• Diabète et troubles de l'érection : des solutions existent !

    Diabète et troubles de l'érection : des solutions existent !

    Le diabète touche aujourd'hui près de 3 millions de Français. Parmi les complications, les troubles de l'érection sont rarement abordés, alors qu'ils peuvent altérer la qualité de vie et de la prise en charge. Doctissimo fait le point avec le Dr Pierre Desvaux, andrologue et sexologue.

    Le diabète compte parmi les principales causes des troubles de l'érection. Pas moins d'un diabétique sur trois serait touché entre 20 et 60 ans par ce problème1, dont beaucoup n'osent pas parler. Pourtant, des prises en charge efficaces sont disponibles.

    Diabète et troubles de l'érection : ce n'est pas dans la tête !

    Solutions troubles érection diabèteQuels sont les liens réels entre le diabète et les troubles de l'érection ? Si l'on a longtemps pensé que des troubles psychologiques pouvaient être à l'origine de ces problèmes intimes, on sait aujourd'hui que des causes organiques expliquent ces liens, même si le mécanisme à l'origine reste en partie mystérieux. Plusieurs hypothèses ont été avancées :

    • Le mauvais contrôle de la glycémie pourrait bloquer une étape de la cascade de réactions chimiques mobilisées depuis la stimulation sexuelle jusqu'à l'érection2. Schématiquement, l'hyperglycémie s'accompagne d'une libération moindre d'oxyde nitrique. Cette étape est pourtant essentielle à l'augmentation de la concentration en protéines GMPc essentielles à la relaxation des fibres musculaires lisses et donc à l'érection3,4. On soupçonne également le diabète de s'accompagner d'une forte concentration sanguine en une protéine favorisant la vasoconstriction et donc l'inhibition de l'érection5. "Le diabète peut entraîner des atteintes vasculaires, nerveuses et hormonales. Mais la principale cause est tissulaire et métabolique : généralement une moindre libération d'oxyde nitrique et un tissu des corps caverneux de moins bonne qualité" nous résume le Dr Pierre Desvaux.
    • Enfin, le diabète de type 2 est une cause fréquente d'hypogonadisme6 (une diminution de la fonction des testicules et donc de la production de testostérone). Ce qui va réduire la libido et la qualité des érections7.

    Mais ces recherches sont d'autant plus complexes qu'elles s'appuient sur des modèles animaux imparfaits (le plus souvent de rats génétiquement modifiés pour souffrir de diabète de type 1). Une situation que déploraient récemment plusieurs chercheurs du département d'urologie de University of Washington School of Medicine8.

    Un problème à ne pas négliger

    S'ils sont mystérieux, ces liens entre diabète et troubles de l'érection ne sont pas pour autant dénués de conséquences. 70 % des patients jugent que ces problèmes sexuels retentissent sur leur qualité de vie. Ils altèrent même le bon suivi des traitements : 43 % des patients arrêtant un traitement antidiabétique motivent cet arrêt par la survenue de troubles de l'érection9. "C'est vrai pour le diabète mais aussi pour l'hypertension, la dépression, le cholestérol… Le patient pense que le traitement est à l'origine de ces troubles de l'érection et va donc l'abandonner, alors qu'il n'y a pas de lien entre les antidiabétiques et ces problèmes intimes. Il est donc particulièrement important d'aborder ces troubles intimes afin d'améliorer l'investissement des patients à la prise en charge de leur diabète et au respect des règles hygiéno-diététiques, qui sont par ailleurs des facteurs déterminant de prévention de ces troubles" précise le Dr Desvaux. Enfin, des études récentes ont montré que la survenue de troubles de l'érection peut constituer un marqueur précoce de l'atteinte endothéliale, qui précède de quelques années la survenue d'atteintes cardiovasculaires10,11,12.

    Le Dr Desvaux plaide ainsi pour que la recherche des troubles de l'érection fasse partie de la check-list habituelle de dépistage précoce des complications du diabète. Mais dans les faits, 60 % des patients n'évoquent pas cette question auprès de leur médecin traitant dont 14 % du fait de l'absence de réponse de leur médecin traitant13.

    Préserver sa fonction érectile

    Depuis plusieurs années, les troubles de l'érection bénéficient d'une nouvelle classe de médicaments : les inhibiteurs de la phosphodiestérase-5. Si le sildénafil (Viagra ®) a été le premier sur le marché, plusieurs sont aujourd'hui disponibles avec des durées d'action différentes (tadalafil - Cialis ® dont l'effet peut perdurer jusqu'à 36 heures et vardénafil - Levitra ®). Ces traitements ont été évalués chez des patients ayant des troubles érectiles secondaires à une hypertension, des maladies vasculaires, des atteintes nerveuses, des chirurgies du pelvis ou un diabète. Les résultats oscillent généralement entre 60 et 70 % de succès14, même si les patients diabétiques comptent parmi les plus difficiles à traiter car leurs troubles sont souvent multifactoriels14. "Les résultats de ces médicaments sont d'autant plus satisfaisants que la testostérone est normalisée, que la glycémie est équilibrée et que les conditions de prise sont respectées (délai, prise éloignée d'un repas copieux…). La prise en charge peut être adaptée en fonction des souhaits du patient " précise le Dr Desvaux. Les principaux indicateurs de succès de ces médicaments sont en effet liés à l'absence de complications du diabète et à un bon contrôle de la glycémie15. La première recommandation de prise en charge est d'inciter le patient à bien contrôler sa glycémie (par l'éducation thérapeutique, un bon suivi du traitement, une alimentation équilibrée et une activité physique suffisante). "Dans certains cas, ces médicaments peuvent s'avérer inefficaces, on peut alors recourir à des injections intracaverneuses" déclare le Dr Desvaux.

    Face à l'enjeu lié à la prise en charge de ces troubles, les diabétologues sont de plus en plus nombreux à aborder la santé sexuelle lors de leur consultation. Par ailleurs, différents programmes de formation continue permettent aujourd'hui de familiariser ces professionnels à cette thématique. Et si votre médecin ne compte pas parmi ceux-là et que vous souffrez de ces troubles, n'hésitez pas à aborder vous-mêmes la question.

    David Bême

    Créé le 21 octobre 2010

    1 - Erectile dysfunction in diabetes mellitus. Malavige LS, Levy JC - - J Sex Med. 2009 May;6(5):1232-47. Epub 2009 Feb 10. (abstract accessible en ligne)
    2 - Passer en revue ces étapes paraît fastidieux, mais nous invitons les plus intéressés à consulter la référence ci-dessous dont nous vous proposons un extrait.
    Dysfonction érectile et cellules endothéliales caverneuses - M. Galianoa, G. Pignotbe, C. Costad, G. Vallanciena, R. Viragc - Prog Urol, 2010, 20, 3, 188-193 (accessible en ligne)
    Une stimulation sexuelle ou une tumescence nocturne sont responsables d'une production et d'une libération d'oxyde nitrique (NO) par la neuronal NO syntase (nNOS) au niveau des fibres terminales des nerfs caverneux. Le NO diffuse dans les cellules musculaires lisses et va se lier à la guanylate cyclase (GC) pour augmenter la concentration intracellulaire de guanosine monophosphate cyclique (GMPc). Le GMPc va activer à son tour une protéine kinase G-I (PKG-I) impliquée dans la gestion des flux intracellulaires de calcium (Ca2+) et entraîner une relaxation des fibres musculaires lisses et une augmentation du débit artériel. Cette augmentation de débit entraîne une augmentation des forces de cisaillement au niveau des cellules endothéliales qui en retour activent l'endothelial NO synthase (eNOS) et la libération de NO, la libération de EDHF et de prostaglandine E2 (PGE2) qui à leur tour augmentent la relaxation des fibres musculaires lisses. Ce phénomène aboutit finalement à l'engorgement des espaces sinusoïdales des corps caverneux avec une compression du retour veineux sous albuginéale et donc à la rétention du sang dans les corps caverneux responsable de la rigidité en érection.
    3 - eNOS Function and Dysfunction in the Penis - Biljana Musicki and Arthur L. Burnett - Exp. Biol. Med. 2006;231:154-165 (accessible en ligne)
    4 - Inactivation of phosphorylated endothelial nitric oxide synthase (Ser-1177) by O-GlcNAc in diabetes-associated erectile dysfunction - Musicki B, Kramer MF, Becker RE, Burnett AL. - Proc Natl Acad Sci U S A. 2005 Aug 16;102(33):11870-5. Epub 2005 Aug 5. (Accessible en ligne)
    5 - Role of PKCalpha and PKCiota in phenylephrine-induced contraction of rat corpora cavernosa. - Int J Impot Res. 2004 Aug;16(4):325-33. (accessible en ligne)
    6 - Hypogonadism, ED, metabolic syndrome and obesity: a pathological link supporting cardiovascular diseases. - Corona G, Mannucci E, Forti G, Maggi M. - Int J Androl. 2009 Dec;32(6):587-98. Epub 2009 Feb 10 (abstract accessible en ligne)
    7 - The role of testosterone in erectile dysfunction - Corona G, Maggi M. - Nat Rev Urol. 2010 Jan;7(1):46-56. Epub 2009 Dec 8. (abstract accessible en ligne)
    8 - Diabetes, obesity and erectile dysfunction: field overview and research priorities. - Chitaley K, Kupelian V, Subak L, Wessells H. - J Urol. 2009 Dec;182(6 Suppl):S45-50. (accessible en ligne)
    9 - Lowentritt BH et al Impact de la DE sur la compliance aux traitements .Abstract AUA 2004
    10 - Gazzaruso et al. Relationship between erectile dysfunction and silent myocardial ischemia in apparently uncomplicated type 2 diabetic patients. Circulation 2004; 110: 22-26,
    11 - P. Montorsi et al. Is Erectile Dysfunction the ‘‘Tip of the Iceberg''of a Systemic Vascular Disorder? European Urology 44 (2003) 352-354
    12 A. Ponholzer et al. Is Erectile Dysfunction an Indicator for Increased Risk of Coronary Heart Disease and Stroke? European Urology 48 (2005) 512-515
    13 - P. Desvaux - A. Corman 2004 érectile en pratique quotidienne : Etude PISTES."Progrès en urologie: 512 - 520.
    14 - Review type 2 diabetes mellitus and erectile dysfunction. - Hidalgo-Tamola J, Chitaley K. - J Sex Med. 2009 Apr;6(4):916-26. Epub 2008 Dec 5. Review.
    15 - New treatment options for erectile dysfunction in patients with diabetes mellitus. - Basu A, Ryder RE. - Drugs. 2004;64(23):2667-88.















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