• Diabète insulinodépendant, stress et troubles psychiatriques

    Diabète insulinodépendant, stress et troubles psychiatriques

    S Friedman, C.M.M.E, Hôpital Sainte-Anne, Paris

     

    Le diabète insulinodépendant (DID) est l'une des maladies chroniques les plus fréquentes touchant en France environ 100 000 personnes. La très grande majorité des cas débute avant 45 ans dont 50% sont diagnostiqués avant 21 ans (27). Si les facteurs étiologiques de la maladies sont multiples: héréditaires, auto-immuns, infectieux, la part des troubles psychologiques ne saurait être négligée. Deux axes seront abordés dans cet exposé:

    - psychosomatique d'une part avec l'influence du stress et des évènements de vie sur la maladie

    - somatopsychique d'autre part avec les relations entre DID et certaines pathologies psychiatriques comme les troubles dépressifs, la pathologie anxieuse et les troubles des conduites alimentaires.

     

    A) Diabète Insulinodépendant et stress

    1) Rôle du Stress dans la survenue du DID

    Le stress peut potentiellement participer au développement d'une hyperglycémie: mise en jeu du système sympathique, activation de la fonction corticotrope, sécrétion d'hormone de croissance avec augmentation de la production hépatique de glucose et diminution de sa clairance périphérique, libération d'endorphines inhibant la sécrétion d'insuline (47).

    La responsabilité des émotions dans la survenue du diabète avait déjà été évoquée dés 1684 par Willis (55). Des études animales ont mis en évidence une action hyperglycémiante des catécholamines libérées suite à des stresseurs expérimentaux: "réponse de combat" (4, 5).

    Chez le " BB Wistar rat", animal connu pour développer une insulite auto-immune au bout de quelques mois, il a été démontré qu'un stress expérimental permettait de raccourcir le délai de survenue de la maladie (47).

    Des évènements de vie qualifiés de"stressants" (décès, chômage chez l'adulte; familles dysfonctionnelles chez l' enfant) sont rapportés en plus grand nombre que des populations contrôles dans les trois années précédant le début de la maladie (40,41,50) pour l'adulte ou chez des enfants diabétiques au cours des deux premières années de la vie (48).

    Ces résultats posent donc la question soit d'un rôle précipitant du stress dans le déclenchement de la maladie (40,41,50) soit d'une interaction plus directe de type psycho-immunologique dans l'étiopathogénie du DID (48). Cependant en l'absence d'études prospectives chez l'adultes sur de large effectifs, on ne peut à ce jour valider ces hypothèses.

     

    2) Stress et équilibre métabolique

    Les études expérimentales animales ont montré, chez des rats ayant un diabète chimiquement induit, que le stress entraînait une hyperglycémie (1). Cependant, les modèles animaux ne sont pas satisfaisants (conditions expérimentales de stress, hyperglycémies induites non contrôlées par l'insuline) . Ainsi, de façon paradoxale, il a été rapporté chez le rat que des chocs électriques pouvaient inhiber le développement d'un diabète chimiquement induit (streptozocine) (47).

    Les résultats des études expérimentales ayant évalué chez l'homme le retentissement du stress sur l'équilibre métabolique sont aussi contradictoires: hyperglycémie après un entretien psychiatrique stressant (20), absence d'influence sur la glycémie d'épreuves de calcul mental (23), augmentation de la glycémie après un haut niveau de nuisance sonore chez des sujets initialement en hyperglycémie et diminution de la glycémie chez des sujets initialement en hypoglycémie (3). Les patients présentant un diabète instable (plus de 10 hypoglycémies par mois, hyperglycémies fréquentes) sont plus sensibles à l'action d'une bande vidéo stressante (augmentation du cortisol, de l'ACTH, de la fréquence cardiaque) que des sujets bien équilibrés sur le plan métabolique (9)

     

    Chez des diabétiques adultes ou juvéniles, des évènements de vie tels que des :difficultés socioprofessionnelles ou conjugales, des problèmes somatiques (sans lien avec le diabète) (9, 36, 43, 57), des stress familiaux à type de familles dysfonctionnelles (6,53) ont été associés au déséquilibre métabolique à court terme (hyperglycémie) mais aussi à moyen terme (élévation de l'HBA1C). Cependant, ce lien entre évènements de vie stressants et déséquilibre métabolique passe plus probablement par une mauvaise compliance impliquant en outre des stratégies de "coping" inefficaces (36,45) que par une action directe type neurobiologique des "stresseurs" sur la glycémie.

     

     

    3) Stress, DID et troubles psychiatriques

    L'axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien est sous contrôle des systèmes monoaminergiques du tronc cérébral dont la sérotonine. Celle-ci exerce son action via les récepteurs 5HT1A, 5HT2C, 5HT4. Dans le cadre de cette interaction étroite entre fonction corticotrope et transmission sérotoninergique, il est probable que des stress répétés puisse induire, chez certains patients diabétiques, un dysfonctionnement de la fonction corticotrope en favorisant ainsi l'apparition des pathologies psychiatriques tels que dépression (21) ou perturbations alimentaires (26)

     

     

    B) Diabète Insulinodépendant et Trouble de l'humeur

    1) Prévalence et description des troubles de l'humeur

    Willis, 10 ans après avoir individualisé le diabète, indiquait comme étiologie possible de la maladie, avec le "vin fort et le suc nerveux": une "tristesse prolongée" (55). A l'opposé pour Pike, le diabète pouvait favoriser une symptomatologie dépressive (37). Les travaux actuels semble valider ces hypothèses.

    En effet le DID se présente comme un facteur de risque de troubles de l'humeur avec une prévalence au cours de la vie d'un Episode Dépressif Majeur (EDM) plus élevée qu'en population générale: de 8,5% à 27,3% (16). Cette impression est confirmée par une étude prospective sur des jeunes diabétiques initialement âgés de 8 à 13 ans qui retrouve une fréquence de 27,5% d'EDM au cours d'une période de 10 ans (24).

     

    Il n'y a pas de lien entre la durée de la maladie et la dépression (29,38) qui survient plus volontiers dans la première année de l'annonce du diagnostic (25). La dépression est d'autant plus probable que le sujet (29,24) ou sa mère, s'il s'agit d'un enfant (25) a des antécédents dépressifs. L'évolution longitudinale des troubles de l'humeur chez le diabétique par rapport à des contrôles non diabétiques est marquée par une fréquence plus élevée de récidives (29). Les jeunes femmes présentent volontiers des récurrences dépressives plus prolongées (25). Les idées suicidaires, dans une population de jeunes diabétiques suivis pendant 12 ans, sont liées à la sévérité de la symptomatologie dépressive mais les patients passent finalement peu à l' acte (17).

     

     

    2) Relations avec l'équilibre métabolique et les complications somatiques

    Les relations entre dépression et équilibre métabolique sont contradictoires. Certains utilisant divers auto-questionnaires de dépression (questionnaire de Zung (56); BDI (12,43) ne montrent pas de corrélations entre les scores à ces questionnaires et l'hémoglobine glycosylée. D'autres observent au contraire une association entre déséquilibre métabolique et symptomatologie dépressive actuelle appréciée par hétéro-évaluation (30, 32) ou autoquestionnaires (32,33).Toutefois en l'absence d'études prospectives, on ne peut conclure sur le sens de cette relation (14). La notion de durée de la symptomatologie dépressive (de quelques mois à plusieurs années) est aussi un facteur important à prendre en compte comme le montre l' association entre dépression mineure chronique (de type dysthymique selon la classification DSM) et un mauvais équilibre glycémique dans une étude française récente (12)

     

    Les relations entre dépression et complications somatiques sont aussi contradictoires: la dépression favorisant, pour les uns, la survenue de rétinopathie sévère (7), pour d'autres, les troubles de l'humeurs sont indépendants de l'apparition de complications somatiques à type de neuropathie ou rétinopathie (12,32,33) qui restent mieux expliquées par la durée du diabète et le déséquilibre métabolique (12).

     

    Les hypothèses sous-tendant cette association entre dépression et DID passent plus certainement par une mauvaise compliance sous-tendue par la dépression, des facteurs de stress psychosociaux ou des stratégies de "coping" inadaptées (36) que par un lien direct de de type neuroendocrinien: insulinorésistance cortisol induite (35,39) ou génétique: bras court du chromosome 11 (22).

     

     http://psydoc-fr.broca.inserm.fr/colloques/cr/stressimmunite/Friedman/friedman.html

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