• Brûlures par bouillotes chez les diabétiques

    Annals of Burns and Fire Disasters (ISSN 1592-9566) -
    Pending Publications

    BRULURES PAR BOUILLOTTES CHEZ LES DIABETIQUES

    Achbouk A., Khales A., Oufkir A., Belmir R., Arrob A., Ribag Y., Nassimsabah T., Ennouhi M.A., Tourabi K., Ababou K., Moussaoui A., Ouleghzal H., Ihrai H.

    Service de Chirurgie Plastique Réparatrice et des Brûlés, Hôpital Militaire Mohamed V, Rabat, Maroc


    RESUME. La neuropathie diabétique est une complication fréquente du diabète. La forme clinique la plus fréquente est la polynévrite «en chaussette» avec perte de la sensibilité des pieds à la douleur. Les brûlures par les bouillottes sont l’apanage des patients diabétiques atteints d’une polyneuropathie sensitive, et elles sont profondes. Leur prise en charge thérapeutique est difficile et doit être multidisciplinaire. Nous soulignons à travers ce travail l’intérêt de l’éducation des patients diabétiques et leur sensibilisation en ce qui concerne l’usage des bouillottes.

    Introduction

    La neuropathie diabétique est une complication fréquente du diabète, et son incidence augmente avec l’âge. La forme clinique la plus fréquente est la polynévrite «en chaussette» avec perte de la sensibilité des pieds à la douleur.

    Elle doit être recherchée systématiquement par l’examen clinique.

    Sa prévalence est estimée à 50% chez les diabétiques dont la maladie évolue depuis plus de 20 ans, et également à 50% chez les diabétiques âgés de plus de 65 ans.

    Ces troubles sensitifs expliquent le recours de certains patients atteints de diabète à des manœuvres pour pallier au déficit sensitif, à savoir les bouillottes, qui conduisent dans certains cas à des brûlures thermiques caractérisées par leur profondeur et par des difficultés thérapeutiques dans leur prise en charge.

    Le but de notre travail est de rappeler l’intérêt de la prévention et de la sensibilisation de la population diabétique aux dangers de l’utilisation des bouillottes.

    Patients et méthodes

    Sept patients dont quatre hommes et trois femmes âgés de plus de 42 ans, brûlés par la bouillotte, ont été admis au Service de Chirurgie Plastique et des Brûlés de l’Hôpital Militaire Med V de Rabat, de mi-septembre 2006 à mi-avril 2007.

    Quatre de ces patients sont sous insuline et un patient est suivi pour insuffisance rénale chronique (dialyse).

    Dans tous les cas, nos patients rapportent des troubles sensitifs au niveau de leurs membres inférieurs.

    L’examen clinique initial montrait des brûlures thermiques profondes sous forme de placards de nécrose infectées chez tous les patients et qui étaient localisées au niveau des membres inférieurs chez six patients et de l’abdomen chez une patiente.

    Les patients ont consulté après un délai variable (4-7 jours) devant le retard de cicatrisation et l’apparition de signes d’infection.

    Toutes les bouillottes ont été confectionnées par les patients eux-mêmes.

    Le traitement a consisté en une excision des placards de nécrose. Cinq de nos patients ont eu recours à une greffe de peau (75% semi-épaisse; 25% peau totale) tandis que les deux autres ont bien évolué sous pansement quotidien.

    L’oxygénothérapie hyperbare a été indiquée chez tous les patients ainsi qu’une antibiothérapie guidée par les données de l’antibiogramme (prélèvements bactériologiques systémiques devant toute brûlure).

    Tous les patients ont été adressés chez leur endocrinologue pour une prise en charge adéquate de leur affection.



    Fig. 1Patient de 45 ans, avec brûlure du pied.

    Fig. 1 - Patient de 45 ans, avec brûlure du pied.





    Fig. 2Excision/greffe de peau semi-épaisse.

    Fig. 2 - Excision/greffe de peau semi-épaisse.





    Fig. 3Brûlure du pied (excision/greffe de peau semi-épaisse).

    Fig. 3 - Brûlure du pied (excision/greffe de peau semi-épaisse).





    Fig. 4Brûlure du pied (cicatrisation dirigée).

    Fig. 4 - Brûlure du pied (cicatrisation dirigée).





    Fig. 5Brûlure au niveau de l’abdomen chez une femme (cicatrisation dirigée).

    Fig. 5 - Brûlure au niveau de l’abdomen chez une femme (cicatrisation dirigée).



    Résultats

    La durée moyenne d’hospitalisation était de deux mois.

    Tous nos patients ont cicatrisé avec un délai nettement supérieur par rapport à la population non-diabétique.

    Quatre patients ont nécessité une reprise chirurgicale.

    Discussion

    Ce travail a été conçu parce qu’on a observé que la brûlure chez les diabétiques présente des caractéristiques différentes de la population non diabétique et que la fréquence de ces brûlures par bouillottes augmente chez cette population. Ainsi, les patients diabétiques sont habituellement des patients compliqués, à cause de la forte présence des dommages microvasculaires systémiques affectant les organes multiples.3,4 Aussi, le diabète est bien connu pour être associé à une capacité curative diminuée et à une susceptibilité accrue à l’infection.

    Les polyneuropathies diabétiques sont très fréquentes. Il s’agit le plus souvent de polyneuropathies sensitives. Leur topographie est habituellement distale, bilatérale et symétrique, le plus souvent «en chaussette», plus rarement en gant, et exceptionnellement thoraco-abdominale.

    Les manifestations subjectives sont de deux ordres:

    • les douleurs: fréquentes, volontiers exacerbées la nuit;
    • plus souvent, il s’agit de paresthésies et de dysesthésies (fourmillements, démangeaisons, sensation de froid ou de chaud).

    L’étude de la brûlure chez les patients diabétiques permet de constater que la durée d’hospitalisation et de cicatrisation est nettement supérieure par rapport à la population non diabétique, avec un risque accru d’infection et un grand nombre d’interventions chirurgicales exigées.

    La prise en charge de ce type de brûlure nécessite avant tout l’amélioration de la qualité de prise en charge thérapeutique du diabète.8 La prévention de ce type de traumatisme est un élément indispensable de cette prise en charge.

    Ce travail souligne l’importance des programmes d’éducation de la population diabétique afin de diminuer la mortalité et la morbidité ainsi que le coût et le séjour en milieu hospitalier.

    La confection des bouillottes doit être soumise à une réglementation rigoureuse.

    Le patient diabétique subissant une brûlure par bouillotte a besoin d’une attention particulière et d’une surveillance méticuleuse pour plusieurs raisons. Premièrement, la prédominance des brûlures inférieures d’extrémité a ses propres implications particulières. Des brûlures de pied ont été associées à la plus grande incidence de l’infection, un cours d’hôpital et un alitement prolongé, et un besoin accru de greffe de peau. Quelques brûlures inférieures d’extrémité dans les patients diabétiques se sont avérées aisément évitables.8-10 Deuxièmement, le patient diabétique typique souffrant des brûlures est un patient âgé, ce qui constitue un facteur de risque connu pour la morbidité et la mortalité accrues de la brûlure. Troisièmement, la baisse des défenses immunitaires augmente la susceptibilité à l’infection, à la cellulite et au sepsis de la lésion de brûlure dans la population diabétique.11,12 Quatrièmement, quand une brûlure importante se produit chez un patient présentant un diabète, elle aggrave la tendance inhérente à la résistance d’insuline, rendant nécessaire la surveillance de glucose et le traitement méticuleux par l’insuline.

    Les stratégies primaires de prévention sont extrêmement importantes. La surveillance tout en se baignant, l’utilisation d’un thermomètre de l’eau, et surtout l’essai de l’eau avec des parties du corps entièrement sensibles sont des recommandations de base pour le patient diabétique.15,16 Nous recommandons également d’éviter l’utilisation des dispositifs de chauffage de contact tels que les bouillottes. Davantage d’accent devrait être mis sur le soin d’hospitalier spécial obligatoire de ces patients. Comme dit, ces patients compliqués ont besoin de la surveillance soigneuse clinique et de laboratoire, avec un index élevé de soupçon contre l’infection locale ou systémique.

    Le traitement chirurgical devrait être méticuleux et définitif.

    Conclusion

    Les brûlures thermiques par bouillottes chez les diabétiques sont assez fréquentes. Elles peuvent avoir des implications pour la durée d’hospitalisation et le nombre d’interventions chirurgicales requises. La prévention de ces accidents passe par l’éducation des patients et l’éventuelle prohibition de l’utilisation des bouillottes, ce qui permettrait de diminuer sensiblement la fréquence et la sévérité de ses brûlures.

     

    SUMMARY. Diabetic neuropathy is a frequent complication of diabetes. The most frequent clinical form is known as “sock polyneuritis”, with loss of sensitivity to pain in the feet. Hot water bottle burns are the prerogative of diabetic patients suffering from a form of sensitive polyneuropathy. Such burns are deep. It is difficult to take therapeutic responsibility and decisions must be multidisciplinary. We underline the importance of the education of diabetic patients and of arousing their awareness to the possible risks involved in the use of hot water bottles.

     


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    This paper was received on 18 May 2008.
    Address correspondence to Dr Abdelhafid Achbouk, 67 Lot al Abtal, Temara, Maroc (tél.: 212 786 75784). E-mail: achboukhafid@hotmail.com

     

    http://www.medbc.com/meditline/articles/vol_26/num_1/8/text/vol26n1p8.asp

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