• Et si ça venait du ventre ?

    Et si ça venait du ventre ?

     

    Les intestins jouent un rôle central dans notre état de santé. Ils abritent une grande partie de notre système immunitaire et synthétisent tous les nutriments dont notre organisme a besoin pour bien fonctionner... D'excellentes raisons pour ne pas malmener cet organe aussi complexe que sensible. Explications.

    Même si les intestins retiennent moins l'attention des scientifiques que, par exemple, le coeur et le cerveau, ils n'en constituent pas moins un organe très complexe qui joue un rôle très important dans notre état de santé général.

    Dans l'évolution, l'intestin a été le premier organe à se former lors de la transformation d'organismes unicellulaires en êtres multicellulaires. Aujourd'hui, chaque être humain dispose d'un intestin qui fait près de 10 mètres de long et qui, complètement déployé, couvrirait la superficie d'un terrain de tennis. Les intestins, tout comme la peau, forment une barrière entre notre organisme et le monde extérieur. La paroi intestinale doit extraire suffisamment de nutriments du bol alimentaire afin de permettre le bon fonctionnement de l'ensemble de l'organisme, y compris les organes vitaux tels que le c£ur, le cerveau et les poumons. En outre, elle forme aussi une barrière importante contre les bactéries, les virus, les parasites,...

    Pour remplir correctement son rôle, la muqueuse intestinale est constamment renouvelée, au rythme de 70 milliards de cellules par jour !

    Constamment en mouvement

    L'intestin est un organe constamment en mouvement. Le péristaltisme est nécessaire pour transformer le bol alimentaire et le faire avancer dans le long tuyau que forment nos intestins. Tout au long du trajet dans le tube digestif, des sucs digestifs sont sécrétés pour extraire les nutriments et le liquide des aliments. La paroi intestinale comporte plusieurs types de cellules qui remplissent toutes des fonctions spécifiques. Elle comprend ainsi des cellules qui libèrent les enzymes nécessaires pour décomposer les aliments en plus petites unités, absorbables dans la circulation sanguine, des cellules qui produisent du mucus, des hormones ou qui libèrent des protéines destinées à neutraliser des agresseurs potentiels.

    Pour assurer la bonne organisation de ce système, une communication intense s'établit entre le cerveau et les intestins. De nombreux récepteurs évaluent constamment la situation dans les intestins et relaient, par le biais d'un influx nerveux, ces informations au cerveau. Le cerveau les analyse et renvoie, le cas échéant, des signaux afin d'adapter le fonctionnement des intestins. Mais ce système de communication est particulièrement sensible et se dérègle très facilement. A cause du stress, par exemple. Pour s'en convaincre, il suffit de penser aux maux de ventre que l'on éprouve avant de présenter un examen ou d'avoir un entretien avec son patron.

    Notre second cerveau

    Des études ont montré que la communication qui s'établit entre le cerveau et les intestins est plus intense que ce que l'on croyait. Les intestins possèdent, en effet, un réseau nerveux spécifique, que les scientifiques qualifient de « second cerveau ». Il s'agit d'un système nerveux local autonome qui émet des stimuli exerçant une influence sur le fonctionnement intestinal. Il règle notamment le mouvement du tractus digestif et la libération de certains enzymes. Le système nerveux autonome classique, que nous avons tous étudié au cours de biologie, règle, indépendamment de notre volonté, le fonctionnement de nos organes. Il comprend le système nerveux parasympathique et le système nerveux (ortho-)sympathique, qui exercent sur les organes une action plus ou moins antagoniste. En ce qui concerne les intestins, le système nerveux parasympathique exerce une action de stimulation, le système nerveux sympathique, une action de ralentissement.

    En outre, les intestins possèdent leur propre système nerveux entérique, dont le nombre de cellules nerveuses serait comparable à celui de la moelle épinière. De nouvelles études devront déterminer l'importance de son rôle dans certaines affections intestinales telles que le syndrome du côlon irritable.

    Le côlon irritable

    Des études récentes ont montré que la sérotonine joue un rôle dans le syndrome du côlon irritable. Ceux qui sont atteints du syndrome du côlon irritable (SCI), qui s'accompagne de diarrhée (voir plus loin), ont généralement beaucoup plus de sérotonine dans le sang que ceux qui n'en souffrent pas. Notre réserve de sérotonine se situe à 95 % dans nos intestins et seulement à raison de 5 % dans le cerveau et la circulation sanguine. Dans notre cerveau, la sérotonine joue notamment un rôle dans la détermination de notre humeur, dans l'apparition de la dépression et de l'angoisse. Dans nos intestins, elle est associée au transfert de signaux vers les cellules qui jouent un rôle dans la mobilité des intestins.

    Le syndrome du côlon irritable, également appelé côlon spastique, touche 10 à 15 % de la population adulte du monde occidental (dont une forte majorité de femmes). Une partie seulement consulte un médecin traitant et seuls quelque 5 % se rendent chez un spécialiste.

    « Le syndrome du côlon irritable est loin d'être une pathologie simple, surtout parce que nous ne la connaissons pas encore très bien et que nos possibilités de traitement sont limitées, explique le Pr Philip Caenepeel, gastro-entérologue à l'hôpital d'Oost-Limburg à Genk. Le SCI se caractérise par des problèmes fonctionnels qui, par définition, ne sont pas décelables du point de vue organique. Il n'est donc pas possible de les objectiver au même titre qu'un ulcère ou une inflammation. Nous sommes toutefois convaincus qu'ils sont organiques dans le sens où, s'ils ne sont pas visibles, il y a un problème neurologique dans les cellules qui assurent la réception des signaux émis par les intestins. »

    Pas d'anomalies décelables

    « Les connaissances sur le côlon spastique sont en évolution constante, précise le Pr Caenepeel. Il est désormais communément admis qu'une importante infection intestinale due, par exemple, aux bactéries campylobacter ou aux salmonelles peut entraîner par la suite l'apparition des symptômes du côlon irritable et leur persistance. Les intestins dysfonctionnent pendant une longue période. Mais, en principe, des examens relativement poussés ne permettent pas de déceler d'anomalie chez le patient atteint du SCI. Les symptômes sont reconnaissables (diarrhée ou constipation, sensation de ballonnement, flatulence, maux de ventre) et durent depuis au moins six mois. L'examen clinique, lui, est rassurant.

    Les analyses de sang et de selles sont normales ainsi que l'échographie éventuelle. Une coloscopie ne décèle pas d'anomalies. On procède rarement à une coloscopie sur les jeunes patients. En revanche, on la pratique plus souvent chez les 50 + afin de ne pas passer à côté d'une tumeur intestinale. On peut éventuellement pratiquer un test de tolérance au lactose puisque qu'une intolérance au lactose donne des symptômes similaires au SCI. Mais, en général, il est possible de déterminer si les symptômes apparaissent après la consommation de produits laitiers lors de la consultation.

    On distingue trois catégories de SCI : le côlon irritable s'accompagnant surtout de constipation; le côlon irritable accompagné surtout de diarrhée et le côlon irritable présentant une alternance de constipation et de diarrhée. Nous commençons à mieux connaître le mécanisme qui sous-tend cette affection : des cellules réceptrices de la paroi intestinale hyperstimulables envoient trop d'impulsions nerveuses au cerveau, qui les enregistre comme des douleurs. En réaction, le cerveau envoie des stimuli aux intestins, qui déclenchent une diarrhée. Il y a un excès de neurotransmetteurs (des substances qui assurent la transmission des influx nerveux), et tout particulièrement de sérotonine. L'innervation réagit à cette hypersensibilité par une downregulation (insensibilisation). La réponse à l'influx faiblit et la constipation peut apparaître. Il peut parfois y avoir alternance de constipation et de diarrhée. Mais les raisons de cette hypersensibilité des cellules réceptrices sont un autre problème.

    Nous nous efforçons d'aborder le SCI de la façon la plus scientifique possible, mais nous manquons parfois des médicaments nécessaires. La thérapie de base pour soigner le SCI est un régime riche en fibres, mais elle s'applique en fait à tout le monde. Pour le reste, il n'y a pas de régime spécifique, mais chacun doit déterminer les aliments qui ne lui conviennent pas et les éviter. Ainsi, ceux qui sont sujets aux gaz et aux ballonnements éviteront oignons, poireaux, etc. D'autres sont davantage dérangés quand ils mangent épicé. Cela varie d'une personne à l'autre.

    Éventuellement, des médicaments sont donnés pour combattre les crampes intestinales. Ces mesures, associées à l'assurance que cette affection n'est pas le signe avant-coureur d'autres maladies plus graves, soulagent souvent le patient. Chez certaines personnes toutefois, le SCI est tellement aigu qu'elles sont incapables de travailler en raison des douleurs ou de diarrhées irrépressibles. On peut traiter les symptômes de la diarrhée, mais le traitement ne soulage pas la douleur. »

    De nouveaux médicaments mais pas encore chez nous...

    «Une nouvelle catégorie de médicaments agit sur le mécanisme de déclenchement proprement dit, en l'occurrence sur les concentrations anormales de sérotonine, poursuit le Pr Caenepeel. Ces médicaments ne sont toutefois pas encore disponibles sur le marché belge. Les producteurs de médicaments pour maladies fonctionnelles doivent, en effet, fabriquer un médicament sans effet secondaire. Comme il s'agit d'une maladie fonctionnelle peu dangereuse, le médicament ne peut donc avoir d'effets secondaires. Ce qui est très difficile. Les recherches se poursuivent pour trouver des médicaments plus efficaces.

    Les personnes qui souffrent beaucoup du SCI se voient souvent prescrire aussi des antidépresseurs. Non pas parce que nous pensons que leur maladie est d'origine psychosomatique, mais parce que ces médicaments ont également une action relaxante sur les intestins. Ces patients éprouvent souvent des difficultés à accepter qu'on leur prescrive des psychotropes, parce qu'ils croient que nous assimilons leur mal à une maladie psychique. Ce qui n'est pas le cas, même s'il est un fait que l'humeur influence la perception des symptômes. Les gens stressés ou anxieux présentent plus souvent des symptômes. Mais nous rencontrons aussi des gens actifs et fonctionnant parfaitement qui souffrent du SCI. »

    Des milliards de bactéries

    Les intestins sont également un biotope particulièrement peuplé qui abrite 100.000 milliards de bactéries. En d'autres termes, la population bactérienne de nos intestins est dix fois plus nombreuse que le nombre total de cellules de notre organisme et on aurait identifié plus de 600 sortes différentes de bactéries intestinales. Elles tirent de notre alimentation des substances utiles dont nous ne pourrions pas bénéficier sans elles, jouent un rôle dans la transformation des fibres non digestibles, éliminent les substances toxiques et empêchent le développement des bactéries nocives.

    Nous avons donc tout intérêt à veiller à ce que notre flore intestinale soit équilibrée. Une alimentation déséquilibrée, le stress, la maladie, l'absorption de nourriture avariée (1 bactérie pathogène peut se multiplier en 17 millions d'exemplaires en un laps de temps de 8 heures !), l'usage d'antibiotiques,... Les facteurs qui peuvent perturber cet équilibre sont nombreux.

    En pareils cas, nous pouvons donner un coup de pouce aux bonnes bactéries intestinales grâce aux pré- ou probiotiques. Les prébiotiques tels que l'inuline et l'oligofructose sont des fibres fermentables qui sont présentes dans beaucoup d'espèces végétales (notamment la racine de chicorée) et qui favorisent la croissance des bonnes bactéries, surtout les bifidobactéries. L'adjonction d'inuline à l'alimentation peut également entraîner une amélioration des problèmes de constipation.

    Mais nous pouvons également essayer de renforcer la population de bonnes bactéries en augmentant directement leur nombre, par exemple en mangeant des produits laitiers fermentés. Le yaourt contient obligatoirement les bactéries Lactobacillus bulgaricus et Streptococcus thermophilus. On peut uniquement parler de yaourt lorsque ces bactéries sont utilisées pour la fermentation du lait et qu'une certaine quantité de ces bactéries vivantes est présente dans le produit final.

    Les probiotiques sont des laitages fermentés utilisant d'autres espèces de bactéries dont on dit qu'elles survivent mieux dans notre tube digestif que les bactéries du yaourt. Les boissons lactées du type Yakult ou Actimel en sont des exemples. Les produits laitiers fermentés comme le yaourt ou les probiotiques présentent l'avantage d'être mieux supportés par ceux qui éprouvent des difficultés à digérer le sucre du lait, le lactose. En outre, ces produits, pour autant qu'on n'ait pas tué les bactéries qu'ils contiennent en les chauffant, contribuent au rétablissement d'une flore intestinale perturbée.

    Un vrai centre immunitaire

    Comme les intestins sont, avec la peau, le lieu de contact par excellence entre notre organisme et le monde extérieur, ils jouent un rôle important dans notre système immunitaire. La flore intestinale constitue la première ligne de défense contre les agents pathogènes. Les cellules épithéliales et la muqueuse de l'intestin forment une deuxième barrière. En troisième ligne, on trouve les tissus lymphoïdes spécifiques entourant les intestins et leur énorme potentiel d'anticorps (plus de 80 % des cellules immunitaires de notre organisme !) qui se battent continuellement contre les antigènes de toutes origines présents dans les intestins. Il est important de savoir que la règle d'or «use it or loose it» (utilisez-le sous peine de le perdre) s'applique également à ce type de défense immunitaire.

    Lorsque le tractus digestif n'entre pas, pendant une plus longue période, en contact avec les antigènes classiques, par exemple à la suite d'un jeûne prolongé ou d'une alimentation par perfusion, cette fonction de sentinelle s'étiole.

    D'autre part, des troubles de l'immunité peuvent entraîner des anomalies comme la maladie coeliaque (une hypersensibilité au gluten qui trouble le fonctionnement de l'intestin grêle au point de parfois provoquer des carences en certains nutriments) ou des maladies inflammatoires chroniques de l'intestin telle la maladie de Crohn ou la colite ulcéreuse.

    Les intestins exercent donc une grande influence sur notre santé, mais, en même temps, de nombreux de facteurs peuvent perturber leur fonctionnement. Ce système incroyablement complexe mérite donc toute notre attention. 

    Les intestins et l'immunité

    Le lien entre notre alimentation et bon nombre de maladies est incontestable. Il est évident toutefois que ces affections sont aussi liées à la façon dont certains aliments passent dans le sang via le système digestif. Les maladies liées (en partie) à l'absorption de certains aliments sont les suivantes :

    • l'ostéoporose
    • le diabète
    • les maladies cardio-vasculaires
    • les affections provoquées par des carences en vitamines ou en minéraux
    • toutes les affections dans lesquelles les acides gras essentiels jouent un rôle.

    Notre intestin est aussi le siège d'un élément important de notre système immunitaire naturel. Les chercheurs commencent petit à petit à comprendre comment il fonctionne. Ce qui est sûr, c'est que beaucoup de maladies trouvent en partie leur origine dans nos intestins via le système immunitaire. Des études ont associé les maladies ou plaintes suivantes, souvent surprenantes, à la santé de nos intestins :

    • la migraine
    • la fatigue
    • le mal de dos
    • le syndrome de fatigue chronique
    • les allergies alimentaires
    • le cancer
    • les maladies auto-immunes comme le psoriasis, la polyarthrite rhumatoïde, la maladie de Crohn...
    • certaines carences en vitamines. Par ex., la vitamine K qui joue un rôle dans la coagulation est produite en grande partie par les bactéries intestinales.
    • l'intolérance au lactose
    • l'asthme
    • l'eczéma atopique.
    • Prévenir les gaz et les ballonnements

      La présence de gaz dans les intestins peut occasionner une sensation particulièrement gênante, surtout chez ceux qui ont un côlon irritable. Le gaz dans nos intestins provient de l'activité des bactéries intestinales et, d'autre part, de l'air que nous respirons. Un bon conseil : prendre le temps de manger à l'aise sans trop parler pendant le repas. Sachez aussi que le chewing-gum peut augmenter l'aérophagie. En cas de ballonnement, mieux vaut aussi éviter les boissons pétillantes. La formation de gaz dans les intestins peut être limitée en évitant les amylacés tels que les haricots, les oignons, les poireaux, les petits pois et les lentilles.e

      Eviter les stimuli

      La stimulation mécanique des intestins qui les pousse à se contracter davantage et qui peut provoquer des douleurs en cas de syndrome du côlon irritable, dépend notamment de la dureté et de la taille des aliments. Quelques conseils :

    • Cuire plus longtemps les produits peu digestes.
    • Mastiquer assez longtemps les aliments.
    • Hacher, écraser ou réduire en purée les aliments au moyen d'un robot de cuisine ou d'un mixeur.

    Plus d'info :

    Et si ça venait du ventre ? Un livre de Pierre Pallardy, ostéopathe et diététicien, qui a popularisé chez nous l'idée que bon nombre de problèmes (insomnies, etc) pouvaient trouver leur origine dans notre ventre. (Ed. Robert Laffont, 2002)


    Auteur: Leen Baekelandt | Mise en ligne: 10-12-2007 | Mise à jour: 03-04-2008

    http://plusmagazine.levif.be/fr/sante/maladies/artikel/93/et-si-ca-venait-du-ventre-

     

     

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