• L'autocontrôle glycémique ?

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     N°51/2 - Mars/Avril 2008

    Dr Jacques GERARD, Médecine interne-endocrinologue

    L’autocontrôle glycémique est-il opportun pour le diabète de type 2 non traité par insuline ?

    Depuis deux décades, la pratique de l’autosurveillance de la glycémie à domicile (ASGD) s’est popularisée, tout d’abord dans le chef des diabétiques traités par plusieurs injections d’insuline avec en point de mire les schémas d’administration d’insuline adaptée de façon pluriquotidienne (ce qu’on appelle souvent le schéma prandial-basal). La remarquable efficacité dans le cas des diabétiques traités par injections multiples d’insuline est bien démontrée dans certaines grandes études prospectives et randomisées comme le « DCCT ». Une réduction de 30 à 60 %, très significative, des complications micro-angiopathiques (rétinopathie, polyneuropathie et néphropathies diabétiques) y est évidente.

    Progressivement, par le bouche à oreille et via les différents médias cette pratique s’est introduite chez les diabétiques non traités à l’insuline, souvent à leurs frais puisque la surveillance de la glycémie à domicile ne fait pas l’objet d’une prise en charge par AMI, (Assurance Maladie Invalidité, via les Mutuelles ou Organismes Assureurs).

    Comme on le répète souvent, les fonds destinés aux soins de santé ne sont pas inépuisables.

    Leur gestion est assurée par le Gouvernement aidé de l’INAMI et assisté par des représentants des différents partenaires sociaux : syndicats, travailleurs, patrons, associations de patients, médecins, etc…).

    Or l’ASGD représente un coût non négligeable : à titre de comparaison, l’ASGD des diabétiques âgés de 65 ans ou plus, non traités à l’insuline dans le chef de MEDICARE B aux USA (=Assurance Soins de Santé activée par l’administration Clinton) en 2002 a représenté 465 millions de dollars US (tigettes, matériel, piqueurs, calibrations et piles).

    La question de la prise en compte de ce type de dépense par l’Assurance-Maladie est posée pour le diabète de type 2 sans insuline, alors même que l’intervention de l’AMI dans l’ASGD des diabétiques sous insuline est régulièrement remise en question par le Gouvernement (remise en cause périodique du système conventionnel par lequel certains centres s’engagent à fournir l’expérience paramédicale et le matériel nécessaire à l’administration pluriquotidienne d’insuline).

    Existe-t-il des preuves scientifiques que l’ASGD améliore la santé des diabétique de type 2 sans insuline, le sujet étant par définition examiné collectivement ?

    Il faut bien avouer que ce n’est pas démontré, cette question fait encore toujours l’objet de débats dans les revues et congrès spécialisés.

    C’est ce que MB Davidson discute dans un éditorial suscité par une 2° étude de la question publiée en mars 2007 dans Diabetologia.  (Davis et al, Diabetologia 2007, 50, 3,510 et Davidson, Diabetologia 2007, 50,3 497).

    Cette dernière étude non seulement ne montre pas de gain de santé particulier chez les D2 sans insuline, mais de plus laisse croire que le risque cardio-vasculaire des D2 qui se sont imposé un ASGD est nettement accru !

    Comment est-ce possible alors qu’une précédente étude avait au contraire montré l’inverse; à savoir une réduction des complications de tout genre chez les D2 soumis à l’ASGD ? C’est ici qu’il faut bien examiner les études publiées. De nombreux facteurs peuvent  influencer significativement les résultats d’une étude, surtout si celle-ci est observationnelle, rétrospective et ainsi ne respecte pas la rigueur des expérimentations conduites selon les règles de la randomisation (tirage au sort).

    Revoyant les études publiées jusqu’en 2007, Davidson estime qu’il n’y a pas de preuve scientifique que l’ASGD améliore le sort des D2 non traités à l’insuline.

     

    Cependant il est clair que la pratique de ce type de surveillance a un rôle éducatif certain pour chaque patient acceptant de s’y soumettre, le motive davantage,

    permet de réagir plus rapidement et d’identifier des hyperglycémies méconnues et non ressenties, peut permettre aux soignants d’ajuster certains types d’antidiabétiques oraux (et spécialement les glinides (Novonorm) et le glucobay (Acarbose), ainsi que de documenter d’éventuelles hypoglycémies.

    L’adaptation alimentaire est également mieux gérée si l’effet des repas sur la glycémie au doigt est observable en temps réel et bien sûr à condition que l’ASGD soit suffisamment fréquente (avant et après repas par exemple), ce qui est rarement réalisé dans le cas des D2.

    Au total, Davidson conclut que l’ASGD est une technique coûteuse mais largement popularisée n’ayant pas fait la preuve de son efficacité pour la santé des D2 non traités à l’insuline. Mais la discussion reste ouverte, peut-être peut-on imaginer un recours intermittent à l’ASG, dans certaines conditions particulières émaillant la vie d’un diabétique de type 2.

    Une étude clinique randomisée prospective bien construite devrait peut-être permettre d’apporter une réponse à cette question.

    En attendant, la question reste de savoir si les deniers publics peuvent être employés dans cette direction au stade actuel des connaissances.

     

    Le Contrepoint du Rédacteur en Chef

    L’article du Dr Gérard soulevant des questions très débattues, et peu documentées, il nous le confirme, je veux introduire un contrepoint pour le lecteur. Je serai bref :

    1. L’importance capitale de l’autocontrôle glycémique ne se discute plus dans le diabète de type 1, le diabète post-pancréatite et en règle générale tout diabète traité par un schéma de type basal prandial (ou une pompe) surtout si on utilise les analogues ultra-rapides de l’insuline.

    2. L’autocontrôle glycémique est un outil précieux d’instauration, d’adaptation et de surveillance du traitement chez tout diabétique traité à l’insuline. Il évite certaines hospitalisations inutiles pour débuter ou adapter les traitements insuliniques.

    3. Malheureusement la question du remboursement de l’autocontrôle aux patients non traités à l’insuline ne se pose même pas en Belgique : l’autocontrôle n’y est même pas remboursé aux patients sous une injection d’insuline (là où l’autocontrôle matinal

    est bien utile pour adapter vite et bien la dose d’insuline).

    4. Il n’y a pas d’étude d’intérêt car il n’y a pas d’intérêt pour ce type d’étude : aux USA le remboursement est acquis auprès de beaucoup de caisses d’assurances, en Belgique il ne le sera pas même en cas d’étude favorable.

    Pourquoi investir une étude ? Ce serait aux autorités de régulation ou remboursement de le faire !

    5. Chez le diabétique non traité à l’insuline mais avec un traitement à risque d’hypoglycémie (sulfamidés ou glinides) un autocontrôle limité nous semble utile.

    Nous recommandons généralement un profil/15 jours ce qui, avec les imprévus et d’éventuels contrôles pour malaise, fait deux boîtes de tigettes par an environ.

    L’autocontrôle permet de monitorer le traitement, de motiver le régime, de se rassurer en cas de malaise, etc. Il faut cependant que l’autocontrôle soit structuré (organisé) et pas occasionnel, et que le patient soit bien au courant de ses objectifs personnels.

    6. Pour les patients qui exercent une activité à risque d’hypoglycémie ou qui veulent simplement continuer à conduire leur véhicule sous tout traitement susceptible

    de causer des hypoglycémies, l’autocontrôle est enfin une obligation morale de sécurité.

    7. Soulignons enfin que certaines fédérations de mutuelle ou caisses d’assurance accordent un remboursement limité des autocontrôles à leur affiliés même non insulino-traités mais le régime est variable d’une caisse à l’autre : renseignez vous auprès de votre caisse.

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