorsque l'origine est génétique ou dans des situations cliniques particulières comme le diabète ou certains médicaments. La ménopause provoque une augmentation du taux des triglycérides, qui est favorisée par certains facteurs comme l'obésité, un déséquilibre alimentaire (qui va souvent de pair), la sédentarité, une dysthyroidie, fréquemment retrouvés dans la population générale, et encore plus chez les diabétiques.

    L'illustration la plus caricaturale de cette situation clinique est le syndrome X, ou syndrome plurimétabolique, associé à un risque cardio-vasculaire augmenté.

    Effets de la substitution hormonale post-ménopausique

    Les oestrogènes exerceraient leurs effets bénéfiques directement sur la paroi des vaisseaux et indirectement par les modifications du profil lipidique.

    Le rôle protecteur principal serait lié à un effet direct sur l'endothélium, par une action vasodilatatrice qui dépend de leur interaction avec les récepteurs oestrogéniques. Un rôle sur le plan de la thrombogénèse est également vraisemblable, peut être au travers d'une diminution des taux de LDL peroxydés.

    Sur le plan des lipides, les oestrogènes exercent leurs effets bénéfiques en réduisant le taux du LDL cholestérol par une augmentation du catabolisme (augmentation de la synthèse des récepteurs LDL). Cet effet est surtout marqué lors de l'administration par voie orale, dépend de la dose administrée, et reste significatif bien que moins marqué, lors d'administration par voie transdermique.

    Le taux de HDL cholestérol est également augmenté, surtout la sous-fraction HDL-2, qui aurait un rôle particulièrement favorable sur le plan vasculaire. L'augmentation du HDL est moins liée à la dose d'oestrogènes orale, et le taux est peu influencé lors de l'administration transdermique.

    L'abaissement du LDLcholestérol et l'augmentation du HDLcholestérol rend compte de l'amélioration des rapports athérogènes quelle que soit la voie d'administration choisi.

    Ces effets favorables sont accompagnés d'une augmentation du taux des triglycérides par stimulation de leur production hépatique. L'augmentation des triglycérides et des VLDL est proportionnelle à la dose d'oestrogène administrée par voie orale, et peut être minimisée en utilisant des doses faibles. L'administration par voie transdermique n'a qu'un effet minime sur le taux de triglycérides. Cet aspect doit être particulièrement surveillé chez les diabétiques dont le taux de triglycérides de base est souvent élevé.

    L'administration concomitante de progestérone tend également à réduire l'effet bénéfique des oestrogènes en atténuant l'augmentation du HDL cholestérol et la diminution du LDL cholestérol par rapport aux patientes traitées par oestrogènes seuls.

    Le mode d'administration, la dose et le type de progestatif (importance du caractère androgénique) semble avoir un rôle important dans l'effet sur le profil lipidique.

    Il est actuellement encore difficile d'évaluer les conséquences sur le système cardio-vasculaire du caractère non-physiologique de l'administration orale de progestérone. En cas d'hystérectomie, on sera amené à envisager un traitement oestrogénique seul.

    Indications de l'hormonothérapie

    La substitution hormonale post-ménopausique exerce les mêmes effets bénéfiques classiques chez les patientes diabétiques que dans la population générale. De plus, l'effet favorable au niveau des vaisseaux rend compte d'une indication encore plus marquée chez les patientes au risque cardio-vasculaire augmenté, en prévention secondaire et chez les diabétiques qui présentent un LDL cholestérol élevé ou un HDL cholestérol diminué (rapport cholestérol total/HDLcholestérol >5).

    Avant d'entreprendre la substitution hormonale, un bilan lipidique de base doit être déterminé, avec mesure du cholestérol total, du HDLcholestérol et des triglycérides. Il est préférable d'avoir 2 ou 3 prélèvements de départ, pour confirmer la constance de l'anomalie lipidique avant la mise en route du traitement.

    L'effet favorable pourra être réévalué après 3 à 6 mois d'hormonothérapie. Une hypertriglycéridémie peut s'aggraver avec le traitement oestrogénique, et représente alors une contre-indication à la poursuite du traitement per os: la voie transdermique permettra alors d'éviter cet effet indésirable.

    Les contre-indications au traitement substitutif sont peu nombreuses, et relativement controversées. Il s'agit d'une hypertriglycéridémie, d'antécédents de maladies thrombo-emboliques et de cancer du sein particulièrement chez les patientes avec des antécédents familiaux.

    Conclusion

    Le choix des schémas de traitement dépend de la situation clinique de départ et des objectifs. Idéalement, les progestatifs doivent être associés aux oestrogènes sauf en cas d'hystérectomie. La voie transdermique sera préférée à la voie orale pour les oestrogènes, car la dose administrée est environ 10 fois moindre et que le foie est épargné. En cas d'élévation des triglycérides avec le traitement oestrogénique per os, la voie transdermique est indiquée. La progestérone par voie orale pourrait diminuer le bénéfice des oestrogènes; il faut donc donner la dose la plus faible possible tout en restant efficace sur l'utérus. Un traitement discontinu, 12 jours par mois, sera préféré au traitement continu, sauf si on veut éviter un retours des menstruations. La voie d'administration vaginale peut être une alternative satisfaisante, permettant d'obtenir les effets bénéfiques au niveau utérin en minimisant les effets systémiques ou hépatiques.

    http://www.gfmer.ch/Presentations_Fr/Diabete_gynecologie.htm

     

     

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