• Défibrillateurs, pacemakers : les sondes disparaisent

    Défibrillateurs, pacemakers : les sondes disparaissent

    Les troubles du rythme cardiaque (fibrillation auriculaire, ventriculaire, tachycardie…) et les maladies qui leur sont associées provoquent 50 000 décès par an. L'une des approches thérapeutiques de ces arythmies repose sur l'implantation de stimulateurs (pacemakers) ou de défibrillateurs cardiaques automatiques (DCI). Ces techniques, qui datent respectivement de 1958 et de 1981, ont depuis fait l'objet d'un certain nombre de progrès : le plus récent date de 2010, avec l'intégration de la fonction de télétransmission à tous les appareils. Mais les choses ne devraient pas s'arrêter en si bon chemin puisque se profilent à l'horizon des dispositifs implantables sans sonde !

    En France, 250 000 patients sont actuellement équipés de pacemakers ou de défibrillateurs implantables - dont environ 200 000 portent un pacemaker. Ces dispositifs sont composés d'un petit boîtier générateur d'impulsions, placé sous la peau et relié par des fils électriques intraveineux à des électrodes positionnées dans le coeur. Problème : "En repoussant la mortalité des personnes concernées, les dispositifs durent plus longtemps et les exposent à divers problèmes", explique le Pr Philippe Ritter, président du 18ème congrès mondial d'électrophysiologie et de techniques cardiaques Cardiostim, qui s'est déroulé à Nice du 13 au 16 juin 2012. Et le cardiologue bordelais de citer l'obstruction des veines d'accès, l'altération des sondes cardiaques allant jusqu'à leur rupture, et, plus rare mais bien plus grave, une infection chronique ou aiguë (endocardite, septicémie). Des complications qui imposent le retrait du dispositif, une procédure risquée pour le patient. Pour le Pr Ritter, "il faut trouver un système sans fil, plus simple à mettre en place. Les dispositifs sans sonde sont donc la réponse".

    Le défibrillateur automatique implantable sans sonde

    Défibrillateurs, pacemakers sans sondeLe défibrillateur automatique implantable (DCI) permet la surveillance permanente du rythme cardiaque. Il est notamment indiqué chez des patients ayant déjà subi des anomalies du rythme ou en prévention primaire chez des patients jeunes qui n'ont pas encore fait d'événement grave mais dont le risque d'arythmie est connu, en raison d'une cardiopathie identifiée ou d'une maladie génétique conduisant à une arythmie. Au moindre trouble, il en fait l'analyse et réagit en fonction de sa nature :

    • S'il s'agit d'une fibrillation auriculaire, celle-ci ne présente pas de risque mortel, le défibrillateur n'intervient pas.
    • S'il s'agit d'une fibrillation ventriculaire, le risque de mort subite est tel que le DCI va envoyer un choc électrique (40 Joules au maximum) pour rétablir un rythme cardiaque normal.
    • En cas de ralentissement du rythme (bradycardie), le DCI dispose également de la fonction de stimulation cardiaque.

    Sans faire disparaître la sonde, une start-up américaine, Cameron Health, a conçu des DCI implantés directement sous la peau et non plus à l'intérieur du cœur, baptisés S-ICD®. Présenté au congrès mondial Cardiostim, il a reçu le "prix de l'innovation" dans la prise en charge des pathologies rythmiques. Le boîtier qui permet de détecter une arythmie est placé sous la peau au niveau de l'aisselle, tandis que la sonde longe la côte puis remonte verticalement vers le coeur sans être introduite dans les veines. Les résultats des études menées sur ce dispositif innovant montrent "une bonne discrimination des troubles du rythme, entre les troubles potentiellement mortels et ceux qui ne nécessitent pas une prise en charge immédiate", ainsi qu'une bonne efficacité des chocs délivrés, souligne le Pr Ritter. Surtout, ajoute le cardiologue, ils montrent la disparition des complications vasculaires potentiellement graves.

    D'autres progrès attendus par les porteurs de DCI

    Pour Jean-Luc Hamelin, président de l'Association des POrteurs de DEfibrillateurs Cardiaques (APODEC), qui compte 1 100 adhérents (sur les 12 000-14 000 patients implantés en France), les DCI sans sonde sont "un bon début… mais il y a toujours une sonde ! Et la grosseur du boîtier continue à poser problème". S'il salue l'avancée technique, il souligne que l'implantation sous l'aisselle où l'on a peu de chair est loin d'être la panacée. "La forme et la grosseur du boîtier doivent être améliorés", confie-t-il à Doctissimo, en marge du congrès Cardiostim.

    Par ailleurs, l'analyse des paramètres cardiaques serait moins bonne qu'avec une sonde endocavitaire, selon lui. "On perd en finesse d'analyse. En outre, le choc doit être plus fort pour pouvoir défibriller", provoquant de fortes douleurs aux patients. Son intensité, de 65 à 80 Joules, est en effet jusqu'à deux fois supérieure à celle des DCI conventionnels, avec sonde intracardiaque. Des progrès sont donc attendus sur ces différents aspects, mais déjà ces nouveaux dispositifs témoignent des efforts menés pour améliorer la vie des patients implantés.

    Une AMM aux États-Unis avant fin 2012

    Deux grosses études sont actuellement en cours :

    • L'une devrait permettre à la société Boston Scientific, qui vient d'acquérir la start-up Cameron Health, d'obtenir son autorisation de mise sur le marché (AMM) américain de la part de la FDA (Food and Drug Administration, l'agence du médicament américaine) avant la fin de l'année, indique à Doctissimo Pierre Chauvineau, vice-président de Cameron Health.
    • L'autre est un registre d'un millier de patients visant à évaluer, en plus des aspects cliniques du DCI S-ICD ®, son coût ainsi que la qualité de vie des patients implantés.

    Pour l'instant, s'il dispose d'un marquage CE, le défibrillateur cardiaque implantable en sous-cutané S-ICD® n'a pas encore obtenu d'autorisation de mise sur le marché français. Des discussions sont en cours pour déterminer un éventuel remboursement. En France, un accord a été passé avec le CHU de Bordeaux pour qu'il dispose de 12 appareils. D'autres centres français devraient également en bénéficier d'ici quelques mois. Au total, 500 patients sont implantés avec ce dispositif au Royaume-Uni, en Allemagne, en Italie et aux États-Unis.

    Les stimulateurs implantables sans sonde

    En ce qui concerne les stimulateurs cardiaques sans sonde, les choses ne sont pas aussi avancées. Les études scientifiques n'ont pour l'instant porté que sur l'animal. Il faudra attendre l'automne 2013 pour les 1ères implantations chez l'homme ; ce sera, là encore, au CHU de Bordeaux, qui fait figure de pionnier en matière de traitement des troubles du rythme.

     

    L'appareil, mis au point par la société Medtronic, est un cylindre de titane long de 25 mm pour un diamètre de 8 mm et un poids de 2 g. Une taille relativement importante mais sa miniaturisation est d'ores et déjà prévue alors même que le dispositif n'est pas encore commercialisé.

    Philippe RitterSon arrivée sur le marché est très attendue tant ses avantages sont énormes : sa pose s'effectuera sur simple anesthésie locale au niveau de l'aine, puisqu'il sera mis en place via la veine fémorale et amené jusqu'au ventricule droit. Là, il sera arrimé par 4 crochets. Au niveau clinique, les résultats sont tout aussi époustouflants : il réduit à néant le risque de thrombose, de déplacement de la sonde et limite drastiquement celui d'infection. "On attend avec impatience ce système-là, indique le Pr Ritter. Ses indications sont multiples puisqu'il répond à tout ce qui provoque l'arrêt de la fonction cardiaque. En outre, ses performances électriques sont les mêmes quel que soit son emplacement".

    Totalement autonome, sa durée de vie est de 7 ans. Les informations sont transmises par télécardiologie à un centre hospitalier qui renvoie, si besoin, le tracé au centre d'implantologie. Un médecin est ainsi prévenu toutes les 24 heures d'une éventuelle anomalie et peut intervenir rapidement, soit en réglant le boîtier, soit en adaptant le traitement médicamenteux.

    Dans les années à venir, la chirurgie robotique devrait probablement jouer un rôle important dans le développement de cette technique, en permettant d'aborder de manière précise la paroi externe du ventricule gauche pour appliquer un ou plusieurs stimulateurs sans sonde, nécessaire(s) à la resynchronisation cardiaque.

    Amélie Pelletier, juin 2012

    Sources :

    - Interview de Pierre Chauvineau, vice-président de Cameron Health, en marge de Cardiostim, le 14 juin 2012.
    - Interview du Pr Philippe Ritter, président du 18ème congrès mondial d'électrophysiologie et de techniques cardiaques Cardiostim, en marge de Cardiostim, le 14 juin 2012.
    - Interview de Jean-Luc Hamelin, président de l'Association des POrteurs de DEfibrillateurs Cardiaques (APODEC), en marge de Cardiostim, le 14 juin 2012.

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