La prise en charge du diabète de type 2 se heurte à de nombreuses difficultés: objectifs glycémiques difficiles à atteindre, aggravation de la maladie au fil du temps en dépit des
traitements, recours à l'insulinothérapie insuffisant, etc. Dans ce contexte, la réunion annuelle de l'ADA* a consacré une large place aux innovations thérapeutiques prochainement
disponibles. Mais elle a aussi attiré l’attention sur les pathologies associées au diabète qui ne peuvent pas être négligées sous peine d’aggraver la charge de la maladie.
On sait depuis longtemps que les diabétiques encourent un risque cardiovasculaire accru et c’est la raison pour laquelle, il est important que leur traitement comporte un volet
cardioprotecteur: aspirine, hypolipémiant et antihypertenseur. Néanmoins, on ne savait pas avec certitude à quel moment il était judicieux de mettre ce traitement préventif en oeuvre. Le
récent travail d’une équipe canadienne menée par Gillian Booth (Toronto) apporte un début de réponse. Cette équipe, cherchant à savoir à partir de quel âge les sujets diabétiques
commencent à encourir un risque cardio-vasculaire élevé, a mis les petits plats dans les grands en suivant la quasi-totalité de la population de l’Ontario, soit plus de 9 millions
d’individus, dont quelque 379.000 étaient diabétiques. Ce qui a permis non seulement de confirmer que le diabète est responsable d’événements défavorables plus précoces que dans la
population générale, mais surtout que le risque survient, en moyenne, quinze ans plus tôt que chez les sujets exempts de diabète. Plus précisément, le risque devient élevé à partir de 48
ans chez l’homme et 54 ans chez la femme. Ce qui conforte les recommandations émises en 2005 par l’International Diabetes Federation qui stipule qu’un sujet diabétique de type 2 âgé de
plus de 40 ans doit être considéré comme étant à haut risque d’événement cardio-vasculaire, quel que soit son sexe, même en l’absence d’autres facteurs de risque cardio-vasculaire.
Les médecins ne sont pas assez exigeants
C’est ce qu’affirme les résultats de l’étude de Shari Bolen (John's Hopkins, Baltimore). D’après l'analyse de 254 dossiers de patients diabétiques de type 2, hypertendus qui ont suivis un
programme de soins entre 1999 et 2001, il existe bel et bien une inertie des médecins à changer de traitement face à une baisse tensionnelle insuffisante. En effet, 12% seulement des
consultations révélant des chiffres supérieurs aux objectifs recommandés chez le diabétique ont donné lieu à une intensification du traitement… Une analyse détaillée de ces données a
permis de souligner cependant plusieurs facteurs susceptibles d’améliorer ce score: ainsi, une visite de routine est plus propice à l'adaptation du traitement qu'une consultation en
urgence. Par ailleurs, le médecin habituel modifie plus facilement l'ordonnance qu'un praticien consulté occasionnellement. A contrario, le médecin traitant a moins tendance à changer le
traitement anti-hypertenseur si le patient diabétique est également suivi par un cardiologue ou s’il présente un autre problème: coronaropathie, diabète déséquilibré: Le même constat a
été effectué dans un autre travail qui a analysé les données des 1244 diabétiques hypertendus appartenant à la cohorte des 11.000 femmes de l'hôpital de Brigham: seules 26% des patientes
avec pression artérielle anormale ont bénéficié d'une intensification du traitement. Pire, l'inertie à intensifier un traitement ne concerne pas seulement le contrôle tensionnel;
l'équilibre glycémique semble pâtir de ce même laxisme comme l’a montré une analyse rétrospective réalisée à partir de données de l'administration américaine.
Le risque de développer un événement cardiovasculaire est plus élevé chez les diabétiques à partir de 48 ans chez l’homme et 54 ans chez la femme.
Diabète, cause ou conséquence ?
Plusieurs données épidémiologiques ont fait apparaître un lien entre le diabète de type 2 et diverses autres pathologies chroniques. Mais la question est de savoir si le diabète est la
cause ou la conséquence de certains facteurs favorisants communs tels que l’alcool, les virus, les médicaments? Dans ce contexte, l’étude NHANES III ne manque pas d’intérêt puisqu’elle a
montré une augmentation de la fréquence du diabète chez les patients porteurs d’une hépatite C, probablement parce que l’atteinte virale entraîne une insulinorésistance, une inflammation
et un mauvais fonctionnement des cellules bêta du pancréas. Mais il s’agissait de personnes vulnérables. La cirrhose est une autre cause connue de diabète, puisque près de 2/3 des
patients développent un diabète.
Selon l’OMS, 20% des cancers seraient liés à l’obésité et à la sédentarité
De la même façon, l’étude
Framingham montre qu’il existe un lien entre une insuffisance pulmonaire et le diabète. Par ailleurs, l’altitude entraîne une réduction de la sensibilité à l’insuline: celle-ci est de
l’ordre de 60% à 4.000 mètres d’altitude. Ce qui n’a rien d’étonnant si l’on se réfère aux études chez l’animal, chez lequel des conditions d’hypoxie engendrent une insulinorésistance.
Enfin, il pourrait exister un lien entre apnées du sommeil et diabète; le traitement des apnées du sommeil par respiration en pression positive améliorant la sensibilité à l’insuline et
contribuant à améliorer l’équilibre glycémique des patients diabétiques. Par ailleurs, les liens entre cancer et diabète méritent également d’être examinés. Ces deux pathologies ont en
commun de nombreux facteurs de risque, qu’ils soient d’ordre comportemental (alimentation riche en acides gras saturés, pauvre en fibres, en fruits et en légumes; sédentarité; adiposité
abdominale) ou biologique (insulinorésistance, inflammation, défauts de certaines hormones régulatrices). Selon l’OMS, 20% des cancers seraient liés à l’obésité et à la sédentarité,
tandis que les données épidémiologiques mettent en évidence une corrélation entre le diabète et le cancer du sein chez la femme après la ménopause, le cancer colorectal, le cancer de
l’endomètre, le cancer du pancréas et celui de la prostate. Outre leur association fréquente, diabète et cancer rejaillissent l’un sur l’autre.
Diabète et dépression: une association de malfaiteurs?
La prévalence de la dépression est également 2,5 fois plus importante chez le diabétique. Si ce fait n’a pas encore d’explication claire, plusieurs hypothèses sont avancées. La première
est que la dépression engendre une plus grande sédentarité, une certaine anarchie alimentaire, parfois un tabagisme, et une mauvaise observance des conseils d’hygiène de vie et des
traitements ; autant de facteurs qui favorisent le développement d’un diabète de type 2. La deuxième est que les antidépresseurs majorent le risque de diabète, une notion connue pour les
antipsychotiques, mais pas prouvée pour les antidépresseurs. Enfin une troisième hypothèse semble l’emporter selon laquelle la dépression, par l’état de stress chronique qu’elle suscite,
engendre une augmentation des taux de cortisone, favorable au développement d’un diabète. Reste alors à savoir si le diabète est par lui-même un facteur de dépression. Il semblerait,
selon une équipe d’Atlanta, que ce soit le caractère chronique et invalidant du diabète qui favorise la dépression et non le trouble métabolique lui-même.
*AMERICAN DIABETES ASSOCIATION,WASHINGTON, 9-13 JUIN 06.
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