• La rétinopathie proliférante

    S45

    LA RÉTINOPATHIE DIABÉTIQUE

    A-P. Guagnini, B. Snyers

    Mots-clefs : diabète, rétinopathie, maculopathie, classification, facteurs de risque, traitement

    INTRODUCTION

    La rétinopathie diabétique (RD) est une des premières causes de cécité dans les pays industrialisés pour les patients de moins de soixante ans . On estime qu’après quinze ans de diabète près de 2% des diabétiques sont aveugles et 10% sont malvoyants.

    La malvoyance est en général liée aux complications de la rétinopathie diabétique proliférante chez les diabétiques de type 1 et est souvent secondaire à la maculopathie diabétique chez les patients diabétiques de type 2.

    La prévalence de la rétinopathie diabétique augmente avec l’ancienneté du diabète et chez les patients traités par insuline (1, 2, 3).

    Les études épidémiologiques montrent que, outre l’ancienneté du diabète, l’hyperglycémie chronique, l’hypertension artérielle, l’hypercholestérolémie, la protéinurie et certaines situations hormonales telles que la grossesse et la puberté sont des facteurs de risque reconnus dans la progression de la rétinopathie diabétique et de la maculopathie diabétique (1,2,4,5).

    Face à cette menace de RD invalidante, le défi consiste en un dépistage efficace des patients à risque, en une prévention et un contrôle des facteurs de risque et en une prise en charge précoce des complications rétiniennes. La communication entre le médecin traitant, l’endocrinologue et l’ophtalmologue est donc essentielle pour assurer au patient diabétique un meilleur pronostic visuel.

    PHYSIOPATHOLOGIE DE LA RÉTINOPATHIE DIABÉTIQUE

    L’élévation chronique du glucose sanguin aboutit, via des réac­tions biochimiques non encore tout à fait élucidées mais impliquant le rôle toxique des polyols produits à partir d’un excès de glucose et le rôle des anomalies hématologiques associées, à l’apparition de lésions histologiques et d’anomalies du flux sanguin au niveau des capillaires rétiniens, à la rupture de la barrière hématorétinienne et à l’apparition de néovascularisations rétiniennes.

    Les lésions histologiques consistent en un épaississement de la membrane basale des capil­laires rétiniens, et en la disparition des péricytes à leur niveau avec pour conséquence une dilatation et une occlusion des capillaires et l’apparition de microanévrismes. L’occlusion des capillaires rétiniens est également liée à une leucostase anor­male.

    La rupture de la barrière hématorétinienne consiste au passage anormal de constituants plas­matiques dans la rétine via l’ouverture de jonc­tions serrées entre les cellules endothéliales et est favorisée par la présence de lésions histologiques et la présence de VEGF (vascular endothelial growth factor).

    L’occlusion des capillaires mène à l’apparition de territoires de non-perfusion rétinienne qui synthétisent différents facteurs de croissance dont le VEGF. Ainsi, on assiste au développement de proliférations néovasculaires.

    CLASSIFICATION DE LA RÉTINOPATHIE DIABÉTIQUE

    Effectuer une classification de la rétinopathie diabétique est primordial car c’est ce qui va per­mettre d’établir un fil de conduite pour le suivi et le traitement du patient.

    Il existe de nombreuses classifications, dont la plus consensuelle est la classification de l’Ear­ly Treatment Diabetic Retinopathy Study (ETDRS) (6,7,8). Elle est basée sur différents signes décou­verts au fond d’oeil et leur étendue : microanévris­mes, hémorragies rétiniennes, anomalies micro­vasculaires intra-rétiniennes, anomalies veineu­ses, nodules cotonneux, exsudats durs, épaississe­ment rétinien et proliférations néovasculaires.

    On applique aujourd’hui la classification de l’ALFEDIAM qui est dérivée de celle de l’ETDRS et est plus simple pour la communication entre les différents spécialistes (9).

    On distingue la classification de la rétinopathie diabétique et la classification de la maculopathie diabétique :

    Rétinopathie diabétique non proliférante

    RD non proliférante minime

    RD non proliférante modérée

    RD non proliférante sévère (ou RD préproliférante)

    Rétinopathie diabétique proliférante

    RD proliférante minime (néovaisseaux prérétiniens périphériques débutants)

    RD proliférante modérée (néovaisseaux pré­rétiniens périphériques étendus ou prépapil­laires débutants)

    RD proliférante sévère (néovaisseaux prépa­pillaires étendus)

    RD proliférante compliquée u +/- Maculopathie diabétique

    Maculopathie diabétique

    Maculopathie oedémateuse :

    oedème maculaire focal +/- exsudats

    oedème maculaire diffus – non cystoïde

    cystoïde

            Maculopathie ischémique

    FORMES CLINIQUES PARTICULIÈRES

    Rétinopathie diabétique et hypertension artérielle

    La rétinopathie hypertensive vient compliquer la rétinopathie diabétique avec décompensation de la maculopathie même pour des valeurs d’hypertension artérielle modérée (10). Chez ces patients, il est indispensable de viser un équilibre tensionnel à 130mmHg/80mmHg et si nécessaire faire appel à un néphrologue spécialisé.

    Rétinopathie diabétique et équilibre glycémique rapide

    Lors du passage à l’insuline ou à la pompe à insuline ou lors du renforcement du traitement par insuline, on peut noter une décompensation de la rétinopathie diabétique principalement chez les patients présentant une rétinopathie diabétique non proliférante sévère ou une rétinopathie diabétique proliférante.

    Un examen ophtalmologique est à réaliser avant toute modification du traitement hypoglycémiant ainsi que tous les trois, quatre mois qui le suivent pendant la première année. Il faudra également veiller à normaliser progressivement l’hémoglobine glyquée.

    Rétinopathie diabétique et grossesse

    Il est clairement établi qu’il existe un risque de progression de la rétinopathie diabétique en

    cas de grossesse surtout lorsque celle-ci n’est pas programmée.

    Celui-ci est d’autant plus important que le diabè­te est ancien, que le stade de rétinopathie de départ est sévère, que la chute glycémique est importante et qu’il existe une hypertension artérielle associée.

    Un examen ophtalmologique est donc à pré­voir dans la mise au point avant la grossesse ou en tous cas en début de grossesse avec suivi oph­talmologique et éventuel traitement en fonction du stade de la rétinopathie et de sa progression.

    RECOMMANDATIONS POUR LE DÉPISTAGE ET LA SURVEILLANCE DES PATIENTS

    La coopération entre le médecin traitant et l’ophtalmologue est ici de toute première importance puisqu’au delà du suivi recommandé par l’ANAES et l’ALFEDIAM, il faut gérer le suivi en fonction des découvertes faites au fond d’oeil, de leur traitement médical ou par laser et de la réponse de la rétine. Les examens fluoangiographiques ne seront réalisés que sur base de l’examen ophtalmologique.

    Dépistage de la rétinopathie diabétique

    Diabète de type 1 :

    examen du fond d’œil dès la découverte du diabète,

    examen annuel du fond d’œil,

    pas de nécessité d’un examen ophtalmologi­que avant l’âge de 10 ans,

    examen du fond d’œil plus régulier entre 16 et 18 ans,

    examen ophtalmologique avant la grossesse ou en début de grossesse puis tous les tri­mestres.

    Diabète de type 2 :

    examen du fond d’œil dès la découverte du diabète,

    examen annuel du fond d’œil,

    examen du fond d’œil lors du renforcement du traitement hypoglycémique,

    examen ophtalmologique lors d’une décompensation artérielle ou rénale.

    Surveillance de la rétinopathie diabétique

    Examen ophtalmologique annuel en cas de :

    absence de rétinopathie diabétique,

    RD non proliférante minime,

    RD non proliférante modérée.

    Examens ophtalmologiques plus rapprochés en fonction du stade de la rétinopathie ou de la maculopathie et de leur traitement en cas de :

    RD non proliférante sévère,

    rétinopathie diabétique proliférante,

    maculopathie oedémateuse,

    rétinopathie diabétique en début de grossesse,

    décompensation artérielle ou rénale,

    équilibre glycémique rapide.

    TRAITEMENT DELA RÉTINOPATHIE DIABÉTIQUE

    Traitement médical

    Équilibre glycémique et tensionnel :

    L’équilibre strict glycémique réduit de 54 à 75% la progression de la rétinopathie diabétique chez les diabétiques de type 1 et de 21% chez les diabétiques de type 2.

    L’équilibre strict tensionnel réduit de 34% la progression de la rétinopathie diabétique chez les diabétiques de type 2 et de 47% la baisse d’acuité visuelle à neuf ans.

    Le pronostic visuel étant en jeu, il est donc impératif de viser :

    chez les diabétique de type 1 :HbA1c ≤ 7,5%

    chez les diabétique de type 2 :HbA1c ≤ 7%TA 130mmHg/80mmHg

    L’équilibre strict glycémique devra, si possible, être réalisé de manière progressive afin d’éviter toute progression de la rétinopathie diabétique.

    L’équilibre strict tensionnel doit lui être réalisé le plus rapidement possible.

    Injection intravitréenne de triamcinolone :

    La triamcinolone a des propriétés anti-inflammatoires et anti-vasoprolifératives. Cela permet de faire diminuer et même disparaître l’œdème rétinien. Elle est donc indiquée dans la maculopathie diabétique oedémateuse diffuse rebelle. Malheureusement, la cortisone est cataractogène et les dépôts intravitréens n’ont une durée

    d’action que de quatre à six mois. Il peut également déclencher une pathologie glaucomateuse. Ce traitement peut être répété mais doit surtout être accompagné de l’équilibre glycémique et tensionnel et d’un traitement laser approprié.

    Traitement par laser

    Le but du traitement est de prévenir les com­plications cécitantes de la rétinopathie diabétique proliférantes, à savoir l’hémorragie intra-vitréen­ne, le glaucome néovasculaire et le décollement de rétine ainsi que la baisse irréversible de la vision en cas de maculopathie diabétique oedémateuse.

    Photocoagulations panrétiniennes :

    Ce traitement consiste en l’application d’im­pacts de laser au niveau de la rétine située entre les arcades des vaisseaux rétiniens temporaux, la papille et l’équateur. Il est appliqué en cas de rétinopathie diabétique proliférante et de réti­nopathie diabétique non proliférante sévère (ou préproliférante). Il permet la régression des proli­férations néovasculaires et prévient de l’évolution vers une rétinopathie diabétique proliférante de haut risque de baisse d’acuité visuelle.

    Photocoagulations focales ou en grid :

    Ce traitement consiste également en l’applica­tion d’impacts de laser au niveau de la rétine de la région maculaire et seulement au niveau de zones oedémateuses qui menacent la fovéa. Il n’est réa­lisé qu’après l’équilibre des paramètres généraux (glycémie et tension artérielle) car l’amélioration de ces paramètres peut voir l’oedème maculaire régresser et même disparaître.

    Traitement chirurgical

    Il consiste en la réalisation d’une vitrectomie parfois associée à de l’endolaser et/ou la libéra­tion de proliférations fibrovasculaires ou épiréti­niennes et rarement aussi à une cure de décolle­ment de rétine.

    Cette vitrectomie est indiquée en cas de :

    hémorragie du vitré,

    décollement de rétine par traction fibrovas­culaire et traction maculaire,

    décollement de rétine mixte.

    Perspectives davenir

    À moyen terme, il sera possible de prévenir l’apparition de proliférations néovasculaires et de les faire régresser grâce à des facteurs d’anti-vasoprolifération agissant sur le VEGF. Plusieurs molécules sont à l’essai actuellement.

     

    CONCLUSION

    La rétinopathie diabétique est une des compli­cations les plus invalidantes du diabète car elle menace le pronostic visuel du patient. C’est son autonomie, sa dignité et sa qualité de vie qui sont en jeu.

    C’est pourquoi le dépistage et la surveillance ophtalmologiques sont essentiels et doivent être bien gérés par les différents intervenants médi­caux et acceptés et suivis par le patient lui-même. Le suivi devra être renforcé chez les patients à risque ; c’est le cas notamment des patients qui présentent une rétinopathie diabétique non proli­férante sévère ou proliférante, une maculopathie oedémateuse, c’est également vrai en cas de gros­sesse, de décompensation artérielle ou rénale et d’équilibre glycémique trop rapide.

    L’équilibre strict glycémique et tensionnel res­tent des éléments prioritaires et complémentaires au traitement ophtalmologique symptomatique.

    L’angiographie à la fluorescéine est un examen précieux pour le dépistage et le suivi de différen­tes lésions rétiniennes liées au diabète mais elle n’est pas systématique et est proposée sur avis de l’ophtalmologue et en fonction de l’examen du fond d’oeil. Il s’agit d’un examen invasif parfois compliqué de réaction allergique et qui peut rare­ment être compliqué d’un choc mortel.

    De nouvelles thérapeutiques à visée anti-vaso­prolifératives et par injection intra-vitréenne sont attendues à moyen terme. Nous espérons qu’elles tiendront leurs promesses et offriront de nouvel­les perspectives dans le traitement de la rétinopa­thie et maculopathie diabétiques.

     

    RÉFÉRENCES

    1. Klein R, Klein BR, Moss SE, Davis MD, Demets DL : The Wisconcin Epidemiologic Study of Diadetic Retinopathy :II. Prevalence and risk of diabetic retinopathy when age at diag­nosis less than 30 years. Arch Ophthalmol. 1984 ; 102: 520-526.

    2. Klein R, Klein BR, Moss SE, Davis MD, Demets DL: The Wisconcin Epidemiologic Study of Diabetic Retinopathy :III. Prevalence and risk of diadetic retinopathy when age at diagnosis is 30 years or more. Arch Ophthalmol. 1984 ; 102 : 527-532.

    3. Sjolie AK, Stephenson J, Aldington S, Kohner E, Janka H, Stevens L, Fuller J and the EURODIAB complications study group: Retinopathy and vision loss in insulin-dependent dia­betes in Europe. Ophthalmology. 1997; 104: 252-260.2007 ; 126, 3 : S45-49 La rhétinopathie diabétique

    4. Klein R, Klein BR, Moss SE, Cruickshanks KJ: The Wisconcin Epidemiologic Study of Diabetic Retinopathy :XIV. Ten-year incidence and progression of diabetic retinopathy when age at diagnosis is 30 years or more. Arch Ophthalmol. 1984 ; 102 : 527-532.

    5. UK Prospective retinopathy from stereoscopic color fundus photographs: An extension of the modified Airlie House Classification. ETDRS report number 10. Ophtalmology. 1991; 98: 786-806.

    6. Early Treatment Diabetic Retinopathy Study research group: Grading diabetic retinopathy from fluorescein angiograms. ETDRS report number 11. Ophtalmology. 1991;  98: 807-822.

    7. Early Treatment Diabetic Retinopathy Study research group: Fundus photographic risk factor for progression of diabetic retinopathy. ETDRS report number 12. Ophtalmology. 1991; 98: 823-833.

    8. Massin P, Angioi-Duprez K, Becin F, Cathelineau G, Chaine G et al. : Dépistage, surveillance et traitement de la rétinopa­thie diabétique. Recommandations de l’ALFEDIAM. Comité d’experts ci-dessus et validé par les membre des conseils d’administration et scientifique de l’ALFEDIAM. Diabetes Metab. 1996 ; 22 : 203-209.

    9. Bresnick GH: Diabetic maculopathy. A critical review highli­ghting diffuse macular oedema. Ophtalmology. 1983; 90: 1301-1317.

    10. Diabetes Study (UKPDS) group: Tight blood pressure control and risk of macrovascular and microvascular complications in type 2 diabetes; UKPDS 38. Br Med J. 1998; 317: 703-718.

    11. Early Treatment Diabetic Retinopathy Study research group . Grading diabetic
    http://www.md.ucl.ac.be/loumed/V126,%202007/mars/S45-49.pdf

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