• La crainte de l'entourage d'un diabétique

    Place de l'entourage du patient diabétique de type 1

    Titre d'un mémoire effectué par Mme Marie Hélène PICHAVANT, infirmière en endocrinologie au CHR de Nantes depuis 1979, ce thème apparaît suffisamment important pour qu'Equilibre accorde une place à quelques extraits de ce travail. Il a été réalisé dans le cadre de l'Institut de perfectionnement en communication et éducation médicales. Au début du travail la situation présente est rappelée.

    "En Hôpital traditionnel, lors de la primo-éducation (premier enseignement donné au patient lors de la découverte de diabète), il peut être proposé à la famille d'assister aux différentes interventions, mais les interventions seront programmées en fonction du programme hospitalier et non de celui de la famille ou des proches qui ne se sentent aucune obligation s'ils ne sont pas sollicités, qui ont souvent une grande bonne volonté, qui sauraient se rendre disponibles mais qui n'osent pas le proposer. En Hôpital de semaine (hospitalisation d'une semaine pour rééquilibrage, etc.), il en est de même. Le diabète reste le domaine du diabétique. En consultation, le conjoint, le voisin est rarement intégré à la consultation."

    Et pourtant

    "Les diabétiques ont une forte demande d'aide, de soutien, qui ne peut pas être assuré par le corps médical déployant tout la bonne volonté possible, mais par l'entourage qui connaît le patient, qui vit avec lui et qui a le droit, lui aussi, d'accepter ou de ne pas accepter de partager ce handicap. L'éducation d'une personne diabétique insulino-dépendante, peut-elle se faire sans l'aide et la participation de son entourage ?"

    Travaillant depuis 15 ans au sein du Service de Diabétologie, Marie Hélène Pichavant a rencontré de nombreux diabétiques mais aussi leur entourage. Au début du mémoire elle rappelle que "L'éducation du diabétique insulino-dépendant a pour objet de rendre autonome une personne face à une pathologie afin qu'elle vive mieux cette maladie en comprenant son mécanisme et en intégrant cette pathologie à sa vie, tout ceci afin d'éviter les complications de la maladie. Mais, au nom de l'autonomie du malade, nous avons oublié qu'il vit avec un entourage qui supporte, qui vit aussi ce diabète."

    L'éducation au seul malade n'a-t-elle pas pour résultat que nous l'isolions de ses proches ?

    Sensible au vécu du malade et à la solitude lors d'une hospitalisation, elle constate que lors d'une hospitalisation due au diabète insulino-dépendant.

    "une grande solitude chez le diabétique face aux problèmes posés par son équilibre de vie (alimentaire, sportif,..) et les contraintes (auto-surveillance, injections), une grande crainte de la part de l'entourage vis-à-vis du malade, des manifestations et des obligations causées par ce diabète. Les diabétiques ne se sentent pas uniquement isolés par les problèmes que pose une hypoglycémie. A l'extrême, et peut-être bien plus encore, l'hyperglycémie les isole.

    Quand une personne diabétique fait son contrôle glycémique, une appréhension face aux résultats est souvent vécue. Si elle a une hyperglycémie, si l'entourage ne peut pas écouter, comprendre et interpréter un chiffre, elle se retrouve seule, quelquefois angoissée, parfois en plein désarroi. Le résultat d'une glycémie devrait pouvoir être un élément d'échange entre le malade et son entourage."

    La crainte de l'entourage

    L'entourage devrait jouer un rôle d'aide et de réconfort dans le traitement du diabète, pourtant souvent il est perçu comme une crainte. L'auteur rappelle le manque de connaissance et la crainte des proches.

    "L'entourage du diabétique ne nous parlait que très peu de la surveillance du diabétique, n'était pas au courant nécessairement (surtout chez les hommes) du type d'insuline utilisé par leur conjoint, ou leur parent ou leur ami. Par contre, l'entourage trahit une crainte de tous les instants : crainte qu'il arrive quelque chose à l'autre, crainte majorée car il avoue ne pas savoir ce qu'il peut advenir, ce qu'il faut faire. Cette crainte au quotidien, mal contrôlée, peut même aller jusqu'à l'agressivité."

    La diminution de la socialisation

    A plusieurs reprises l'isolement du diabétique est souligné, et confirmé par d'autres travaux "Le diabète est une maladie difficile à vivre et à penser; elle entraîne des réaménagements au niveau des relations avec les autres. Dans une étude faite par le Ministère de la Culture et de la Communication sur l'impact socio-économique des complications du diabète, il est dénoncé le constat de l'isolement social du diabétique qui est immense et un constat de pauvreté des relations sociales."

    Dans un service hospitalier, l'ensemble des soins est assuré par une équipe qui doit travailler en parfaite collaboration et prendre en charge cet entourage souvent délaissé. Après avoir réalisé son travail d'analyse, Marie Hélène Pichavant rappelle que

    "Chacun reconnaît l'importance, l'impact de l'entourage pour un meilleur équilibre de la maladie et du moral du diabétique, mais cet entourage est oublié lors de l'éducation. Pour qu'il ne soit plus oublié, il m'a semblé important de mettre en place avec le personnel, au sein des différentes structures qui existent pour l'éducation du diabétique (primo-éducation - semaine d'éducation - rendez-vous personnel), une place pour l'entourage du diabétique.

    Je pose donc comme hypothèse que si l'entourage du diabétique est informé, éduqué, cela pourra permettre:

    - que le diabétique vive mieux son diabète,

    - qu'il respecte mieux les règles de vie,

    - que l'entourage ne le surprotège plus ou n'ignore plus ce diabète,

    - que le diabète ne fasse plus peur,

    - en un mot, de démystifier le diabète. "

    A la suite d'un nombre important d'entretiens réalisés auprès de diabétiques hospitalisés, l'auteur note que

    "Beaucoup de diabétiques ont insisté sur le fait qu'ils sont incapables de parler de leur maladie et de ses conséquences. Ils souhaitent que l'information soit faite par des "gens extérieurs" et pouvoir, ensuite, en parler avec leur entourage. Le fait de donner une éducation seulement à la personne atteinte d'une pathologie, la marginalise, l'oblige à vivre sa maladie seule, elle ne peut en discuter puisque, dans la majorité des cas, l'entourage n'a l'information qu'à travers le diabétique, donc une information sélective et subjective. Sélective car l'information sera selon ce que veut ou peut faire passer le patient diabétique (rassurer, envie d'être materné, etc.), subjective puisque le diabétique se trouve être le sujet. "

    Le vécu du diabétique apparaît le plus souvent sous une lumière révélatrice de problèmes à résoudre, d'isolement et d'incompréhension

    "Le diabétique se heurte à deux reproches contradictoires de la part de l'entourage : s'il est "comme tout le monde", pourquoi fait-il tant de chichis avec ses heures de repas, ses piqûres, ses contrôles glycémiques, ses malaises qui troublent le travail et les loisirs de tous.., et s'il n'est "pas comme tout le monde", s'il est malade, alors qu'il se soigne et qu'il ne nous embête plus tant qu'il n'est pas guéri.., et s'il ne peut pas guérir, qu'il reste dans son rôle de handicapé et qu'il ne vienne plus faire le poids mort dans les sorties... Que d'injustice et de cruauté dans ces remarques ! et comme on comprend le diabétique qui veut rester clandestin ! "

    La demande de l'entourage

    Plusieurs questionnaires ont été remis à l'entourage de diabétiques hospitalisés. Si l'entourage semble moins demandeur d'information que le diabétique lui-même, la demande reste importante. La plupart ont reçu une brève information de la part des médecins, et font apparaître plusieurs lacunes. Pour résumer cette collecte d'informations, Marie Hélène Pichavant souligne que

    "Les réponses me confirment qu'il est indispensable d'informer, d'éduquer l'entourage du diabétique. Le diabétique insulino-dépendant doit pouvoir avoir un répondant face à ses questions journalières; cette personne doit pouvoir chercher avec lui, dialoguer, l'orienter, le soutenir. On demande à l'entourage d'être une écoute, d'être un soutien, d'être efficace en période aigüe"

    Dans le projet d'éducation de l'entourage qui constitue la quatrième partie du mémoire, les différents acteurs sont sollicités pour améliorer la formation de l'entourage. En premier au niveau de la "primo-éducation", c'est à dire au tout départ, ensuite au niveau de la semaine d'éducation, puis la consultation et l'hôpital de jour et enfin quel rôle l'association de patients doit jouer? L'auteur rappelle que

    "L' Association des Diabétiques de NANTES tient une permanence dans le Service actuellement une fois tous les quinze jours. Au cours de mes réflexions sur l'importance de l'entourage du diabétique auprès de la personne diabétique et la mise en place d'un projet d'éducation, je l'ai contactée. Elle m'a confirmé que l'entourage du diabétique insulino-dépendant était souvent mal informé et qu'il était très difficile pour elle, impliquée dans cette difficulté, d'en parler. Dans les prochains mois, le sujet de l"l'hypoglycémie"doit être traité. Nous avons souhaité travailler ensemble et de faire un atelier pour l'entourage du diabétique sur ce thème.

    Il semble important d'avoir une connaissance de la personne diabétique en dehors de l'Hôpital. Les personnes se sentent plus à l'aise à l'extérieur du cadre hospitalier et peuvent mieux exprimer leurs appréhensions, leurs difficultés. "

    Interlocuteur privilégié

    En clôture du chapitre sur le projet plusieurs points importants sont précisés

    "Toutes ces interventions à but éducatif dans les différentes structures sont importantes pour le diabétique et son entourage et apporteront un mieux vivre au patient et à ceux qui partagent son existence. Nous devons toujours garder en mémoire que c'est le diabétique qui est la principale personne et que l'éducation tourne autour de lui, qu'il doit y avoir un langage commun entre les deux parties, que l'entourage doit soutenir, aider, mais éviter de prendre la place, de se substituer au patient dans les décisions, que l'entourage est un interlocuteur privilégié lorsque le diabétique perd son autonomie. "

    La conclusion du mémoire précise les points primordiaux à traiter pour faire évoluer la situation.

    "Si la prise en charge du diabétique repose sur le traitement, la surveillance, l'activité physique et la diététique, rien ne saurait fonctionner sans la participation active du patient lui-même et de son entourage.

    L'évolution des soins a permis une meilleure information, une meilleure éducation pour les diabétiques insulino dépendants, qui ont fait diminuer le nombre de complications dues au diabète et par là même les journées d'hospitalisation. Mais nous ne devons pas oublier qu'un diabétique qui assume, qui accepte sa maladie, aura un diabète mieux équilibré. Le stress, l'angoisse sont des facteurs de non-stabilité de la glycémie.

     

    Il est donc important qu'une personne diabétique puisse avoir dans le quotidien, quelqu'un qui la soutienne, l'encourage et partage avec elle. Notre structure d'éducation doit être un plus, mais ne peut remplacer le proche. Soyons humbles. L'éducation de l'entourage du diabétique ne pourra empêcher mais modifiera des attitudes telles que la surprotection avec angoisse, l'indulgence excessive, le perfectionnisme, l'indifférence et le rejet, le diabète comme source de conflit. Nos structures doivent aider le diabétique, mais aussi son entourage.

    La mise en place de ce projet s'adresse à des diabétiques insulino-dépendants. Pourtant dans l'étude que j'ai faite sur six mois, (et dans la deuxième partie de l'année, c'était encore plus flagrant), la principale population diabétique hospitalisée est "les non-insulino-dépendants". Actuellement, ils sont très peu informés et se sentent très peu concernés jusqu'à ce qu'ils soient pris en charge pour des complications, et c'est alors trop tard. Cette éducation, qui devient une urgence, ne peut se faire sans l'entourage; dans ce type de diabète, l'entourage est important car cette maladie repose sur un plaisir dont nous pouvons difficilement nous passer (surtout en France), le repas. Comme pour toute pathologie, nous devons apprendre au malade à écouter son entourage, et à l'entourage à écouter le malade. L'entourage peut aider en partageant les responsabilités, en n'isolant pas l'autre par l'alimentation, en étant solidaire de la personne, et surtout, en faisant sentir et même savoir qu'ils sont aimés tels qu'ils sont.

    http://dianantes.free.fr/equi/entourage.html

    « Soja, la panacée ?Guide du diabète à l'aéroport : pour voyager en toute tranquilité »
    Partager via Gmail Yahoo! Google Bookmarks