• Coma, l'essentiel en 15 questions 2ème partie

    8. Une personne comateuse ressent-elle la douleur ?

    Les malades admis en réanimation sont placés sous sédation, donc a priori, ils ne ressentent rien. Comme ils ne peuvent pas s'exprimer ou bouger, il est difficile de se fier à leur comportement. A la place, les soignants s'intéressent à certains paramètres vitaux, comme la pression artérielle ou le rythme cardiaque, qui augmentent en cas de douleur. S'ils ne varient pas malgré des soins réputés douloureux, c'est que l'analgésie est suffisante.

    Lorsque le coma est peu profond, notamment dans le coma vigile, proche de l'éveil, les patients peuvent à nouveau réagir physiquement si on leur fait mal (grimaces, contractions musculaires, réflexes de retrait...). C'est également le cas en état de conscience minimale. Pour évaluer la douleur, l'équipe du Coma science group 7 met à disposition des soignants une échelle standardisée graduée de 0 à 12. Si le score dépasse 7, c'est le signe qu'il faut ajouter des antalgiques.

    9. Ressent-elle autre chose ?

    Pour la psychologue Michèle Grosclaude 8, le coma est à rapprocher de l'état fœtal : "On ne sait pas ce que ressentent les malades comateux mais cela ne signifie pas qu'il ne se passe rien." Ainsi, les travaux étudiant leur réactivité aux messages auditifs montrent que le pouls, la respiration, la température, la teneur du sang en oxygène varient lorsque qu'il est chargé d'affect (une musique particulièrement appréciée, une voix aux intonations chaleureuses...). Ce qui n'est pas le cas avec une voix monocorde, par exemple, quels que soient les mots prononcés.

    La spécialiste conseille aux soignants et aux proches de s'adresser aux malades en "habitant leur discours". Elle milite pour instaurer une prise en charge psychologique dès l'admission en réanimation et pas seulement lorsque le malade ouvre les yeux.

    10. Que se passe-t-il dans le cerveau des malades comateux ?

    Les recherches 9 comparant l'activité cérébrale globale de malades inconscients suite à un arrêt cardio-respiratoire, à celle de personnes saines montrent qu'elles sont identiques.

    La différence se fait au niveau des régions impliquées dans cette activité. Ainsi, alors que ce sont toujours les mêmes qui fonctionnent de façon coordonnée chez les personnes saines (le "réseau du mode par défaut"), d'autres ont pris le relais chez les patients inconscients. Une hypothèse est que ce réseau du mode par défaut serait indispensable à la conscience.

    11. Quelles sont les évolutions possibles en cas de coma ?

    Des malades décèdent suite à une complication, parce qu'ils évoluent vers la mort cérébrale ou par arrêt des soins lorsque les médecins constatent que le cerveau a trop souffert pour espérer une quelconque récupération.

    Lorsque les soins sont poursuivis jusqu'à l'arrêt de la sédation, certaines personnes se réveillent sans aucune séquelle alors que d'autres restent très lourdement handicapées, voire en état végétatif. Entre ces deux extrêmes, les conséquences sont variables, plus ou moins visibles, avec des atteintes motrices, sensorielles, neuropsychologiques et/ou comportementales dont le malade n'a pas toujours conscience.

    12. Peut-on prédire le devenir d'un patient comateux ?

    Les séquelles dépendent essentiellement des lésions (zone touchée, étendue...), de la cause du coma, de sa profondeur, des capacités de la personne à se battre pour récupérer, de son âge, de la façon dont elle "exploitait" son cerveau avant l'accident.

    Cependant, le premier enjeu est de savoir si elle va s'éveiller et pouvoir retrouver une vie autonome. Pendant la sédation, les médecins peuvent rarement se prononcer. Lorsqu'elle est interrompue, le pronostic est meilleur quand la personne ouvre les yeux rapidement. Si ce n'est pas le cas, elle passe d'abord par un état végétatif puis un état de conscience minimale avant de revenir à elle. Elle peut aussi rester totalement dépendante, "bloquée" à l'une de ces étapes. Il est difficile de prévoir l'évolution de ces malades, sachant toutefois que leurs chances s'amenuisent avec le temps, surtout s'ils restent en état végétatif.

    L'imagerie par résonance magnétique (IRM), capable de détecter de très faibles niveaux de conscience, est de plus en plus utilisée pour affiner le pronostic. Les études les plus récentes, menées par le Pr Louis Puybasset et son équipe 10, montrent qu'elle pourrait même être utilisée dès la réanimation pour faire la différence entre les patients qui pourront regagner leur domicile et ceux qui resteront en état végétatif ou très lourdement handicapés.

    13. Comment se passe l'éveil ?

    La sédation est progressivement levée lorsque les paramètres vitaux sont stabilisés, au bout de quelques jours ou semaines selon la cause du coma. Dans le meilleur des cas, la personne reprend conscience en 24-48 heures, parfois un peu plus, le temps d'éliminer les médicaments. Il faut ensuite procéder au sevrage de la respiration artificielle, à la reprise de l'alimentation orale, au lever, à la rééducation.

    Le réveil est précédé d'une période de confusion durant laquelle le malade, même s'il garde les yeux fermés, commence à percevoir le monde extérieur, notamment les bruits et les voix. Ne sachant pas où il se trouve, ni s'il est mort ou vivant, il reste quelque temps fortement perturbé, en proie à des expériences délirantes et hallucinatoires dans lesquelles il se sent persécuté.

    Michèle Grosclaude8 note qu'un réveil "calme" préfigure l'apparition de symptômes dépressifs, alors qu'un réveil "agité" témoigne de la combativité du malade et est un facteur de meilleur pronostic. Les traumatisés crâniens ont dans tous les cas un réveil plus confus et compliqué que les autres patients.

    14. Certains médicaments peuvent-ils réveiller les patients comateux ?

    Parmi ces "pilules de Lazare", comme on les appelle, en référence à la résurrection de Lazare dans la Bible, se trouve notamment le zolpidem (Stilnox®) qui n'est autre qu'un somnifère ! Cependant, d'autres molécules, telles l'amantadine ou l'apomorphine, auraient des effets similaires. Toutes agissent en modifiant les taux de messagers chimiques cérébraux, ce qui pourrait rétablir le fonctionnement de zones lésées indispensables à l'éveil et à la conscience 11. Les médecins soulignent que les patients ainsi réveillés n'étaient pas dans le coma mais en état minimal de conscience ou locked-in syndrome. La plupart des équipes testent systématiquement le zolpidem.

    15. Que sont les expériences de mort imminentes ?

    Les expériences de mort imminentes (EMI) ou Near death experiences (NDE) sont des états particuliers qui comportent souvent les mêmes éléments : le dédoublement du corps et de l'esprit (l'esprit se trouve au-dessus du corps et peut observer ce qui se passe dans la pièce), un voyage (vie qui défile, traversée d'un tunnel, lumière blanche, rencontre avec des proches décédés...), une ambiance bouleversante, un sentiment d'omniscience 12...

    Michèle Grosclaude8, qui s'est entretenue avec de nombreux malades sortis de réanimation, souligne que les EMI sont loin d'être systématiques et que les témoignages qui permettraient de les étudier sur le plan scientifique font cruellement défaut.

    Les EMI peuvent aussi être volontairement provoquées par des techniques de méditation ou la prise de substances hallucinogènes. Il n'y a pas de véritable passage dans l'"Au-delà" comme voudraient le faire croire certaines associations.

    Audrey Plessis

    Créé le 01 août 2013

    Sources :

    *Entretiens menés en juin et juillet 2013 avec :

    - Pr Steven Laureys, neurologue spécialiste des états altérés de conscience, responsable du Coma Science Group, Centre de recherches du Cyclotron auCentre hospitalier universitaire de Liège (Belgique).
    - Pr Louis Puybasset, médecin anesthésiste neuroréanimateur, responsable du service de neuroréanimation chirurgicale à l' Hôpital de la Pitié-Salpêtrière(Paris, AP-HP).
    - Dr Lamine Abdennour, médecin anesthésiste neuroréanimateur, service de neuroréanimation chirurgicale à l' Hôpital de la Pitié-Salpêtrière (Paris, AP-HP).
    - Chantal Delon-Martin, chargée de recherche, unité Inserm 836 " Grenoble Institut des neurosciences", équipe NeuroImagerie fonctionnelle et Perfusion cérébrale.
    - Michèle Grosclaude, psychologue-psychanalyste, chercheuse spécialiste des états altérés de conscience, responsable du Réseau Européen Interdisciplinaire de Recherche sur Psychologie et Réanimation (REIRPR).

    Autres sources

    1. Il n'existe pas de chiffres officiels englobant toutes les causes de coma. Le Pr Steven Laureys estime que 150 nouveaux cas/10 000 habitants sont recensés chaque année en Belgique. Rapporté à la France, on obtient près d'un million de personnes par an. La psychologue Michèle Groclaude parle quant à elle d'environ 200 000 personnes par an.
    2. L' échelle de Glagow dans le détail.
    3. "CRS-R" pour Coma Recovery Scale-Recuperation, sur le site du Coma Science Group se trouve une une version française.
    4. Voir les caractéristiques plus détaillées de chaque état dans les définitions données par le Coma science group.
    5. Site de l' association du locked-in syndrom (ALIS) créé par Jean-Dominique Bauby, auteur du livre autobiographique " Le scaphandre et le papillon".
    6. Site de l' Agence de biomédecine contenant toutes les informations sur le don d'organes.
    7. Le Coma science group étudie les états altérés de conscience et met au point des outils pour améliorer le diagnostic, le pronostic et la prise en charge des malades concernés.
    8. Psychologue-psychanalyste, chercheuse spécialiste des états altérés de conscience, responsable du Réseau Européen Interdisciplinaire de Recherche sur Psychologie et Réanimation (REIRPR).
    9. Chercheurs du CNRS au Grenoble Images Parole Signal Automatique (GIPSA lab), de l'Inserm, unité 836 Grenoble Institut des neurosciences et du Behavioural and Clinical Neuroscience Institute (Cambridge), en collaboration avec des cliniciens du Centre hospitalier universitaire de Strasbourg. Voir le communiqué Inserm et le reportage " Grenoble participe aux recherches sur le cerveau lors d'un coma", de France 3 Alpes, sur la réorganisation des réseaux cérébraux dans le coma.
    10. Service de neuro-réanimation chirurgicale de l' Hôpital de la Pitié-Salpêtrière (Paris, AP-HP). Voir le reportage d'Euronews " Coma : sortie programmée" du 11 mars 2013.
    11. Lire "Des médicaments ressuscitent le cerveau par hasard", Science & Vie n°1118, novembre 2010, reproduit ici sur Internet. L'histoire de Geneviève, une patiente française ainsi réveillée est rapportée dans l'article " Des chercheurs au chevet de Geneviève "la miraculée" ", La dépêche, 25 novembre 2010.
    12. Pour exemple, lire " Ils ont vu la lumière", journal Le Point, 23 avril 2009.

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