• L'hôpital face aux religions

    L'hôpital face aux religions

    En France, pays laïque, les citoyens sont libres de culte mais leurs pratiques doivent obligatoirement être en accord avec la loi. Cette règle est particulièrement vraie à l'hôpital, lieu de soins qui accueille des patients de toutes les confessions. Récapitulatif des droits et devoirs des patients hospitalisés en matière de pratiques du culte.

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    Peut-on refuser un soin au nom de la religion ? A-t-on le droit de pratiquer le Ramadan à l'hôpital ? Un patient de confession juive peut-il exiger d'être soigné par un médecin du même sexe ?... Alors que des faits divers viennent régulièrement alimenter la polémique, Isabelle Lévy, spécialiste de la question et auteur du livre "Menaces religieuses sur l'hôpital"*, fait le point.

    L'hôpital, un lieu laïque

    Isabelle LevyLa France n'a pas de religion d'Etat depuis 1905. L'hôpital doit donc avoir en son sein les représentants de toutes les religions de façon à ce que les patients et les proches aient la possibilité d'exercer librement leur culte à l'intérieur d'un établissement de soins. Il existe ainsi des aumôniers de l'ensemble des confessions présentes sur notre territoire. "Ils sont là pour accompagner les patients et faciliter la prise en charge", explique Isabelle Lévy, écrivaine et auteur de nombreux ouvrages sur la question de la religion à l'hôpital. Et de citer l'exemple d'un patient musulman pratiquant, déprimé à l'idée de porter à vie des poches pour recueillir ses urines et ses selles. "Il était jeune, il ne voulait pas apprendre à gérer ses poches, il se sentait impur, relate l'écrivaine. Psychologues et infirmiers n'ont pas réussi à lui faire entendre raison. Quelqu'un a alors eu l'idée de faire appel à un imam : la réponse a satisfait le patient qui a retrouvé son image de bon Musulman".

    Des anecdotes comme celles-ci, Isabelle Lévy en a collectées des centaines. Face aux soignants démunis et en l'absence du moindre écrit sur le sujet, elle est allée à la rencontre des aumôniers et des ambassadeurs pour connaître les pratiques, traditions et coutumes de chaque confession. Elle a publié un premier document interne à l'hôpital Paul Brousse (AP-HP) en 1996. Il sera très vite diffusé à l'ensemble des établissements de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), puis au niveau national.

    Hôpital et religion : les devoirs du patient

    "Peu importe la nationalité, la religion, les croyances, on se doit de respecter la loi", rappelle Isabelle Lévy. Pas d'exception pour l'hôpital, dont le règlement est le même pour chacun. Ainsi, selon la charte du patient hospitalisé, "le patient a le droit de porter des signes religieux mais, selon la circulaire du 2 février 2005, ses vêtements doivent permettre les soins", explique la spécialiste. Le patient n'a donc pas le droit de refuser d'ôter son voile, niqab ou toute autre pièce de tissu qui entraverait un soin.

    En France, la loi oblige les familles à respecter un délai de 24 heures avant d'enterrer un défunt. Loin d'être fantaisiste, ce délai légal a pour but de laisser le temps de porter plainte si besoin. Or, dans les religions juive et islamique, le corps doit être enterré dans les 3 à 4 heures suivant le décès. "Tout Juif ou Musulman enterré en France se doit de patienter 24 heures avant que les funérailles aient lieu". De même, alors que leur religion est contre le cercueil, ils doivent se plier à cette règle exigée par la France.

    De leur côté, Hindous et Bouddhistes sont contre le fait de toucher à l'intégrité du corps après la mort, rappelle Isabelle Lévy. Pourtant, si le défunt était porteur d'un pacemaker, celui-ci devra lui être retiré comme l'impose la loi française.

    Il existe par ailleurs presqu'autant de rites de naissance qu'il existe de religions. Si en France la déclaration se fait dans les 3 jours qui suivent la naissance, elle a généralement lieu beaucoup plus tard dans les autres pays. Pour autant, tous les parents doivent respecter la loi française, quelle que soit leur religion.

    Enfin, "on a le droit d'être contre l'autopsie, mais on n'a pas le droit de s'y opposer si elle est exigée par les autorités médico-légales", souligne Isabelle Lévy. Et cette dernière d'insister : "La loi française est au-dessus des religions, des croyances et des coutumes".

    Hôpital et religion : les droits du patient

    Si le patient est soumis aux lois françaises et au règlement de l'hôpital, il a néanmoins certains droits. Ainsi, selon la circulaire du 2 février 2005, les soignants doivent respecter la culture et la religion du patient si ses demandes sont en respect avec la loi, l'organisation des soins et la planification du personnel.

    Médecine et religionSouvent médiatisée, le cas de femmes, ou plutôt d'hommes refusant, au nom de leur religion, que leur épouse se fasse examiner par un homme n'est pas légitime. "Dans les religions autres que celles du Christianisme, une femme est normalement prise en charge par une femme, un homme par un homme. Cette règle doit être respectée quand c'est possible, explique Isabelle Lévy. Mais en cas d'urgence, les religions imposent le respect de l'enveloppe corporelle qui nous a été prêtée par le Ciel. Les religions exigent alors la transgression des interdits religieux quand la situation médicale l'imposent". En clair, même si l'hôpital n'a pas de soignant du sexe voulu, il n'est pas en faute pour autant. Et ce, quelle que soit la spécialité (gynécologie-obstétrique comprise). Et Isabelle Lévy de rappeler que dans la plupart des pays musulmans, les médecins sont généralement des hommes et qu'ils examinent les femmes sans que cela pose de problème. "Le soin doit être prioritaire sur la pudeur", ajoute encore l'écrivaine.

    Si sa religion lui en impose, le patient peut demander à se voir respecter ses préceptes alimentaires. Mais là encore, l'établissement n'est pas obligé de donner satisfaction. Et n'envisagez pas de faire appel à vos proches pour qu'ils vous apportent à manger, ils n'en ont pas le droit en vertu du respect des conditions d'hygiène, rappelle Isabelle Lévy.

    Concernant la prière, le patient est autorisé à la pratiquer dans sa chambre ou dans les lieux de culte de l'établissement. S'il partage sa chambre, il conserve ce droit mais doit se limiter à son espace personnel et faire en sorte que les autres patients et leurs visiteurs (familles ou soignants) puissent continuer leurs activités sans être gênés. En revanche, la prière ne doit pas entraver un soin, qui reste prioritaire ; dans ce cas, c'est au patient de reporter son temps de prière, comme le permettent les religions. Même chose pour le jeûne du Ramadan, qu'il est tout à fait possible de reporter après les dates en vigueur en cas d'hospitalisation, de grossesse ou de maladie.

    Refuser de se faire poser une valve aortique au nom de la religion sous prétexte qu'elle est d'origine porcine n'est pas davantage valable. "La valve est posée pour garder le patient en vie, il n'a donc pas le droit de la refuser. Ce devoir de transgression ne l'exclura pas pour autant de sa communauté religieuse, explique Isabelle Lévy. Par contre, poursuit-elle, il a l'obligation de se tenir au courant des avancées scientifiques ; si un nouveau dispositif médical conforme à sa religion est mis au point, il se doit de faire remplacer sa valve pour ne plus être dans le pêché". De même, certains Juifs orthodoxes sont contre les gélules, tandis que nombre de Musulmans refusent les traitements à base d'alcool. "Pas de problème, s'il existe une alternative", explique la spécialiste. Si ce n'est pas le cas, le patient doit accepter le soin, sous peine de se voir exclu de l'établissement. "Le chef de service peut demander au directeur de l'hôpital de mettre fin à l'hospitalisation en cas de refus ou de le transférer dans un autre établissement".

    Pour Isabelle Lévy, le patient doit comprendre que "l'hôpital reste un lieu de soins avant toute chose. Les religions sont souvent plus souples que les fidèles. Il va donc de l'intérêt des soignants et des patients de faire appel à l'aumônier, plus légitime aux yeux du patient pour lui expliquer ce que la religion lui autorise".

    Les devoirs des soignants

    De leur côté, les soignants sont soumis à la même neutralité au sein de l'hôpital : "Tous les signes religieux restent au vestiaire au moment de leur activité", souligne Isabelle Lévy.

    Ils n'ont pas le droit de refuser un acte de soin autorisé par leur diplôme même si leur propre religion leur interdit.

    Ils n'ont pas non plus le droit de prier, même pendant leur temps de pause, car ils représentent alors toujours leur établissement. Les Musulmans, dont la religion impose 5 prières par jour, doivent rattraper ce temps de prière le soir.

    En période de Ramadan, les soignants doivent être alertes, quand bien même ils font le jeûne. Leurs collègues peuvent exiger d'eux qu'ils soient parfaitement en état de travailler efficacement.

    Amélie Pelletier, le 17 janvier 2012

    Source :

    - Conférence-débat rites, ethnies, cultes et religions dans les établissements de santé, Adecco Médical, 12 janvier 2012, animée par Isabelle Lévy, écrivaine, formatrice et conférencière.
    - Circulaire DHOS/G no 2005-57 du 2 février 2005 relative à la laïcité dans les établissements de santé (accessible sur le site de la DHOS)

    Menaces religieuses sur l'hôpitalMenaces religieuses du l'hôpital - L'enquête
    Isabelle Lévy
    Editions Les presses de la renaissance
    Février 2011
    267 pages - 19 € (paru en février 2011).

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    http://www.doctissimo.fr/html/dossiers/hopital/articles/15372-religion-hopital.htm

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