Cela fait presque dix ans. Dix ans que les pouvoirs publics essaient d'imposer la réduction de l'utilisation des pesticides - produits chimiques utilisés pour la protection ou le traitement des végétaux - dans l'agriculture. En 2008, un premier plan Écophyto établit un objectif de baisse de 50 % d'ici à 2018. Sept ans plus tard,un deuxième plan repousse la date limite à 2025. En juillet prochain, un nouveau dispositif doit aussi entrer en vigueur : le « certificat d'économie de produits phytosanitaires », dont les critères de délivrance sont encore très flous.
Entre-temps, le ministère de l'Écologie, conduit par Ségolène Royal, s'empare du sujet des pesticides. En 2019, seulement les collectivités et les jardiniers amateurs ne pourront plus répandre de produits phytosanitaires dans l'environnement.
Pour quels résultats aujourd'hui ? Le ministère de l'Agriculture vient de publier les chiffres correspondants au suivi annuel du plan Écophyto II. Le Nodu - « nombre de doses unités » - a augmenté de 9,4 % en 2014. Cet indicateur mesure de fait le recours des agriculteurs aux produits phytosanitaires, par rapport à leur surface d'exploitation. Malgré les efforts du gouvernement, l'utilisation des pesticides, loin de diminuer, semble se répandre.
Lire aussi Lutte contre les pesticides : l'agriculture toujours dispensée
Une année 2014 « humide »
En 2013, l'usage des pesticides avait déjà augmenté de 9,3 %. Entre 2011 et 2013, et entre 2012 et 2014, l'augmentation a été de 5,3 %. Le taux monte même à 16 % en 2014, en ce qui concerne l'augmentation des ventes de quantités de substances actives (QSA), autre indicateur pris en compte par le gouvernement.
Pourquoi l'agriculture ne respecte-t-elle pas les obligations édictées par les pouvoirs publics ?
Au ministère, on avance que les agriculteurs ont anticipé leur achats de produits de 2015, et que l'année 2014 a été très humide, « marquée par une pression élevée des maladies causées par des champignons ». Conséquence : les fongicides comptent parmi les produits chimiques les plus utilisés en 2014, avec 21 000 tonnes vendues. Et pour les 28 000 tonnes d'herbicides ? Le ministère de l'Agriculture ne donne pas de réponse. Du côté des agriculteurs conventionnels (non bio), la mauvaise herbe persistante appelée « ray-grass » est régulièrement pointée du doigt.
L'industrie des pesticides
Pourtant, les solutions biologiques, respectant l'environnement et la santé humaine, existent depuis de nombreuses années. Des agriculteurs réussissent à en vivre et à en tirer des rendements suffisants, moyennant une technique et une faculté d'anticipation très développées. Ainsi, pour Joël Labbé, sénateur à l'origine de la loi Labbé, incorporée en juillet dernier dans la loi de transition énergétique pour la croissance verte, l'inefficacité des deux plans Écophyto, et l'utilisation en hausse des intrants peuvent s'expliquer autrement. « Derrière l'utilisation des pesticides, il y a les firmes, les pouvoirs financiers, et les syndicats comme la FNSEA », accuse-t-il.
L'industrie des produits phytosanitaires représente en France 1,9 milliard d'euros de chiffre d'affaires, selon le ministère de l'Environnement. Ce qui place l'Hexagone au premier rang des pays consommateurs de pesticides en Europe, au troisième au niveau mondial. Le directeur du lobby européen des fabricants de pesticides (ECPA), interrogé dans le documentaire de Cash Investigation , diffusé sur France 2 le 2 février dernier, déclarait donc sans détour que son industrie ne respecterait pas l'objectif des 50 % de baisse. « Ce n'est pas possible sur la base des connaissances actuelles », a-t-il argumenté, enterrant pour longtemps le dernier plan Écophyto.
Consultez notre dossier : Le monde agricole en crise
http://www.lepoint.fr/environnement/agriculture-les-plans-de-lutte-contre-les-pesticides-inutiles-11-03-2016-2024582_1927.php